Cindy. 19 octobre 2012

J’ai réfléchi un moment, avant de commencer cet article.

Je me disais « Oh, tu vas pas étaler ton pathos sur ton blog, Lau’, hein, ça ne regarde personne ».

Et puis… et puis merde.

Il n’y a pas de pathos dans la colère, et là, si les larmes ne sont jamais très loin quand je pense à Cindy, c’est surtout la colère qui m’anime.

Cindy, elle s’est suicidée, oui.
Bien sûr, le dernier geste, ça a été le sien, personne ne l’a physiquement poussée sous ce train.

Mais, alors qu’il serait si facile de résumer son suicide à l’issue fatale de sa maladie (de ses maladies, plutôt… « Trouble de la personnalité borderline », « Anorexie-boulimie »), et si BIEN ENTENDU elle était malade, ça n’est pas de maladie et de diagnostics tirés du DSM que j’ai envie, que j’ai besoin de parler ici.

J’ai envie de parler de « germes » de sa maladie.

S’il peut paraitre incongru de parler de « germe » quand on parle de maladie psychique, j’ai envie de gueuler qu’il est trop facile, trop réducteur de parler uniquement de neurotransmetteurs en pagaille.

J’ai envie de gueuler ma colère contre ceux qui ont flingué Cindy, aussi efficacement, aussi impitoyablement, que si on avait pressé sur la détente d’un flingue contre sa tempe.

Contre le mec qui a violé la gamine ou l’ado qu’elle était. Ou les mecs. J’en sais rien, ses récits ont toujours été flous sur la question.
Mais ça ne change rien au fait que un, ou des mecs, l’ont baisée sans son consentement, et probablement à un âge où elle ne pouvait pas le donner.
Et au delà de ces mecs, il y a toute une société qui amène au viol.
Une image de la femme qui ne sert qu’à vider les couilles et à satisfaire les « besoins » de l’homme. Une image du violeur qui est « l’inconnu dans un parking sombre », alors que la plupart du temps, c’est loin d’être un inconnu.
Un tabou autour du viol, qui fait que les victimes, comme Cindy, gardent trop souvent le silence sur ce « secret honteux », jusqu’à ce que la souffrance les fasse imploser.

Contre un système psychiatrique qui a fini le travail magistralement commencé par ce ou ces mecs.
Contre les psys distribuant des médics à tour de bras, alors que jour après jour, elle s’enfonçait dans son addiction légale et remboursée par la sécu (ça n’est pas un plaidoyer anti-médicaments, dans beaucoup de cas les médicaments sont nécessaires, utile, voire vitaux, hein, mais quand une personne gobe le Xanax par boites entières, quotidiennement ou presque, est-ce qu’il n’est pas temps de se poser des questions ?).

Contre les pharmaciens qui alors que les ordonnances spécifiaient « délivrer la dose journalière uniquement », filaient les médics par pleine boite… Auraient-ils eu la même désinvolture face à des médicaments pour le cancer ?

Contre l’hôpital psy où l’ennui mortel semble être promulgué au rang de thérapie.

Contre les urgences psychiatriques de l’hopital de sa ville, où elle était allée demander de l’aide la veille de son suicide. Elle y a passé la nuit, tout en faisant par SMS ses adieux à l’entier ou presque de ses amis. Au milieu de la nuit, apprenant par plusieurs personnes qu’elle leur avait annoncé son suicide pour le lendemain, j’ai appelé ces urgences psy. Pour leur parler de ces SMS, pour leur demander de veiller sur elle, pour leur demander de ne pas la laisser sortir le lendemain matin, de l’aider…
Je les ai appelés, et ils n’ont rien fait.
Ou plutôt si : ils lui ont envoyé dans la gueule qu’elle faisait de « la demande d’attention ». Lui ont confisqué son portable « pour qu’elle n’inquiète plus son entourage ». Et l’ont laissée sortir le lendemain matin.
J’ai su après coup que son psychiatre également les avait contacté… Sans autre résultat.
Dans quel monde, sérieusement, l’annonce d’un suicide pour le lendemain est une simple « demande d’attention » ?
Dans quel monde, sérieusement ?
Dans le nôtre, manifestement.
Dans notre société, où la parole des personnes psychiquement malades est si souvent regardée à travers des lunettes déformantes de préjugés… Y compris par des « soignants » qui n’en ont que le nom…

Cindy est morte.
Elle s’est suicidée, oui. Mais on l’a tuée, aussi…

Et je suis en colère autant que triste.

