La psychophobie, ça tue.

Elle s’appelait Anouk.
C’était une amie, et une camarade de lutte contre la psychophobie.
Elle est morte il y a trois semaines, à 42 ans.

J’ai hésité longtemps à raconter son histoire ici, parce que c’est SON histoire.
Et puis on m’a fait remarquer qu’elle n’avait pas hésité à témoigner à visage découvert des maltraitances psychiatriques qu’elle avait vécu, et qu’elle aurait très probablement voulu que son histoire puisse servir à d’autres.
Et peut-être que ça pourra – au moins – rendre sa mort un peu moins absurde.

Elle avait 42 ans.
Et elle est morte chez elle, d’un AVC ou d’une crise d’épilepsie qui a mal tourné.
Après un parcours complètement absurde de psychophobie médicale, de non-prise en compte de ses souffrances physiques et psychiques.
Un parcours qu’elle avait entrepris de dénoncer, et que je vais continuer à dénoncer ici, parce qu’elle ne peut plus le faire, mais qu’il est hors de question que sa voix s’éteigne avec elle.

Anouk, elle était bipolaire.
Elle trainait aussi un certain nombre de traumatismes avec elle, maltraitances familiales, mobbing à son boulot. Qui ne faisaient qu’ajouter à ses souffrances psychiques.

Ses souffrances, elles ont été prises en compte d’une manière tellement absurde que, si ça n’était aussi aussi moche, j’aurais envie de rire.
Et d’ailleurs, on en a ri. Avec Anouk. Parce que l’humour noir était souvent son rempart contre l’injustice.

Balance de l'injustice
La balance de l’Injustice
Parce qu’une plume pèse des fois plus qu’un kilo de plomb
(Crédit photo :
idée : Sarah Vorster
prise de vue : Chloé Debauges)

Février 2017. Elle se présente, d’elle-même, aux urgences psychiatriques de l’hôpital du Vinatier, à Lyon.
Elle est suicidaire, et elle cherche de l’aide pour ne pas faire de la merde.
La voyant boire du thé (oui, elle était prévoyante, Anouk. Quand elle savait qu’elle allait passer des plombes dans une salle d’attente, elle embarquait de quoi ne pas se dessécher. Un thermos de thé, en l’occurrence)… La psychiatre lui dit que « Il faut boire moins de thé, c’est un excitant, vous vous sentirez mieux ».
Vous ne voyez pas le rapport ?
Moi non plus.
Donc, face à une personne en pleine crise suicidaire, la préoccupation de base de la psychiatre, c’est… sa consommation de thé.
Je veux bien croire que le thé puisse éventuellement avoir un rôle dans un problème d’insomnie, mais… Ca n’est pas pour ça qu’Anouk venait. Elle venait parce qu’elle avait envie de crever.
Est-il besoin de le préciser : elle n’a pas eu l’aide nécessaire, ce soir là, aux urgences psychiatriques.
Elle est rentrée chez elle.
Le lendemain ou le surlendemain, elle faisait une tentative de suicide.
On lui a envoyé les secours, parce qu’elle nous avait parlé de sa TS, et qu’on ne voulait pas la laisser mourir en gardant les mains dans nos poches.

Emmenée sans ménagement par les secours, elle est amenée aux urgences de l’hopital Herriot.
Et ça n’était que le début du cauchemar :
Déshabillée sans aucun respect de son intimité, pour lui passer une blouse d’hôpital deux fois trop petite pour elle… (quand la grossophobie et la psychophobie se tiennent la main, ça donne ça…)
Contentionnée dans une « chambre » (qu’Anouk a toujours appelé une « cellule », et pour cause…).
Sans aucune réponse à ses appels, elle a fini par devoir uriner sous elle. La dignité, c’est tellement surfait.
Avec des liens aux poignets si serrés qu’elle s’est retrouvé avec une tendinite…
C’est là les seuls « soins » qu’elle a eu. Ils lui ont a peine demandé ce qu’elle avait pris. Aucune surveillance médicale à proprement parlé. Pas de lavage d’estomac. Rien. Juste rien. A part la sangler à un lit.

