C’est l’été, et oui, vous avez le droit de planquer votre corps

Maintenant que c’est l’été pour de vrai (c’est à dire qu’on n’a plus besoin de se trimballer en pull d’hiver en plein mois de juin), que les jupes, shorts, hauts à manches courtes et autres maillots de bain sont enfin à l’ordre du jour… c’est le moment pour moi de faire un article qui va peut-être un peu à contre-sens des messages habituels sur le sujet.

Vous avez le droit de ne pas supporter le regard jugeant sur votre corps qui « sort de la norme ».

Que vous soyez gros.se, maigre, handi, trans, que vous portiez quelques part sur votre peau les marques d’un objet tranchant utilisé pour gérer vos émotions…
Vous avez le droit d’appréhender ce moment.
De ne pas sauter de joie à l’idée du retour des beaux jours.
De ne pas avoir « la body positive attitude » chevillée au corps.

Entendons nous : je ne suis de loin pas en train de vous dire « cachez ce corps, il dérange dans le paysage ». Votre corps, honnêtement, je l’aime, ou au moins je le respecte.
Vos corps qui portent d’une manière ou d’une autre les signes tangibles d’un parcours compliqué, qui indiquent que vous vous bouffez votre ration de regards oppressifs, moqueurs, stigmatisant, de rejets… Ouais, ils me font me sentir un peu plus proche de vous que des personnes dont le corps « se fond dans la masse ».
Alors non, je n’ai aucune raison de vous ordonner de les cacher, vos corps. De loin pas.

Par contre, je comprends que vous ayez, des fois ou chaque jour, du mal à le montrer. Du mal à vous en foutre du regard des autres. Du mal à encaisser les moqueries, le mépris, le dédain, les insultes, les regards lourds de sous-entendus. Du mal à encaisser ce qui est, au fond, notre quotidien quand on a un corps qui sort des normes socialement admises.

Alors oui, je comprends que le retour des beaux jours vous fasse peur.
Alors oui, je comprends que vous envisagiez peut-être de boycotter piscine et plage, et d’avoir trop chaud sous vos habits longs pendant tout l’été plutôt que de montrer quoi que ce soit de votre corps.

Vous n’être pas « lâche » pour autant. Vous n’êtes pas « un.e mauvais.e militant.e » pour autant. Vous n’êtes pas indigne de lutter contre toutes ces oppressions pour autant.

Et je voulais vous dire : je ne vous aime et ne vous respecte pas moins parce que vous avez peur, pas la force, pas l’énergie d’affronter les regards.
Je voulais vous dire : vous n’êtes pas moins beaux/belles/belleaux que les personnes qui ont la possibilité d’affronter ces regards et qui le font.
En mini-jupe  et mini-top, en short et t-shirt, ou en manches longues et jeans, votre corps est digne de respect.
Et vous êtes, de toutes manières, courageux.ses. Et je sais que, de toutes façons, vous luttez. Chacun.e à votre manière.

Envoyez chier les personnes qui vous diront « T’as qu’à t’en foutre, du regard des autres ».
Les Yaka, les Taka, les Yfô, iels ne savent pas. Iels ne sont pas dans votre tête. Iels ne sont pas dans votre vie.

Faites les choses comme vous les sentez.
Vous n’avez pas le sacro-saint devoir d’être une icône militante à chaque fois que vous mettez un pied dans la rue.

Peut-être qu’un jour vous vous sentirez assez sur.e de vous, assez solide pour affronter différemment ces regards, et pour leur répondre par un doigt tendu bien haut, une réplique cinglante ou un souverain mépris.

Vous savez, il y a quelques années, si on m’avait dit que je serais capable d’être en paix avec mon corps, j’aurais ricané jaune.
Et pourtant c’est arrivé.
Alors qui sait… peut-être que demain, dans un mois, dans un an… Vous regarderez aussi derrière vous en vous disant « tiens, je ne me serais pas cru.e capable de m’en foutre, et pourtant oui, ces regards chargés de mépris et d’oppression ne me démontent plus la gueule ».

Mais quoi qu’il en soit… Vous êtes des personnes valables, dignes d’être aimées, dignes d’être respectées. Et vous êtes important.es.

Passez un bel été, quoi qu’il en soit.
Et bonnes vacances pour celleux qui en ont.

no wrong way to have a body
« Il n’y a pas de mauvaise manière d’avoir un corps ». Illustration de Rachele Cateyes

Loi Travail : Caen, 12 avril – Témoignage de manif’

Cet article n’est pas de moi.
Il a été écrit par une amie à moi, suite à une manifestation à laquelle elle a été mêlée un peu par hasard en avril à Caen.
L’amie n’ayant pas de moyen de le diffuser directement, elle me l’a fait parvenir, pour que je le publie sur mon blog, pour qu’il ait un peu plus de visibilité qu’un bête post sur Facebook.

D’où le fait qu’il parait … pas mal de temps après les faits relatés.

Pour celleux qui pourraient imaginer derrière l’auteure de ce texte une personne critiquant sans nuance les forces de police, je tiens à préciser que ça n’est pas le cas.
Autant elle dénonce ici la violence démesurée, et la police comme outil d’un système qui s’applique à réduire au silence toute critique sociale, autant elle n’a pas de problème à reconnaitre l’utilité de la police quand elle fait réellement un travail au service de la population).

—-

Je m’baladais sur l’avenue… Non, en fait, c’était une rue piétonne. Pour vous situer l’ambiance, imaginez la rue où il y a plein de bars, de cafés et de commerces , là où les familles en goguette par ce joli jour ensoleillé de vacances flânent ou s’installent en terrasse avec leurs enfants. Moi je sirotais justement un verre en terrasse en regardant les passants. Je venais de passer une échographie de grossesse et j’avais besoin de me remettre au calme de mes émotions.