Même si pour Cindy, il est trop tard, il n’est pas trop tard, et il ne sera jamais trop tard pour gueuler notre colère, pour lutter contre notre société qui banalise le viol, et pour exiger une prise en charge digne de ce nom (et digne tout court, d’ailleurs, aussi !) des personnes malades psychiques.

Pour Cindy. Pour celles et ceux qui ont vécu le même enfer avec la même issue.
Et pour toutes celles et tous ceux qui se battent encore.

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Il s’appelait Kilian, il s’est suicidé à 12 ans. Il y a 30 ans, j’aurais pu être à sa place

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Il y a des informations qu’on se prend dans la gueule, comme ca, au hasard du partage d’un article par un contact FB.

Près de Nancy, un enfant de 12 ans a été retrouvé mort. Il s’est pendu. L’hypothèse évoquée est celle du harcèlement scolaire l’ayant poussé au suicide.

Ces quelques mots ont suffi à me ramener en arrière dans le temps de 30 ans. Ou de 25. Ou de 20. Parce que ça a été, de l’école enfantine au gymnase (de la maternelle au lycée, pour les non-suisses) l’histoire de mon parcours scolaire (entre 6 et 17 ans, quoi… Allez, 11 ans en enfer, c’est rien quoi, c’est « juste des histoires de gamins », non ?).

J’avais tout pour devenir la cible de prédilection, faut dire.
Grosse (j’ai été en surpoids dès l’enfance).
« Turbulente » (le diagnostic de THADA – trouble hyperactif avec déficit d’attention, posé – enfin – pour moi il y a quelques jours par un psychiatre a enfin mis un mot sur ce « truc » qui m’a toujours empêchée de tenir en place, fait parler trop fort, fait faire des trucs un peu « ridicules » aux yeux des autres…).
« Garçon manqué ».
Maladroite et empotée dans mon corps, celle qui ne rattrape jamais la balle et fait perdre son équipe en cours de sport (« probablement dyspraxique », a dit le même psychiatre qui a posé le diagnostic de THADA).
Avec une éducation en décalage avec celle de mes camarades, parce que mes parents étaient plus âgés que la moyenne des parents d’enfants de mon âge.
Avec des cheveux frisés bordéliques et incoiffables.
Avec des parents pas pétés de thune (voire franchement fauchés) dans une ville où la majorité était plutôt friquée.
Fille unique, pas très sociable avec les enfants de mon âge, cherchant plutôt la compagnie des adultes dont je comprenais beaucoup mieux le fonctionnement que celui de mes « semblables ».
Puis fille pubère tôt, avec des seins déjà formés et avec ses règles à 11 ans, alors que mes camarades avaient encore leur corps d’enfant.
Et la plupart du temps première de classe, pour ne rien arranger.

J’avais tout pour être « celle qui est à coté de la plaque », la « pas populaire », la « pas comme les autres », celle dont on rit, celle dont il est mal vu d’être pote. Celle dont il est de bon ton de se moquer en groupe, le sujet idéal pour les blagues et les rumeurs.

Et je l’ai été.

Je me souviens des coups, du caillou dans les dents (j’ai toujours un coin de dent ébréché. La réparation par le dentiste n’a pas tenu, je ne l’ai jamais fait refaire. Je crois que j’ai besoin de ce bout de dent en moins comme d’un signe tangible de ce que j’ai vécu), des merdes de chien lancées sur mes habits, dans ma gueule, cachées dans mon cartable. Je me souviens des affaires d’école balancées dans la fontaine.  Je me souviens des petits mots passés en douce en classe pour me dire qu’on allait me casser la gueule à la récré. Je me souviens des insultes.