Inutile de préciser que dès qu’elle a retrouvé assez de contrôle sur elle-même pour « donner le change », elle a servi aux « soignant.e.s » (qui n’en ont vraiment que le nom, là), le discours qu’iels avaient envie d’entendre « Je n’ai plus envie de mourir, je suis partie en vrille parce que j’avais bu et que j’ai eu l’alcool triste, oui oui tout va bien, laissez moi rentrer maintenant ». Pour se tirer le plus vite possible de là.
Elle est ressortie en allant aussi mal qu’avant sa TS, sans avoir eu quoi que ce soit qui se rapproche d’une aide ou d’un soutien.
Pourtant, le site des urgences psychiatriques de l’hôpital Herriot mentionne, en tête de liste des « pathologies prises en charge », la crise suicidaire…

Cet épisode, Anouk l’évoque mieux que moi, dans son blog : lien
Et dans une vidéo qu’elle avait faite pour dénoncer la banalisation de la contention dans les médias, lorsque « Fort Boyard » a sorti son nouveau jeu, « L’Asile » : lien

Et le cauchemar ne s’arrête pas là.

En plus de ses troubles psychiques, Anouk avait des tumeurs dites « bénignes » (à ne pas confondre avec « sans gravité », vu qu’elles ont fini par la tuer) au cerveau.

Tumeurs qui ont mis des mois à être repérées, alors même qu’Anouk répétait aux médecins qu’elle se réveillait régulièrement avec du sang dans la bouche tellement elle s’était mordue dans son sommeil.
Elle était – à raison – persuadée de faire des crises d’épilepsie dans son sommeil.
Pendant des mois, la réponse aura été : « C’est psychologique ». Sans autre investigation.
Une « folle » ne peut évidemment pas avoir de problèmes physiques, n’est ce pas ? C’est forcément « dans sa tête » (on en a souvent ri, d’ailleurs, avec Anouk, sur cette expression « c’est dans ta tête », vu à quel point elle tombait totalement à propos concernant des tumeurs au cerveau…).
Quand finalement les tumeurs – et l’épilepsie qui allait avec – ont enfin été confirmées, ça n’est pas pour autant que la situation d’Anouk a été prise en compte correctement.
Même avec des tumeurs bien visibles au scanner, elle a continué d’avoir le message qu’elle « exagérait ».
Même quand les crises nocturnes ont laissé la place à de violentes crises diurnes.

Quelques jours avant sa mort, Anouk était aux urgences, après série de crises d’épilepsie suffisamment violentes et longues pour qu’elle refuse de laisser trainer la situation plus longtemps.
Enfin, aux urgences… Principalement « dans le couloir des urgences » (on remercie le manque de moyen des services d’urgence, hein !).
Epuisée par l’attente et le manque de sommeil (au bout de plus de 15h, ça se comprend un peu…), mise à bout de nerfs par le manque de considération du personnel soignants, elle a fini par sortir contre avis médical.
Et relater cette visite aux urgences sur son blog : lien

Tout au long de ce parcours médical, à chaque fois qu’elle essayait d’obtenir une copie de son dossier (pour pouvoir la transmettre à son médecin, ou tout simplement pour être au courant de ce qui lui arrivait, vu que les informations ne lui étaient données qu’au compte goutte « parce qu’elle était fragile, alors vous comprenez… »), elle a dû faire des pieds et des mains. Alors qu’avoir accès à son dossier médical est un droit.

Elle est morte quelques jours après cette dernière visite aux urgences.

Alors ouais, peut-être qu’une meilleure prise en charge n’aurait rien changé à l’issue fatale de sa maladie.
Peut-être que, même avec toute la bonne volonté du monde, il aurait été impossible de la soigner.
On ne le saura jamais, parce que les soins qu’elle a reçu ont été totalement déplorables.

Avant même sa mort, on l’avait tuée et enterrée.
Alors même qu’elle cherchait de l’aide, des soins, des solutions, on l’a enterrée sous la psychophobie, contre laquelle elle se battait et militait.

Anouk, c’était une amie.
Anouk, c’était une femme formidable, pleine d’humour malgré ses emmerdes.
Anouk, elle méritait tellement, tellement mieux que le mépris du corps médical…

Repose en paix, Anouk.
On continue le combat.