J’ai commencé à entendre des gens scander des slogans plus loin dans la rue. Le cortège de manifestants n’était pas bien gros. D’ailleurs plus qu’une manif, j’ai observé une distribution de tracts par des étudiants motivés. Franchement, s’il y avait des « casseurs » parmi eux, ils étaient plus discrets que ma fille de trois ans quand elle fait un caprice. J’ai eu la curiosité de me lever de ma chaise et de suivre un peu ces sympathiques militants, histoire de voir ce qu’ils arriveraient à faire avec pour seules armes quelques tracts, une unique pancarte et leur bonne volonté visible. Il faisait beau, ça me ferait de la marche et…

Et tout a basculé. La procession s’est arrêtée, nous étions encore dans la rue piétonne, encore tout près des cafés, des familles au soleil… Et j’ai vu des voitures de police, à une petite vingtaine de mètres de distance de moi. La BAC, brigade anti criminalité. Et attention, hein, les gus n’avaient pas revêtu l’aimable uniforme du gardien de la paix que vous seriez tenté de solliciter pour vous indiquer votre chemin. Non, j’ai vu des hommes en tenue anti émeutes, boucliers levés.

Des passants. Des enfants et des mères de famille attablés non loin. Des étudiants pacifiques qui n’ont pas manifesté une once d’agressivité. Et… des hommes de la BAC qui ont chargé. Ca a été relativement bref. Mais !

Mais moi, à la base, je venais dans cette rue me détendre et profiter du beau temps. Et, au final, parce que certains ont voulu partager leurs convictions sans la moindre violence, même assez joyeusement, en distribuant ça et là de petits bouts de papier imprimés… Parce que j’ai fait quoi, cinquante mètres de marche dans la même direction que le cortège, je me suis retrouvée face à des personnes qui, ayant pourtant pour mission officielle de servir et protéger la population, ont chargé avec un équipement offensif et défensif important, un groupe de jeunes uniquement armés de papier… ah, et soyons juste, d’un vilain mégaphone !

Je ne vous ai pas énoncé l’objet des revendications des étudiants. Pour ceux qui suivent l’actualité, il est facile à deviner, je pense. Et au fond, qu’importe ? Pour moi, il n’est pas utile de le connaître, ni même de savoir si je sympathise avec cette cause ou non. Le fait est que ce à quoi j’ai assisté, ça renvoie à plusieurs questions bien plus importantes que ces interrogations, à mon humble avis.

Non parce que, avant de savoir si on adhère à un message, ce serait bien que ceux qui cherchent à le délivrer aient la possibilité technique de le faire. Et figurez-vous qu’il me semble moins facile de communiquer ses idées tout en s’enfuyant face à une charge de professionnels armés et entraînés. Sans parler des compétences sportives que ça requiert, les quidams ainsi alpagués seront assez peu tentés de rester discuter tout en risquant eux-mêmes de recevoir quelques coups ou projectiles.

A partir du moment où des gens ne font rien de plus que de déambuler dans une rue en tendant des tracts et en chantant des slogans, ne contenant ni incitation à la haine, ni insultes, il n’y a aucune légitimité à les museler par la force. Et qu’on ne vienne pas me parler de l’illégalité de telles manifestations à cause de l’état d’urgence. Parce qu’une soixantaine de personnes qui expriment une opinion ensemble, ça me paraît bien moins inquiétant pour l’ordre public que la réaction disproportionnée des forces dudit ordre au beau milieu d’un endroit particulièrement fréquenté par ceux qui n’ont rien demandé à personne, avec le risque d’en atteindre certains.

Que des casseurs saccagent des lieux, ou s’en prennent aux pauvres péquins du coin, à la rigueur, ça m’angoisse moins que le fait qu’une profession dédiée à la protection et à la chasse aux criminels se mobilise avec autant de violence dans des conditions ne le nécessitant en rien.

Si l’état d’urgence signifie qu’on n’a plus le droit d’émettre un avis publiquement sans risquer des coups, au minimum, alors en quoi protège-t-il sa population, qui n’a plus la possibilité de faire connaître son opinion, et donc de faire respecter ses besoins et ses aspirations ? Quelle est la menace supérieure qui implique qu’on soit de facto réduits au silence sur des enjeux politiques ou sociétaux afin de la tenir éloignée ?

Cette petite mésaventure m’a enragée. Handicapée et enceinte, que se serait-il passé si la charge s’était poursuivie juste 5 minutes de plus ? Je ne pouvais pas fuir, moi… Et les autres, à peine plus loin ? Et c’est avec ce sentiment de colère que je me suis définitivement jointe aux militants, qui ont remonté jusqu’au lieu de leur AG sans autres encombres… J’ai assisté à cette AG.

Ce que j’ai vu ? Des jeunes responsables, qui, portés par ce pour quoi ils se battaient, arrivaient malgré tout à débattre dans le respect à quatre-vingt dans une amphi sans micro, à structurer la planification de leurs futures actions, sans céder à des envies de violence qui me paraîtraient sinon excusables, au moins justifiables.

Si vous avez en tête l’idée que ces jeunes ne sont que des petits branleurs qui se mobilisent juste pour éviter les cours et ne savent pas de quoi ils parlent, dites-vous que certains sont prêts à se lever plus tôt que pour aller en cours, pour organiser des choses aussi passionnantes qu’un atelier de confection de pancartes ou des négociations pour obtenir des salles où se réunir. Dites-vous aussi qu’ils pourraient en remontrer à nos députés, nos sénateurs et à notre gouvernement niveau pragmatisme, respect du temps de parole de chacun et capacité à essayer de concilier les attentes de ceux qui s’exprimaient. Dites-vous enfin qu’ils ne se contentent pas de prêt à penser mais ont une réelle conscience des enjeux qu’ils cherchent à défendre et des risques qu’ils encourent.

J’ai appris au fil de l’AG que le matin, des policiers avaient investi leur université. Molesté un de leurs camarades. Etc…

Je ne sais pas où on va… mais si vous acceptez qu’au nom de la lutte contre le terrorisme le gouvernement, la police ou une quelconque autorité réprime par une violence aveugle la moindre velléité d’expression collective d’une idée… vous troquez la peur de barbares plus ou moins lointain contre l’invasion réelle de barbares encravatés.

Caen 12 avril

Photo prise ce jour là à Caen, tirée du site Résistances Caen.

Page Facebook du blog

Un petit message très vite fait, pour vous informer que le blog a désormais une page Facebook.

C’est pas histoire de me la péter ou autre, c’est juste pour que ça soit plus simple pour suivre les nouveaux articles, pour les personnes qui n’ont pas de compte WordPress (vu qu’on m’a signalé qu’il y a quelques bugs avec le suivi par notification e-mail, les e-mails allant régulièrement dormir dans la boite à courrier indésirable).