La grosse.
Gros tas.
Mammouth.
Jouez pas avec elle, elle a le SIDA (c’était l’insulte à la mode à l’époque, alors que la presse commençait à parler beaucoup du SIDA, qui était encore mal connu et qui remplaçait la peste ou la lèpre pour définir les parias…).
Grosse merde, grosse conne, grosse vache, grosse, grosse, grosse…

Je me souviens des récréations, que mes camarades attendaient avec impatience, et que je craignais comme une malédiction.
Je me souviens de la solitude.
Je me souviens de la boule au ventre chaque matin, et des retours de l’école en larmes.
Je me souviens de la peur.
Je me souviens de la colère.
Je me souviens de cette impression que ça ne finirait jamais, que ça serait toujours comme ça, toujours, toujours, sans solution, sans espoir.
« Je veux plus y aller, maman, je veux plus ».

Les instit’ qui prennent le parti des harceleurs, parce que « ouais mais Laurence, elle est pas facile » (ben ouais, une élève qui bouge tout le temps, qui lève pas le doigt pour parler, qui en plus apprend vite malgré tout et qui a l’audace de relever une faute d’orthographe de la maitresse au tableau noir, forcément, ca fait chier… Alors on va quand même pas prendre son parti quand elle en prend plein la gueule, n’est ce pas ?).

J’aurais pu être Kilian.
J’ai dû ma survie à ma capacité à me lier avec les autres exclus. A « chercher dans les coins », à chercher les autres gosses qui, comme moi, passaient les récréations seul.es.
Je dois ma survie à l’amitié – rare mais précieuse – de ces autres exclus.
J’ai dû ma survie à mes parents, aussi, qui ont mis le poing sur la table l’année où le harcèlement a été le plus violent, et qui m’ont fait changer de collège, après avoir affronté les instits’ complices, et la psy scolaire qui cherchait surtout à les culpabiliser eux, parce que forcément, c’était de leur faute si je n’étais pas adaptée socialement.
Ca n’a pas tout résolu (parce que débarquer en milieu d’année dans une classe déjà formée, tout en restant dans la même ville, où les bruits circulent vite, bah… c’était un peu couru d’avance que j’allais être cataloguée comme la gamine à problèmes… et donc que j’allais redevenir la cible. Ce qui a été le cas, mais avec moins de violence quand même…), mais qui a eu le mérite de me faire tomber sur une instit’ qui ne prenait pas le parti de mes harceleurs, et de calmer un peu le jeu quand même… Et surtout, ça m’a assurée que j’avais été entendue au moins par quelques adultes, et ça aussi, c’est précieux.

Mais je me souviens, ouais, je me souviens bien à quel point ça a été l’enfer.
Et je n’utilise pas ce terme à la légère.

Je me souviens que j’ai mis longtemps à me guérir de ma peur des autres.
Je me souviens que même jeune adulte, j’avais peur quand je devais passer à coté d’un groupe d’enfant, dans la rue.
Je me souviens de mon premier stage comme éducatrice avec des enfants en foyer : j’étais terrifiée à l’approche de mon premier jour : « Et si tout recommençait ? »

Et je n’en peux plus des immondices dites sur le harcèlement scolaire. Des « c’est des gamins, les gamins sont cruels » qui sonnent comme une résignation fataliste et comme une démission de la part des adultes. Des « il faut bien que jeunesse se fasse ». Des « ça forge le caractère » (bah ouais, ça le forge : ca forge des gens anxieux, des gens dépressifs, des gens phobiques sociaux, des gens traumatisés. Ca forge des suicidés. Youhou, c’est vrai que c’est une forge absolument bénéfique, y a pas à dire !). Des « faut pas dramatiser ».