Gros.se = riche ? Pas sûr…

Ces derniers jours, un dessin de l’illustrateur Nawak a fait polémique.
Une image d’un gros mangeant du fastfood et écrasant la terre sous son poids.

gros riche nawak
(Dessin par Nawak)

Je n’ai pas envie de nourrir la polémique sur cet illustrateur ou ce dessin en particulier.
Je le cite juste à être d’exemple.
Le problème n’est pas Nawak, mais bien cette idée reçue, qui est TRES répandue.

D’ailleurs, quand on cherche un peu, on trouve plein de dessins humoristiques représentant la société de consommation, les riches, les oppresseurs par… un.e gros.se.

Vous voulez quelques exemples supplémentaires ?
Allons-y.

gros richegros riche 3

 

 

J’aurais pu en citer plein d’autres.

Entendons nous : je vois l’idée que ces dessinateurs essaient de faire passer : dénoncer l’inégale répartition des richesses dans la population mondiale, et la société de consommation. J’imagine bien qu’il n’est pas facile de rendre cette idée « lisible » au travers d’un dessin, mais il n’empêche qu’utiliser constamment les gros.ses comme illustration des consommateur.trice.s riches est une représentation particulièrement fausse.

Statistiquement, il y a beaucoup, beaucoup plus de personnes obèses parmi les classes sociales défavorisées que parmi les riches.
La raison est assez simple à comprendre : vivre sainement coute cher.

S’acheter des légumes frais, des fruits frais, de la viande de bonne qualité (pour les personnes non-végétariennes), c’est notablement plus cher que de s’acheter une pizza surgelée.

Le temps de travail rentre en ligne de compte, aussi.
Beaucoup de personnes venant de classes sociales pauvres cumulent les boulots, ou ont des horaires de travail difficilement compatibles avec le fait de passer du temps aux fourneaux.
Des postes de travail notablement plus pénibles, aussi. Vous auriez envie de passer une heure debout dans la cuisine après 8h de travail à la chaine à l’usine, ou sur un chantier ?

A coté de ça, faire du sport aussi a un certain coût financier et en terme de temps. Que beaucoup ne peuvent pas se permettre.

Pour toutes ces raisons, les classes sociales les plus touchées par l’obésité sont celles qui sont en bas de l’échelle sociale.

Utiliser un.e gros.se pour représenter la richesse et la société de consommation est donc non seulement réducteur, mais en premier lieu complètement faux.

Cette idée reçue amène à des situations particulièrement dégueulasse.

Je vais vous raconter une anecdote.

Un mec fait régulièrement la manche près du supermarché où je fais mes courses. Je lui fais, quand je peux, quelques courses alimentaires.
Il m’est plusieurs fois arrivé d’entendre des gens dire des trucs du genre « Va pas me faire croire qu’il a pas de thune, gros comme il est ».

Sauf qu’en fait, « gros comme il est », ça lui arrive de me demander « tu peux m’acheter un kilo de carottes / de pommes ? Ca fait une semaine que j’ai pas pu manger de fruits ou légumes… ». Parce que ouais, avec l’argent de la manche, il va plutôt s’acheter du pain et du fromage qui tiennent au bide… que des fruits et légumes. Logique, n’est ce pas, quand on y réfléchit trois minutes ?

Pour rester sur la « richesse » des gros.ses, je rappellerais également que les gros.ses font parties des personnes les plus discriminées à l’embauche, et également des personnes à qui ont permet le moins d’accéder à des promotions sur leur lieu de travail.

Plutôt un mauvais point, si on veut devenir riche, vous en conviendrez…

Alors, ami.e.s dessinateur.trice.s, ça serait vraiment chouette que vous arrêtiez de renforcer de cliché quand vous voulez dénoncer les inégalités sociales ou la société de consommation. Ce que vous faites est contreproductif si vous avez en ligne de mire plus de justice sociale, dans la mesure où en faisant ça, vous enfoncez une catégorie de personnes qui est DEJA plutôt en bas de l’échelle.

Si vous êtes gros.se, pour manger tranquille, mangez caché.e.