Voilà voilà, c’était juste la petite information du jour, vous pouvez l’oublier aussi sec si elle ne vous sert à rien, ou aimer la page pour avoir les notifications des nouveaux posts du blog, ou la passer à des gens, ou … bah comme vous voulez quoi !

Ca peut aussi être une manière de me contacter (en MP sur la page, ou en commentaire), si vous avez des remarques, des corrections à apporter, des suggestions, des trucs qui vous font réagir, ‘fin… Si vous voulez me contacter, quoi !

Alors le lien, c’est ICI

Et je vous offre une photo de chats, en prime.
Parce que les chats, c’est le bien. Et que ces deux là c’est mes squatteurs de canapé attitrés.

Chats

Les attirances sexuelles sont-elles oppressives ?

Bon.

Un sujet qui fait régulièrement débat entre féministes, et que finalement, j’ai envie de décortiquer un peu ici.

Entendons nous, ce que je vais dire là n’engage que moi, ça n’est pas le reflet d’un quelconque courant féministe, c’est juste des réflexions entre moi et moi-même que je mets par écrit et que je fais partager.
Chacun.e en fait ce qu’iel veut, hein !

Donc :

Affirmer une préférence sexuelle (ou juste AVOIR une préférence sexuelle) qui exclut telle ou telle catégorie opprimée est-il synonyme a « être [quelque chose]-phobe » ?

En clair, pour donner un exemple :
L’hétérosexualité est-elle une marque d’homophobie, par exemple ?
Le fait de n’avoir des relations sexuelles qu’avec des personnes minces est-il une marque de grossophobie ?
Ou, à l’inverse :
Une personne mince qui n’est attirée que par des personnes grosses fétichise-t-elle forcément d’une manière malsaine les personnes grosses (ce qui est aussi une forme de grossophobie) ?

L’argument des personnes défendant ce point de vue est que nos attirances sexuelles font partie des construits sociaux, tout comme tout ce qui régit nos relations sociales / interpersonnelles.
Et que donc, on ne peut pas extraire les attirances sexuelles du champ de tout ce qui est influencé par les constructions oppressives de notre société (racisme, sexisme, homophobie, transphobie, etc etc).

Il me serait bien difficile de réfuter en bloc cet argument, à vrai dire.
Bien sûr que « qui nous trouvons belle/beau » et « qui nous trouvons attirant.e » est influencé par les critères de notre société.
A plus ou moins grande mesure, selon la prise de conscience et de distance que nous avons faite vis-a-vis de ces critères dominants, certes (et aussi selon que nous soyons nous-même plus ou moins proches des critères dominants).

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Mais par contre, je suis toujours mega mal à l’aise quand on en arrive à des débats comme :

« une personne qui ne couche pas avec des personnes grosses est-elle grossophobe ? ».
« une personne qui ne couche pas avec des personnes racisées est-elle raciste ? »
« une personne qui ne couche pas avec des personnes trans est-elle transphobe ? ».

Parce qu’en allant aussi loin que ça dans la réflexion, on en arrive vite à un truc TELLEMENT PAS ORIGINAL dans notre société, à savoir les injonctions autour du sexe.

Il y en a BEAUCOUP (beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup. J’ai dit beaucoup ?).
Il faut aimer le sexe, mais pas trop quand même si on est une femme – ou assignée comme telle. (coincée vs salope, quoi).
Il faut aimer telle ou telle position sinon on manque de piquant (ou on est une vieille bique coincée qui ne vit pas avec son temps).
Il faut … il faut plein de trucs, chacun.e a surement sa propre liste de « il faut » à fournir.

Et toutes ces injonctions, elles foutent un merdier sans nom dans une notion quand même UN TOUT PETIT PEU capitale autour du sexe, j’ai nommé :

LE CONSENTEMENT.

Et bon. Le consentement, c’est pas comme si notre société était vraiment vraiment très très protectrice envers cette notion hein. Mais alors vraiment, vraiment pas, même.
On est nourri.es dès le biberon à la culture du viol en poudre, diluée dans un jus d’injonctions, aromatisée avec un fort arôme de culture patriarcale.

Le devoir conjugal à satisfaire, l’injonction à une sexualité reproductrice efficace, tout ça tout ça tout ça… C’est déjà autant d’obstacles à une sexualité épanouissante, consentie, sans violence.

Chaque injonction autour de la sexualité en rajoute une petite couche à la difficulté d’avoir un consentement réel, complet, sans pression extérieure ni auto-pression.

Donc je suis quand même fichtrement mal à l’aise quand on va sur le terrain de la sexualité, des préférence et des attirances sexuelles, pour donner le message à des gens qu’iels sont oppressif.ves.

Parce que même si les critères de beauté communément admis (qui sont, comme il se doit, blancs, minces, valides, hétéro et cis, hein !) ont forcément un impact dans la représentation de la personne qu’on va avoir envie d’avoir dans notre lit…
La sexualité reste un sujet éminemment intime.

Alors oui, « le privé est politique ».

Mais quand il s’agit de risquer de renforcer la culture du viol en rajoutant tout pleins de leviers de pressions implicites ou explicites (« Quoi ? Tu ne veux pas coucher avec moi ? Tu ne serais pas un peu grossophobe ? »), en rajoutant tout plein d’auto-pressions aussi (« Merde, je n’ai pas envie de lui donner l’impression de le.a rejeter à cause de son poids, mais quand même, je ne suis pas attiré.e par ellui, merde qu’est ce que je dois faire, merde merde merde »)…

J’ai quand même envie de dire qu’on se balade sur une pente allègrement savonneuse.

Et que je n’ai honnêtement pas envie – en l’état actuel de la société avec l’omniprésence de la culture du viol – de voir empruntée, pour ma part. Trop dangereux. Même « pour la cause », pour la déconstruction des préjugés, pour tout ca. TROP-DANGEREUX.

Il y a encore trop à faire dans la démolition caillou par caillou de la culture du viol pour pouvoir – à mon sens – se permettre de rajouter des pressions et des injonctions autour de la sexualité.

Par contre, qu’on s’entende bien, hein.

C’est pas une porte ouverte à dire tout plein de trucs cradement oppressifs à tour de bras et la bouche en coeur sous prétexte de justifier tes préférences sexuelles hein.
Ouais, toi là bas dans le fond, je t’ai vu, en train de préparer ton argumentation toute pleine de préjugés pour expliquer avec qui tu couches et avec qui tu ne couches pas.
Oublie l’idée. Tout de suite. Vraiment.