J’en ai raz le bol qu’on accepte, qu’on valide le fait que dès l’école, il y a les dominants, les dominés.
J’en ai raz le bol qu’on accepte que l’école reproduise cette hiérarchie sociale, et piétine la gueule de celles et ceux qui « sortent de la norme ».

Le harcèlement scolaire n’est pas « une affaire de gamins ».

Le harcèlement scolaire EST UN FOUTU PROBLEME SOCIAL ET SANITAIRE.
Et DOIT être pris comme tel, pris au sérieux, et combattu pour ce qu’il est : une cause non négligeable de troubles psychiques, d’échec scolaire, de rupture sociale. Et de suicide.
Le système scolaire doit repérer les situations qui partent en vrille.
Le système scolaire doit intervenir auprès des harceleurs.
Le système scolaire doit offrir le soutien adéquat aux victimes.

RIP, Kilian.
RIP, Marion Fraisse.
Et tou.te.s les autres.

[Traduction] Voilà en quoi le féminisme peut être bon pour la santé mentale

[Note : Bien qu’ayant une plutôt bonne compréhension de l’anglais, je ne suis ni bilingue ni traductrice professionnelle. Il est donc possible que je laisse passer des erreurs de traduction. Si c’est le cas, n’hésitez pas à me les signaler en commentaire, et je rectifierai]

Cet article a initialement été posté sur le site anglophone du Huffington Post, à l’URL suivante : http://www.huffingtonpost.com/entry/how-feminism-could-be-good-for-mental-health_55d34452e4b0ab468d9e60cb

Si je peux me permettre une petite critique sur cet article, ça serait le fait qu’il omet de parler des problématiques spécifiques à la santé mentale des personnes identifiées comme femmes (que ça soit les personnes assignées femmes à la naissance ou les femmes trans*) :

  • Les femmes sont les victimes majoritaires d’abus sexuels et de violences conjugales (pas uniques, mais majoritaires. Je ne veux pas passer sous silence le fait que des hommes également vivent ces situations, mais le fait est que les femmes sont majoritaires parmi les victimes de ces violences), ce qui a un impact sur leur santé mentale (en particulier en terme de syndrome post-traumatique).
  • Le sexisme a un impact non négligeable sur la qualité des soins psychiatriques et psychologiques reçus par les femmes : Si effectivement, comme l’explique l’article, les hommes sont sous-diagnostiqués par honte de demander de l’aide, il n’est pas rare par contre que les femmes soient victimes AU SEIN MÊME DES LIEUX DE SOINS PSYCHIATRIQUES (hôpitaux mais aussi en consultation) du sexisme, que ça soit par des injonctions à « prendre soin d’elles » (s’habiller de manière « féminine », perdre du poids, …), que ça soit par une minimisation de leurs ressentis « parce qu’on sait bien que les femmes sont émotives », que ça soit par des violences vécues de la part de patients hommes (plusieurs personnes m’ont raconté avoir vécu du harcèlement sexuel en hospitalisation psychiatrique), voire par des soignants (les situations de patientes psy abusées sexuellement par un psy ou par un infirmier ne sont malheureusement pas si rares que ça…).

Cette critique mise à part, cet article amène un éclairage que je trouve intéressant à faire partager – et donc à rendre accessibles aux non-anglophones – sur l’impact des clichés quant au genre dans le domaine de la santé mentale.

En voici donc la traduction :

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Féminisme en force, encore.

Dans une récente vidéo, la youtubeuse Ginny McQueen explique en quoi le féminisme peut avoir un puissant impact sur la santé mentale. « Ces deux choses ne semblent rien avoir à faire l’une avec l’autre », explique McQueen, avant d’expliquer en quoi « Le féminisme travaille à aider autant les hommes que les femmes dans le domaine de la santé mentale. »

McQueen explique que les femmes ont deux fois plus de probabilité que les hommes de recevoir un diagnostic de dépression, de trouble anxieux ou de syndrome de stress post-traumatique. Toutefois, les hommes représentent 82% des morts par suicide.