Loin de moi l’idée de vous le conseiller sérieusement, de vous cacher pour manger, hein.

Mais le fait est que dans notre société grossophobe, on en est là.

Un.e gros.se qui mange publiquement est supposé, forcément, être en train de se gaver.
Peu importe qu’il soit midi, donc une heure ma fois assez logique pour manger vite fait un sandwich dans le bus pour gagner du temps. Un.e gros.se est automatiquement présupposé être en train de manger son 10ème sandwich.
Peu importe qu’il fasse 40° et que la moitié des gens de la ville ait une glace à la main. Un.e gros.se ne devrait pas, oh non surtout pas, manger de glace. C’est forcément sa 5ème de la journée de toutes manières.

Un.e gros.se qui mange et qui, affront ultime au bon goût visuel de ces concitoyen.nes minces, a le culot de le faire publiquement, c’est forcément QUELQU’UN QUI SE GAVE.

Vous voulez un exemple ?

Allez, cette petite situation juste tout à l’heure, dans le bus.

Une amie et moi, toutes deux grosses, mangeons nos sandwichs (t’sais, le truc que pas mal de gens font à midi quand ils ont pas le temps / pas l’envie de faire à manger).

sandwich
En vrai, il était moins beau que ça le sandwich, mais celui ci a l’air délicieux !

Mon amie mange un bout de son sandwich, puis le repose dans le sac parce qu’elle n’a plus faim.

Je lui demande :

« Tu cales ? »

En face de nous, un petit groupe de meufs :

« Lol ! La grosse qui lui demande si elle cales, pis l’autre qui répond que oui, alors que vu comme elle est grosse, elle doit en manger 10 par jours ».

Je n’ai malheureusement pas entendu ce qu’elles disaient sur le moment, c’est mon amie qui m’a dit ça une fois descendue du bus. Gros regret, parce qu’elles se seraient pris la honte de leur vie à se faire afficher dans les règles de l’art dans le bus bondé.

Et non, ça n’est pas « exceptionnel ». C’est habituel.
Un pote qui s’est retrouvé avec moi dans le métro une fois où je mangeais mon sandwich m’a dit avoir été choqué des regards et des remarques.
Moi je n’avais même pas remarqué. Parce que je ne remarque plus, la plupart du temps, tellement c’est habituel et quotidien. Ca fait partie du paysage quotidien dès que je suis hors de chez moi.

J’ai entendu une responsable hiérarchique me dire que « le regard que les gens posent sur toi quand tu manges au travail n’est pas neutre, tu devrais faire attention à ça. ». (Je présume que « les gens », c’était surtout elle, hein, mais bon… S’agirait pas d’assumer de trop sa grossophobie, quand même).

Au travail. Relax.
Non, je n’ai pas à faire attention à ça.
Si j’ai la dalle, j’ai parfaitement le droit de manger un truc. Exactement comme mes collègues minces. Et si ça les dérange de voir une grosse manger, ma foi, d’une part c’est peut-être à eux de se poser des questions sur leurs représentations. Et d’autre part, si vraiment c’est insoutenable pour leurs pauvres mirettes, bah qu’ils regardent ailleurs, au pire !

Je pourrais en lister des centaines, d’anecdotes sur des remarques, des regards concernant le fait que j’aie l’audace de manger devant des gens.

Si ça ne m’atteint plus, c’est loin d’avoir toujours été le cas.
Et si ça ne m’atteint plus, c’est bien loin d’être le cas de tou.te.s les gros.ses.

J’en connais beaucoup (trop) qui n’osent pas manger en public pour éviter ça.
J’en connais beaucoup qui, s’iels doivent vraiment manger en public, vont éviter de manger à leur faim pour bien prouver qu’iels ne mangent pas trop. C’est bien connu. Une gros.se qui mange une salade verte (sans trop de sauce s’il vous plait !), ça passe. C’est bien, iel essaie de perdre du poids, iel essaie de revenir vers la sacro sainte norme !