Tu couches avec qui tu veux hein. C’est pas le problème. (Ouais enfin. Tant que l’autre personne en a envie aussi. Cela va sans dire, mais dans notre société, j’ai quand même envie de le préciser, figurez vous !).
Mais, si tu as le droit de dire que tu te sens plus à l’aise de coucher avec [x type de personne], ça ne te donne absolument pas le droit de donner des raisons faussement « objectives » pour expliquer que les autres types de personnes sont repoussantes, hein.
Non.
Personne n’est « repoussant ».
C’est juste toi qui n’est pas attiré.e.
C’est pas pareil.
Et la différence est VRAIMENT VACHEMENT IMPORTANTE.

On déconstruit des idées, des préjugés, on ne déconstruit pas des personnes

Il est 1h30 du mat’, tout à fait l’heure pour me mettre à pondre un article de blog un peu abracadabrant sur le milieu militant, n’est ce pas ?

Pour une fois, ça n’est pas un coup de gueule, mais plus une réflexion, probablement incomplète, que j’ai envie de faire partager.

Dans le milieu militant (féministe en particulier), on parle souvent de « personnes déconstruites », pour évoquer les personnes qui ont conscientisé les privilèges qu’elles ont de par leur position dans la société (une personne blanche est privilégiée par rapport à une personne non-blanche, une personne hétérosexuelle est privilégiée par rapport à une personne non-hétérosexuelle, une personne valide est privilégiée par rapport à une personne vivant avec un handicap, etc etc. Je pense que, même si vous n’avez jamais mis les pieds dans le milieu militant, ces quelques exemples vous permettent de voir l’idée).

Donc. Une personne déconstruite, dans le milieu militant, c’est PLUTOT BIEN.

Mais dans ma tête, une personne déconstruite, c’est ça :

Personne brisée

C’est littéralement, une image de ce genre qui me vient à l’esprit à chaque fois que j’entends l’expression « une personne déconstruite ». Une personne morcelée, réduite en morceaux, brisée.
C’est PLUTOT BEAUCOUP MOINS BIEN.

Et cette image, qui me titille de manière récurrente, elle m’a amené à réfléchir sur cette expression « personne déconstruite », et à réaliser pourquoi elle ne me convient définitivement pas du tout.
Il y a plusieurs niveaux de réflexion dans le même post, ça sera surement un peu fouillis, mais je vais essayer quand même :

– « Etre déconstruit », c’est la réalité psychique de pas mal de personnes.

Pas mal de troubles psy entrainent, de manière durable ou transitoire, un sentiment d’être « déconstruit ». Au sens : morcelé, en miettes.
Sans en faire une liste exhaustive : c’est en particulier le cas des troubles psychotiques.
Et c’est aussi – et c’est surement pour ça que l’expression me fait autant tiquer, à la base – le cas lors de crises d’angoisses.
Personnellement, en crise d’angoisse, j’ai – littéralement – l’impression que mon corps n’est plus entier. Je ne le sens plus, je n’ai plus aucune perception cohérente de ses limites physiques. Inutile de préciser que ça n’est pas VRAIMENT la sensation la plus plaisante au monde.
Pour le coup, je trouve le terme moyennement top, vu ce qu’il peut renvoyer comme sensation angoissante à une personne dans mon cas.

Bon. Ca, c’était pour le niveau de lecture « purement personnel » (quoi que je me suis toujours demandé si d’autres personnes avaient tiqué à ce sujet là sans forcément en parler).

Pour arriver à un niveau de lecture un peu plus « militant », maintenant.

– Une personne est certes fortement influencée par les construits sociaux, mais pas que.

Cette expression de « personne déconstruite » me renvoie à l’idée que TOUT dans ce que nous sommes, que notre personne en elle-même, notre personnalité, notre caractère, n’est QUE la somme des construits sociaux.
Pour modifier nos préjugés, pour prendre conscience de nos construits sociaux, de nos privilèges, il s’agirait alors de TOUT remettre en question dans ce que nous sommes. Comme s’il n’y avait pas une « ossature », une trame, quelque chose qui fait notre personne et qui n’est pas QUE des construits sociaux.
Et cette idée, je la trouve vachement dangereuse, en fait.
En allant aussi loin dans la réflexion « sociologique », on oublie que certes, nous sommes inscrits dans une société et dans un système, mais pour autant, nous sommes quand même des individus. Avec nos besoins propres, nos forces, nos souffrances, nos… ‘fin tout ca.
Et très concrètement, dans les milieux militants, ce jusqu’au boutisme de la déconstruction, il amène à oublier que la déconstruction de ce qui a fait nos certitudes, nos repères… Elle n’est pas sans douleur. Et que nous ne sommes pas tou.te.s égaux.ales face à cela.
Qu’avoir besoin de repères est légitime. Voire même vital.
Que tout déconstruire, trop vite, trop abruptement, sans prendre le temps de reconstruire entre temps des bases solides, c’est sacrément casse-gueule. Qu’il y a des personnes qui ne peuvent pas se permettre cette démarche, sous peine de sérieusement plonger (indice : ça n’est souvent pas les personnes les plus privilégiées par le système social, d’ailleurs !).

On entend souvent – comme argument face à une personne qui n’arrive pas (ou ne veut pas) remettre ses certitudes en question : « C’est ton égo qui parle ».
Comme si « l’égo » était quelque chose à proscrire, à bannir, à éradiquer comme la peste noire.
Sauf que « Ego », ca veut dire « moi ». Je ne vais pas aller dans un petit trip psychanalytique sur le moi, le surmoi et tout ce bullshit là (comment ça, j’aime pas la psychanalyse ? Mais non, voyons… Juste une impression !).
Par contre, « moi », c’est ma personne. C’est qui je suis. C’est la somme de mon parcours, de mes valeurs, de mon corps, de mes forces, de mes faiblesses.
Alors oui, on a tou.te.s un égo. Et guess what : sans ça, on serait juste mort.es. Ou des coquilles vides. Ou… je ne sais pas trop quoi, mais en tous cas, l’idée n’est pas alléchante.