Elle dit que le patriarcat impose des paramètres rigides au sujet de « ce que les hommes et les femmes devraient être ». La pression à adhérer à des rôles de genre stricts peut exacerber des troubles émotionnels et psychiques pour certain.es, et en décourager d’autres de demander des soins psychiatriques.

« Les femmes sont diagnostiquées pour leurs troubles parce qu’elles cherchent de l’aide pour ces troubles », dit McQueen. Bien que les femmes soient souvent dévalorisées au sujet de leurs émotions, les rôles de genre traditionnels partent du principe que les femmes sont émotives, alors qu’on apprend aux hommes à être solides. « On ne dit pas aux femmes d’encaisser en silence ou d’être un vrai homme », dit-elle.

Beaucoup d’hommes souffrent de dépression ou de troubles anxieux, mais ils ont moins de chances de chercher de l’aide, à cause des rôles de genre traditionnels qui leur disent qu’ils ne peuvent pas exprimer leurs sentiments. « Le féminisme essaie de faire en sorte que chacun.e soit traité.e de manière égalitaire, y compris dans le domaine de la santé mentale », explique McQueen.

Le féminisme combat pour que les personnes de tous genres – femmes, hommes et personnes trans* – soient traitées de manière égalitaires dans tous les domaines de leur vie. Si notre culture rend plus acceptable pour une personne, quel que soit son genre, de chercher de l’aide, la santé mentale ne pourra que s’améliorer.

[Coup de pouce] Recherche hébergement temporaire région de Toulouse

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Un article un peu particulier, qui a pour but de filer un coup de main à une personne, dans un contexte de séparation conjugale difficile. Elle cherche un hébergement temporaire, pour elle et éventuellement ses deux enfants, dans la région de Toulouse :

Elle a publié ceci sur son profil Facebook, et je le relaie ici, espérant que ça donnera un peu plus de visibilité (et de possibilités de partager son appel à l’aide également sur d’autres supports que FB, notamment Twitter). Si vous avez des pistes, répondez en commentaire de cet article, et je me dépatouillerai pour vous mettre en contact avec la personne concernée :

« Je ne sais comment tourner ce statut car je suis déterminée tout en étant apeurée, mais dans l’éventualité où je me lance dans cette première étape vers une séparation conjugale, quelqu’un-e pourrait-il gracieusement m’héberger a partir du 17 (ou du 20) octobre, je serai seule, ou avec mon jeune fils (2 ans), ou avec les deux gosses (2 et 4 ans), a voir selon la réaction de leur père s’il comprend ce que je met derrière ce départ. Jusqu’au 31 octobre maximum, car après il part pour 3 mois, et je serai pépère pour m’organiser pour la suite, puis ma fille reprends l’école, quoi qu’il arrive. Idéalement pas trop loin de Toulouse (a moins d’une heure ou deux) au cas où ça prend de l’ampleur dans ma famille, mais si je trouve un bon plan transport, je peux aller plus loin. Et bien que cette période corresponde a la période des vacances scolaires, cette demande n’est pas une demande de simples vacances, c’est plus que ça, et il y’a des risques que je ne sois pas tranquille ni détendue car craignant les réactions de mon entourage, bien que me connaissant, je resterai adorable et prendrais sur moi. Mais ça peut aussi très bien se passer, je précise, je viens pas avec une bombe a retardement dans ma valise, mais c’est une première étape, d’où la nécessité de me proposer des propositions fiables. Je suis VG, mes petits non. Par contre le dernier est remuant, mais je m’en occuperai, il dort avec moi la nuit, la grande ça dépend, s’il y’a de la place, donc 1 pièce sera suffisant en fait (Si vous voulez faire tourner, faites-le sans mon pseudo FB s’il vous plait). Merci infiniment d’avance. »

« Arrête de chialer, t’as tes règles ou quoi ? »… En fait oui !