Au nom du fait qu’il ne faut pas réfléchir en fonction de notre « ego », le milieu militant oublie souvent en chemin un truc qui s’appelle BIENVEILLANCE.
Une personne qui est blessée par une réflexion dans un cadre militant, on ne va pas la réconforter, on ne va pas s’excuser de l’avoir blessée, on ne va pas essayer de lui faire comprendre les choses autrement. On va rire d’elle, on va la renvoyer « checker ses privilèges ».
Et je garde la conviction qu’en ne prenant pas le temps de redescendre des fois du niveau « sociologique » jusqu’au niveau « humain », on devient des enfoirés maltraitants. Envers les personnes qu’on prétend « déconstruire », justement.

Et si on arrêtait de se dire qu’on a le droit et le devoir de « déconstruire des personnes », au risque de les faire partir en vrille ?
Leur ouvrir les yeux ? Oui.
Les amener à réfléchir ? Oui.
Les déconstruire ? Les morceler ? Je suis beaucoup moins convaincue.

– « Je suis une personne déconstruite », la porte ouverte à la course au « crédit militant ».

Un des gros travers du milieu militant, c’est que des fois, on perd de vue pourquoi on milite.
On ne milite pas « pour être un.e bon.ne militant.e ». On milite pour faire changer les choses. On milite pour que les personnes homosexuelles ne risquent plus de se faire casser la gueule dans la rue parce qu’elles tiennent la main de la personne qu’elles aiment. On milite pour que les gros.ses ne soient plus discriminés à l’embauche. Ce genre de trucs « bassement pratiques » là. Et on milite, de manière générale, pour que la société soit un peu moins un tissu de discriminations diverse et variées.
C’est ça, le but. C’est ça, la finalité.

Or – parce que l’humain a un besoin de reconnaissance, d’appartenance, et que ça fait partie des besoins sociaux primaires de l’être humain… Dans le milieu militant comme ailleurs, il y a une course à la reconnaissance.

Et vu que « être une personne déconstruite », c’est un peu le saint graal des militant.es, la fontaine de jouvence dans laquelle plonger, ou la condition d’obtention du badge du militant de l’année… Tout devient prétexte à montrer qu’on est VRAIMENT TRES TRES TRES DECONSTRUIT.
Je me demande souvent, en regardant d’autres militant.es (et en me regardant moi-même, aussi, hein…) quelle part des discours militants, des théories, des idées qu’iels évoquent iels se sont VRAIMENT appropriée (au sens positif du terme s’approprier, à savoir « faire siennes », « pleinement incarner », y compris dans sa vie de tous les jours, y compris « loin du regard des autres militant.es »). Et quelle part est juste de l’appris par coeur récité « parce que c’est ça qu’il faut dire ».

Et ça aussi, je le met, vraiment, en lien avec cette idée de « personne déconstruite ». Comme si on devait incarner une personne complètement nouvelle, radicalement changée, comme un genre de phœnix qui renait de ses cendres, pour avoir le droit à être reconnu.e comme étant un.e militant.e valable.

Et le fait de créer une sorte de groupe de « super-militant.e », qui sont affublé.es du terme de « personnes déconstruites », ça ne fait que renforcer un clivage difficile : avant d’être une « personne déconstruite », on a tou.te.s été des personnes qui n’avaient pas conscience de tout ça. Des discriminations. Des privilèges. Qui avons porté des plumes d’indiens au carnaval de notre école sans se dire une demi-seconde que ce qu’on faisait n’était pas respectueux des cultures – abondamment pillées et détruites par les blancs – des natifs américains. Qui avons traité notre emmerdeur de chef de « gros pd » sans réaliser que c’était à la base une insulte homophobe. Qui avons traité le chauffard qui a failli nous renverser de « cinglé », sans se dire que c’était psychophobe. Tout ca. On l’a tou.te.s fait. Absolument tou.te.s. Ca et plein d’autres trucs.
Pour le coup, ce titre de « personne déconstruite », il est dangereux, parce qu’il n’amène pas à tendre la main aux autres. A leur expliquer. A ne pas les voir comme des crevures qui se roulent dans leur privilèges, mais juste… comme des gens qui ne savent pas.

– Et si on arrêtait de mettre les « personnes » au centre du débat, pour y remettre les idées ?

Un truc qui me fait toujours tiquer dans le milieu militant, c’est le fait de rattacher une valeur morale à une personne. De lui attribuer un droit (ou pas) à s’exprimer, en fonction de l’entier de ses idées.
Mh. C’est surement pas très clair ce que je dis là, alors je vais parler d’un cas concret.
Admin d’une page facebook luttant contre la psychophobie, je suis tombée sur un texte d’une personne évoquant l’automutilation, en lien avec le rapport au corps dans notre société, avec les injonctions aux personnes assignées femmes à être « belles » (et donc, surtout, à ne pas se couvrir volontairement de cicatrices, olala non surtout pas).
J’ai trouvé ce texte très pertinent.
Je l’ai partagé.
Et là… que n’avais-je pas fait.
Il se trouve que la personne qui avait écrit ce texte a, dans un autre texte, eu des positions passablement « limite » face aux personnes trans.
Tollé de commentaires : « Il ne faut surtout pas partager ce texte, son auteure est transphobe ».
Bon.
Dilemme éthique express (express, parce que bon, une shitstorm sur internet, ça part vite, et dans ces cas là tu as intérêt à réfléchir vite si tu ne veux pas devoir gérer 10, puis 20, puis 100 personnes très énervées dans les commentaires de ta publication…). Au final on a retiré ce texte de la page, d’entente avec les autres admins de la page.

Pourtant, à aucun moment du texte, l’auteure n’évoquait la question des personnes trans.

Et ça aussi, je le mets en lien avec cette notion de PERSONNE déconstruite.
Comme si avoir déconstruit des préjugés dans un domaine n’était pas suffisant pour avoir voix au chapitre dans ce domaine précis, mais qu’il fallait avoir passé à la moulinette l’entier de ce que la société nous a inculqué, sans la moindre exception, pour avoir voix au chapitre.

Et ça, sincèrement, j’ai du mal à adhérer.