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« Ouais elle est de mauvais poil, normal, elle a ses règles quoi ».

J’imagine que je ne suis pas la seule personne porteuse d’ovaires et d’utérus qui a entendu cette phrase « un tant soit peu réductrice » pour disqualifier un coup de gueule que j’aurais poussé, ou pour ridiculiser ma tristesse, ou toute autre variation tournant autour de « disqualifier les émotions d’une personne de sexe féminin ou assignée comme tel ».

C’est même à l’origine de cette maladie étrange, pur produit d’une médecine sexiste, qu’est l’Hystérie, qui vient littéralement du mot « utérus ».

En gros, notre utérus prend le contrôle de nos émotions, le vilain, on n’est définitivement pas capables de réfléchir correctement, n’est-ce pas ?

Bon, je ne vais pas épiloguer 113 ans sur le fait que c’est réducteur et sexiste.

Par contre… Je vais épiloguer un peu plus longtemps sur une situation où EFFECTIVEMENT « avoir ses règles » rime avec « avoir les émotions en vrac ».

Parce que pour les personnes qui en sont atteintes, le SYNDROME PRE-MENSTRUEL, c’est un peu la double, voire triple peine.

Déjà, à titre purement physique et émotionnel, pour le 35% de personnes porteuses d’utérus qui en sont atteintes, on ne peut pas dire que ça soit une partie de plaisir : maux de tête, de ventre, de dos, douleurs dans les seins… Mais aussi sautes d’humeur, anxiété massive, état dépressif parfois assez sérieux, épuisement… Ca fait rêver, n’est ce pas ?

Des traitements existent (hormonaux, voire traitements par anti-dépresseurs pour limiter les symptômes émotionnels les plus sévères).

Mais…

… Et c’est là que je parle de double voire triple peine …

… Il n’y a pas beaucoup d’endroit où il ne soit pas mal vu de parler de syndrome pré-menstruel.

Dans la société de manière générale, dire « je me sens horriblement mal avant mes règles » revient à peu près à coup sûr à déchainer rires sarcastiques, remarques sexistes, « ouais les gonzesses, toujours à se plaindre », « ah c’est pour ça que tu es aussi chiante »…

On pourrait imaginer que dans les milieux féministes, on puisse trouver un meilleur écho… Mais en fait, pas vraiment.

Et en fait, c’est assez logique. Le féminisme combat assez ardemment l’essentialisme, qui attribue les « comportements féminins », et les « comportements masculins » à des différences fondamentales de fonctionnement du cerveau de l’homme et de la femme, et tous les clichés qui y sont reliés.

Alors arriver et dire « quelques jours par mois, mes hormones prennent le contrôle de ma vie », c’est remettre en cause un peu de cette lutte pour faire valoir que les causes des différences comportementales observables entre individus assignés hommes et individus assignés femmes sont induites par le fonctionnement de la société, et pas par nos cerveaux ou nos hormones…

Pour avoir tenté d’amener quelques fois le sujet dans des discussions féministes, je peux vous assurer que l’accueil a été relativement glacial. La température de la discussion a perdu une 10aines de degrés d’un coup à l’évocation du combo « règles et émotions ».

A titre personnel, ça n’est plus trop un problème pour moi :

Si j’ai été par le passé affublée d’un assez fort syndrome pré-menstruel (qui me transformait soit en dragon énervé de la vie, soit en mollusque sans énergie et déprimé, avec en cadeau bonus un mal de bide carabiné), c’est rentré dans l’ordre au bout de quelques années. Cette joyeuseté là avait été induite par une pilule contraceptive qui ne me convenait pas du tout, que j’ai prise pendant quelques mois, et qui a foutu un vaste bazar dans mes hormones pour quelques années (chouette… Mes remerciements les plus chaleureux au gynéco qui me l’as prescrite, et qui n’a absolument pas tenu compte de mes « Docteur, ca va pas, j’ai constamment les jambes lourdes, des maux de tête, et avant mes règles mon humeur part complètement en vrille »… Je me maudis de l’avoir écouté, d’avoir fait confiance à sa blouse blanche, et d’avoir continué pendant quelques mois avec cette pilule avant de jeter l’éponge !)…

Mais pour des personnes qui en sont encore atteintes, je peux imaginer à quel point ce tabou autour du SPM est nocif.

En effet, comme je l’ai dit, des traitements sont possibles.
Mais pour avoir un traitement, hein, il faut déjà savoir que c’est un vrai trouble, et oser en parler.
Sauf que notre société patriarcale perçoit le SPM comme un sujet de blagues.
Et les milieux féministes comme une trahison à la cause.
Du coup, ça devient compliqué pour trouver un endroit où en parler n’est pas malvenu… Et ça fait passer à coté du fait que c’est un VRAI TROUBLE (je le mets en majuscules, du coup !), avec des vrais traitements… Et pas un truc anecdotique dont on peut se dépatouiller avec un peu de bonne volonté et en serrant les dents.

Pour l’anecdote : à l’époque où mes hormones dansaient la gigue suite à ce malheureux épisode « pilule »… Mon collocataire (à qui je ne claironnais pourtant pas « je vais avoir mes règles dans quelques jours ») pouvait dire sans grand risque d’erreur quand j’étais dans la semaine pourrie avant mes règles, et pouvait dire aussi avec précision quand mes règles commençaient. Motif : il me voyait soit dans un état lamentable de fatigue et de déprime, soit il se ramassait mes coups de nerfs pour des raisons qui habituellement m’auraient au pire fait hausser les épaules… Puis il voyait cet état se dissiper quasi d’une minute à l’autre quand mes règles commençaient.
Pour le coup, quand il me disait « toi, tu vas avoir tes règles… », je ne me sentais pas rabaissée (bon, ça n’était pas son intention, non plus, de me rabaisser… Sinon ça ne serait pas resté mon collocataire bien longtemps, hein !), mais au contraire comprise…
Pour rajouter au bonheur total de ces périodes, mon état émotionnel pré-menstruel boostait mes troubles du comportement alimentaire. Du coup, en prime, je culpabilisais d’engloutir le contenu du frigo et des placards, et je me sentais encore plus mal, la honte venant s’ajouter subtilement au bazar hormonal… Un vrai régal, non vraiment !

C’est peu de temps avant que mon corps finisse d’encaisser l’épisode « pilule » que j’ai enfin rencontré un psychiatre qui m’a expliqué que ce qui m’arrivait s’appelait « syndrome pré-menstruel », que c’était relativement courant, que je n’étais pas pour autant une nunuche à la merci de ses hormones, et qu’il y avait des traitements possibles.
Du coup, l’information est arrivée un peu tard, parce que le temps d’avoir rendez vous avec l’endocrinologue qui aurait dû faire un bilan pour voir s’il fallait s’orienter vers un traitement hormonal, ou vers un traitement par anti-dépresseurs, ben… La situation s’était régularisée, et le bilan et le traitement étaient devenus inutiles.
Si j’avais été au courant de tout cela plus tôt, croyez bien que je n’aurais pas attendu 4 ou 5 ans avant de réagir…

Du coup, écrire cet article, c’est une manière de lever un peu du silence radio sur le syndrome pré-menstruel, et aussi de faire passer aux personnes concernées qui me liraient le message suivant :

Ca n’est pas une fatalité, ni forcément un truc que vous allez devoir subir toute votre vie, ou jusqu’à ce que votre corps décide d’équilibrer la balance de lui-même.
Des traitements existent.
Et il n’y a rien de honteux à consulter (votre gynéco, votre généraliste, votre psychiatre, peu importe, mais quelqu’un qui est habilité à vous prescrire les médicaments qui vous aideraient à ne pas subir la semaine avant vos règles comme une malédiction mensuelle).