Même si une personne est transphobe (et dieu sait que je ne cautionne pas la transphobie, à plus forte raison en tant que personne non binaire…) est-ce qu’on ne peut pas valoriser ses IDEES dans d’autres domaines ?
Est-ce qu’elle ne peut pas faire avancer les choses dans d’autres domaines, même si, effectivement, elle ne les fera pas (ou pas encore) avancer au niveau de la situation des personnes trans ?
Est-ce qu’on droit se priver des savoirs, des idées, des connaissances d’une personne X dans un ou plusieurs domaines, parce qu’elle n’est pas INTEGRALEMENT « une personne déconstruite » ?
Est-ce que c’est sa personne qui compte, ou ce qu’elle dit et fait ?
Est-ce que quand on partage un texte dans un groupe militant, on le fait pour faire avancer des idées, ou on le fait pour attribuer des points de crédit militant à son auteur.e ?
Est-ce que c’est vraiment « la personne » qui doit être au centre de la réflexion, dans ce cas là ?

Pour toutes ces raisons… L’expression « une personne déconstruite » me laisse un arrière-gout amer dans la bouche. Et personnellement, je me refuse à l’utiliser.
Je parle de déconstruire des préjugés, d’ouvrir les yeux des individus.
Je ne parle jamais de « déconstruire des personnes ». Moi y compris.

[Pétition] Commune de Renens, ne foutez pas des dizaines de personnes à la rue !

Un article un peu différent de ce que je fais habituellement, vu que je m’éloigne un peu de mes sujets récurrents.

Mais cette sombre histoire se passe littéralement sous mon nez (je travaille juste en face, je passe devant tous les jours, je connais une partie des personnes qui habitent là), et je ne peux pas rester sans réagir, et sans tenter d’apporter un tant soit peu ma pierre à l’édifice…

Avenir 5

A Renens (Suisse), deux immeubles dont la structure est parfaitement saine sont laissés à l’abandon par la commune, qui en est propriétaire. Avec pour projet de les démolir, alors que rien n’est prévu en terme de construction à cet endroit.
Le projet prêterait à sourire s’il n’y avait pas en jeu le fait que des dizaines de personnes aient un toit : en attendant un projet de construction à cet endroit, la commune projette de planter … un champ de tournesols « pour ne pas avoir un terrain vague moche ».

Les habitants étaient supposés quitter les lieux fin janvier, mais s’opposent fermement à cette démolition sans projet.
Au rez de chaussée d’un de ces immeubles, un centre social qui apporte gratuitement conseils sociaux, aide pour des démarches administratives… Centre social qui sera lui aussi fermé lors de la démolition des immeubles.

Ces logements sont des logements à tarif abordable, rendant possible à des personnes à revenus modestes d’avoir un toit…

Alors que l’expertise de la Commune de Renens parle de logements insalubres, une expertise indépendante (par un architecte et un ingénieur mandatés par les habitants) parle d’immeubles dont la structure est parfaitement saine, mais qui font les frais du manque d’entretien par le propriétaire… Dont il est pourtant le devoir légal d’entretenir les immeubles qu’il loue.

Sachant que la parcelle où se trouvent ces immeubles est sur des terrains dont la commune pourra tirer un prix très intéressant, il est assez facile de voir la logique :

Laisse pourrir les immeubles.
Les déclarer insalubres.
Virer tout le monde.
Démolir.
Vendre ou louer le terrain à prix d’or.
Sous-sous plein la popoche.

Les habitants ont fait l’objet de pressions (agents de sécurité postés en bas de l’immeuble filtrant les entrées, menaces de « démolir leur porte et leurs fenêtres s’ils ne partent pas »), mais font solidairement front, et « occupent illégalement » leur propre logement.

Pour les soutenir, une pétition a été lancée. (Le lien est ICI)

Si vous souhaitez en savoir plus, voici deux articles écrits directement par le collectif qui résiste à ces démolitions :

Contre la démolition des maisons de l’Avenir 5 et 7 et l’expulsion de ses habitant.e.s : LIEN
Occupation au centre de Renens : LIEN

N’hésitez pas à signer la pétition, à faire tourner l’information.
Merci pour les habitant.e.s de ces immeubles.

[Paris, 13 novembre] Et maintenant, qu’est ce qu’on peut faire ?

« Je ne sais pas quoi faire… »

Cette phrase, hier soir, elle était le centre d’une discussion avec un pote.
Qu’est ce qu’on peut faire, face à l’absurdité, face à l’horreur ? L’impuissance, je pense qu’on est beaucoup à l’avoir ressentie, que ça soit pendant qu’on envoyait des SMS à nos ami.es, nos potes, nos proches à Paris pour avoir des nouvelles et s’assurer que tout le monde (que tout notre monde à nous, en tous cas) était en sécurité et allait « bien », que ça soit en voyant l’horreur de loin et en se demandant comment continuer, comment sortir de la sidération, comment sortir de ces moments où, buggés et scotchés devant BFM TV, on absorbe minute par minute l’horreur…

C’est vrai… Et maintenant, comment on peut faire ?
Qu’est ce qu’on doit faire ?

Je n’ai pas la prétention d’avoir des réponses universelles à ça, vraiment pas. Je n’ai pas la prétention de pouvoir répondre pour celles et ceux qui ont perdu un proche dans cette horreur.
Je n’ai pas la prétention de pouvoir répondre pour celles et ceux qui étaient concrètement sur place, qui ont vu le carnage autour d’eux et qui devront se démerder pour vivre avec ces images là.
Je n’ai pas la prétention de pouvoir répondre pour celles et ceux qui, de par leur origine ou leur religion, vont passer des très sales moments, chargés de suspicion, de peur, de méfiance, de racisme, d’islamophobie…

Je ne peux répondre que pour moi, proposer mes pistes à moi, qui vous parleront ou pas, que vous partagerez ou pas. Comme une boite à outil, où on prend ce qui nous est utile tout en laissant le reste au fond de la boite.

Soutenir.

Soutenir les proches des victimes pour celles et ceux qui en connaissent. Soutenir les gens qui étaient sur place, et qui devront vivre avec l’horreur. Soutenir les gens choqués, les gens pour qui cette actualité et cette horreur font flamber troubles anxieux et autres problèmes psy. Soutenir les personnes qui, par leur religion, leur nationalité, leur origine ou leur couleur de peau, se bouffent maintenant le racisme, les regards en biais.

Sensibiliser et dialoguer

Partout autour de nous, les gens sont abreuvés par l’actualité, par les médias, et par les sources douteuses qui font le jeu de l’extrême droite.
On a tou.te.s dans notre entourage au moins quelques personnes qui parlent de « mener la guerre », qui se méfient des « arabes », pour qui la peur amène à des réflexions biaisées et dangereuses.
On ne peut pas changer le monde, mais ces personnes là au moins, on peut leur amener des billes pour réfléchir autrement, on peut débunker les sources douteuses qu’elles citent, on peut dialoguer avec elles.
Et plus on sera à le faire, moins on laissera de place aux idées nauséabondes qui font leur lit dans le sang des victimes des attentats.
Et s’il nous reste un peu d’énergie et de temps, on peut faire pareil sur internet, dans les commentaires des articles de journaux, dans les discussions sur les réseaux sociaux. Peut-être qu’on ne convaincra pas, mais au moins on ne laissera pas le champ libre et les coudées franches à la haine, et c’est toujours ça de pris.

Aimer

Depuis vendredi soir, ma photo de couverture Facebook, comme celle de beaucoup de monde, affirme « Il va falloir beaucoup, beaucoup, beaucoup d’amour ». Traitez moi de bisounours si vous voulez. Je ne crois pas à la haine, je ne crois pas à la guerre, je ne crois pas aux kalachs et aux bombes pour répondre aux kalachs et aux bombes. Je crois profondément qu’on peut changer le monde en s’aimant assez fort, de manière assez inconditionnelle, de manière assez tenace et obstinée.
Aimer nos proches. Aimer les autres aussi. Ne pas tomber dans la haine en réponse à la haine, jamais.
Même si bon dieu oui, c’est dur de ne pas haïr, quand on voit les images de corps déchiquetés, et quand on imagine ces vies fauchées, ces gens qui auraient pu être nous, ces gens qui ont fait ce que nous faisons tou.te.s, sortir, boire un verre, aller à un concert, et qui l’ont payé de leur vie pour aucune foutue raison logique.
Et même si on ne peut pas empêcher la colère et la haine de monter en nous par moment, au moins s’interdire d’agir sur cette haine, au moins lutter pour ne pas la laisser diriger nos actions, nos décisions (et nos bulletins de vote, hum…).

Continuer à vivre.

Parce que, bien plus que prendre les armes, c’est en continuant à vivre qu’on ne laissera pas gagner ceux qui veulent faire régner la peur et la mort.
C’est en faisant ce qu’on aurait fait de toutes manières.
Je fais du théâtre. Hier soir, on était sur scène. Inutile de dire que ça n’a pas été tout simple de monter sur scène, inutile de dire qu’on n’était pas vraiment dans l’ambiance, et qu’il a fallu se mettre un grand coup de pied au cul et prendre une grande respiration pour laisser de côté toute cette merde l’espace de deux heures.
Mais comme on le disait avec un pote de troupe : « Les gens ont tous passé une journée de merde aujourd’hui, si on peut leur faire passer un bon moment ce soir, c’est toujours ça de pris ».

Je vous aime. Prenez soin de vous, de vos proches. Vraiment.
Ca va le faire. D’une manière ou d’une autre, ça va le faire. On n’est pas complètement impuissant.es. On est en vie. On est capables de penser, de réfléchir, de parler, de communiquer. Alors on n’est pas complètement impuissant.es

Hebergeur d'image

[Paris, 13 novembre] Comme tout le monde…

Hebergeur d'image

Comme tout le monde, je suis sonnée.
Comme tout le monde, j’écoute minute après minute les infos, comme un mauvais film d’horreur.
Comme tout le monde, j’envoie des messages privés et des SMS à des potes et des ami.es sur Paris, pour prendre des nouvelles.

Comme tout le monde, j’ai peur, j’ai peur de demain, j’ai peur de vivre dans un monde qui se casse la gueule dans les règles de l’art.

Je pense à toutes les victimes.
Les blessés, les morts, leurs proches, leurs potes, leurs amis.
Mais aussi les rescapés, ceux qui étaient peinards en train de boire un verre sur une terrasse ou d’écouter un concert, qui ont vu les gens tomber autour d’eux, qui auront à vivre avec ces images d’horreur.
Et aussi ceux qui feront, qui font déjà, l’objet de tous les amalgames, les « pas blancs bien comme il faut », les « pas chrétiens », les « pas bien français ».

Ce soir, j’ai un bon gros goût de gerbe dans la bouche, et les larmes aux yeux.

Je me couche en pensant à mes ami.es à Paris, à celles et ceux qui sont coincé.es chez eux.

Je pense à une ville et à un pays qui pansent leurs plaies.
A un monde qui se barre en couille.

Et plus que jamais, j’ai envie de dire aux gens que j’aime que je les aime.

Je ne veux pas arrêter d’avoir mal

(TW Suicide)

Cindy. Hélène. Julie.

Une liste chronologique.
Trois noms « gravés sur la liste des disparus », comme le chante Thiéfaine.

Trois nanas géniales. Chacune à leur manière.
Trois personnes qui ont profondément marqué ma vie.
Trois amies.
Trois personnes qui se sont ôté la vie.
20 ans. 25 ans. 21 ans.

Je ne veux pas oublier.
Pire, je ne veux pas arrêter la révolte qui gronde en moi.
Masochisme ? Ou réalisme ?

Elles se sont suicidées, ouais. Mais on les y a poussé, aussi.
On :
La société.
La culture du viol qui fait que deux d’entre elles (au moins deux. Pour Hélène, ça reste un point d’interrogation, et ça le restera à jamais, je suppose) ont été violées, comme un pourcentage hallucinant de personnes assignées femmes.
Le système psychiatrique déshumanisé, déshumanisant, qui distribue des cachets comme des bonbons, qui exclut des lieux de soins les personnes qui ne rentrent pas assez dans le cadre, qui n’écoute pas les appels au secours des personnes et de leur entourage, qui étiquette, qui contribue à la stigmatisation.
Ce monde où si tu n’es pas dans les bonnes cases, au bon endroit de la hiérarchie sociale, tu te rappelles que « Les Hommes naissent libres et égaux en droits », c’est une jolie légende.

Alors bien sûr, on peut regarder tout ça sous l’angle de la maladie uniquement. Parce que oui, elles étaient malades. La maladie psychique EST une vraie maladie. Troubles alimentaires, troubles de la personnalité borderline, dépression sévère. Syndrome de stress post-traumatique. Autant de diagnostics posés sur elles. Sans doutes exacts, je n’en doute pas.

Mais admettre la réalité de la maladie psychique n’empêche pas de se questionner sur ce qui l’alimente. Après tout, en médecine physique, c’est une évidence de chercher quel germe cause quelle maladie et par quel vecteur il se transmet.
La maladie psychique n’arrive pas « out of nowhere », comme ça, sans vecteur, sans cause, sans « germe »…
C’est tellement facile, de se laver les mains en les frottant à une page ou deux du DSM (manuel de diagnostic des maladies psychiques). Tellement facile. Tellement plus facile que de regarder en face une société qui cautionne le viol, qui génère l’isolement, qui nage dans la stigmatisation, qui exclut et qui piétine les gens à terre.

Est-ce que j’ai envie d’arrêter cette révolte qui gronde en moi, nourrie par la douleur de leur absence, par ces vides que rien ne comblera même si la vie continue ?

Non.
Non je n’ai pas envie. Non je ne veux pas arrêter de me révolter. Non, je ne veux pas oublier. Non, je ne veux pas accepter.

« Nous sommes de ceux qui veulent rétablir le contact avec ceux qui sont partis trop tôt
Parce qu’ils savaient pas qu’il y avait une fin cachée
Nous sommes de ceux qui continueront à courir
comme s’ils étaient poursuivis par les balles
Qui desserreront jamais les mâchoires
sauf pour sortir les crocs »

(Fauve – De Ceux)

Je veux rester « de ceux-là ».
Je ne veux pas accepter.

Je ne veux pas me résigner.
Je veux continuer le combat.
Pour elles. Et pour celles et ceux qui restent.

« Journal d’une anorexique boulimique, le combat d’un ange », par Cindy C.

NOTE IMPORTANTE :

Pour une raison obscure, Facebook refuse de partager correctement cet article.
Apparemment, c’est un problème qui arrive régulièrement avec des articles issus de WordPress, parfois Facebook en bloque le partage sans raison apparente. L’autre hypothèse est qu’un filtre particulièrement chatouilleux trouve qu’il y a trop d’occurrences de termes relatifs aux TCA dans cet article…
Du coup, si vous voulez le partager sur Facebook, vous aurez un message qui vous indique que le partage de ce lien n’est pas possible « parce qu’il comprend des contenus qui ont été signalés comme abusifs ».
Toutefois, vous pourrez quand même en partager le lien, mais il n’y aura pas d’aperçu, de vignette qui apparaitra.
Mais n’hésitez pas à le faire tout de même : promis, aucun lien dans cet article ne mène à un site pourri qui va coller 15 virus sur votre ordi !

—-

Un article un peu particulier…

Pas un de mes habituels coup de gueule, pas un grognement sur la société, pas tellement un truc revendicatif et militant…

Mais un hommage, et un besoin de faire connaitre un livre.

« Journal d’une anorexique boulimique, le combat d’un ange », son auteure n’en a jamais vu la publication.

Son auteure, Cindy, c’est une amie à moi.
Oui, c’est. Même si elle est morte depuis bientôt trois ans, je ne peux pas parler de notre amitié au passé, parce que c’est toujours là, c’est toujours présent, c’est toujours vivant pour moi.

Cindy, connue sur le net, devenue une amie IRL, avec qui j’ai passé des heures au téléphone, des heures à refaire le monde, des heures à s’entraider dans les coups durs.

Cindy. Bien plus que « une anorexique boulimique » pour moi.

Cindy, dont on a regardé la descente aux enfers sans rien arriver à faire pour l’enrayer.
Cindy avec qui ont avait prévu de manger une fondue au fromage « le jour où elle serait sortie de ses TCA ».
Cindy qui s’est donnée la mort le 19 octobre 2012 un peu avant 19h, laissant un cratère dans la vie des personnes qui l’aiment.

Après sa mort, ses parents se sont retrouvés face à une foule de « pourquoi » ?
Au travers de leurs échanges avec ses amis, ils ont appris l’existence des blogs tenus par Cindy. De ses textes sur des forums, aussi.
Ils ont aussi retrouvé, dans les affaires de Cindy, des bouts de cahiers, de journaux intimes, et l’ébauche d’un roman largement autobiographique qu’elle avait commencé à écrire et jamais pu terminer.

Ses textes, ses parents ont décidé de les sortir de l’anonymat d’internet, pour en faire un livre.
Pour que le message de Cindy soit entendu.
Pour que ses coups de gueule contre la psychiatrie déshumanisée et déshumanisante ne restent pas sans écho.

Cindy voulait aider. Faire bouger les choses.
Elle était étudiante en psycho, et voulait en faire son métier.
Cindy, au quotidien, elle était toujours là pour les autres, de son mieux, laissant ses propres difficultés de coté pour écouter et soutenir les personnes autour d’elle qui en avaient besoin.

Si ce livre peut aider ne serait-ce qu’une personne, ne serait-ce qu’une famille, ou, pourquoi pas, ne serait-ce qu’un professionnel à mieux comprendre… Alors un bout de ce que Cindy voulait faire de sa vie sera réalisé au travers de ce livre.

« Il y a des âmes errantes dans les couloirs, des espoirs cachés au creux des sillons tracés par les larmes. On a oublié nos identités au profit de matricule, un numéro personnifié. Les craquements des pas retentissent dans les couloirs déserts, refuge des perditions de corps inanimés. Mon corps a subi les affres de mes désastres, la bouffe a eu ma raison et ma gueule s’est refermée d’un coup de mâchoire fatal sur la vie. […]
Je garde cette immense rage contre le cortège médical qui pensait stupidement qu’en endormant les symptômes sous une panoplie de médicaments le problème serait réglé !
Je garde cette rage contre moi-même pour avoir eu la stupidité de tomber dans cette merde et de m’évertuer à continuer ! »

Cindy C. – « Journal d’une anorexique boulimique, le combat d’un ange »

Pour commander le livre sur le site des éditions L’Harmattan : c’est ici
Si vous avez envie d’aider à faire connaitre ce livre, vous pouvez faire tourner cet article, ou partager la page facebook que nous avons créé dans ce but.

Merci pour elle. Et merci pour ses parents.

Tu me manques, Cindy.

(et merci à Casdenor – http://casdenor.fr/index.php d’avoir réécrit cet article sur son blog, pour m’aider à le partager plus facilement sur FB malgré le filtre à la *#/`^@ qui décrète que mon article comprend des contenus inadéquats)