Alors j’ai envie de faire un petit rappel :

– Les gros.ses ont aussi besoin de manger pour vivre. Un.e gros.se qui arrête de manger, à terme, iel meurt.
– On peut être gros.se et manger parfaitement normalement en terme de quantité. Sisi. Vraiment. Donc non, le sandwich que vous nous voyez manger dans le bus n’est pas forcément le 10ème. Il est même assez probable que ça soit notre sandwich tout ce qu’il y a de plus normal, pour un repas tout ce qu’il y a de plus normal.
– Si ca n’est pas le cas et qu’on surbouffe réellement (oui, ça existe, les troubles du comportement alimentaire), ça n’est en tous cas pas votre mépris, vos moqueries et vos remarques de merdes qui vont aider à guérir de ces troubles alimentaires.
– Vos gueules. Ouais en fait, juste ça. Taisez vous. Et regardez ailleurs si on vous dérange tant. Mais foutez nous la paix.

Trop gros.se pour être opéré.e ? C’est d’actualité au Royaume Uni

Hey, ami.e.s gros.ses…

Vous prévoyez de déménager ? De changer d’air, de changer de pays ?
Vous trouvez que le charme brumeux de la ville de Londres, ou les pintes de bonne bière anglaise sont attrayants ?

Je vais vous donner une petite information qui va probablement vous faire réfléchir à deux fois à l’idée d’aller poser vos valises pour vous installer quelque part au Royaume Uni.

Donc…

Dans l’optique d’économiser sur les frais de santé publique, nos amis british ont eu une idée lumineuse.

Si vous êtes gros.se et que vous devez subir une intervention chirurgicale non vitale (genre vous faire réparer un ligament démoli, poser une prothèse de hanche ou que sais-je encore), on peut vous faire attendre jusqu’à un an.
Histoire qu’éventuellement ça vous « convainque » de perdre du poids.

Vous avez mal ?
Vous êtes limités dans vos déplacements ?
Handicapé dans votre vie quotidienne ?

C’est pas grave, perdez du poids, on vous opèrera si vous perdez 10% de votre poids corporel, sinon vous attendrez un an.

Va-t-on vous aider à perdre du poids ?
Vous fournir, en contrepartie de cette attente, un suivi adéquat pour vous accompagner ?
Bien sûr que non (il s’agit de faire des économies, n’est-ce pas… On ne va quand même pas dépenser de l’argent pour les gros.ses… Et puis bon, de toutes manières, c’est bien connu, un peu de volonté et de motivation, et hop, les kilos s’envolent. N’EST CE PAS ?)

Peut-être êtes vous, comme moi, en train de vérifier la date.
Non. Nous ne sommes pas le 1er avril. Ça n’est pas une foutue blague.

Mais après tout… est-ce que ça vous surprends vraiment, qu’on en arrive à ça ?

Il est bien connu que nous, les gros.ses, on fait enfler les coûts de la santé. Qu’on est juste des personnes qui négligeons notre santé, et qui, avait une carotte ou un bâton, pouvons être amenés à perdre du poids.

Si le Royaume-Uni a institutionnalisé cette pratique, il ne faut pas se voiler la face.
Le fait que des soins sont régulièrement refusés aux personnes obèses n’est pas une spécialité anglaise.
De très (trop) nombreux médecins examinent avec un sérieux très relatif la situation médicale des personnes en surpoids, se bornant à tout mettre sur le compte de leur poids, à leur dire de maigrir, et à jeter sur leur corps un regard chargé de condescendance.
Et ça, c’est vrai partout autour de nous.
La grossophobie du milieu médical n’est plus à prouver, de nombreuses personnes peuvent en témoigner.

Chers médecins, du Royaume-Uni ou d’ailleurs… Souvenez vous que vous avez fait le serment de soigner chaque patient.e au mieux.
Pas « chaque patient.e, sauf les gros.ses ».
Parce que oui, aussi étrange que cela puisse vous paraitre, nous sommes de vrais humain.es. Pas des amas de gras sur pattes.

grosse-colere

Squeezie : grossophobe, sexiste… What else ?

« Laisse passer le Ronflex ».

Voilà comment, en début d’une vidéo sur PokemonGo, Squeezie, youtubeur bien connu et très suivi, parle d’une femme visiblement « en surpoids » qu’il croise dans la rue lors de son tournage.

Après avoir déjà fait polémique il y a quelques temps avec une vidéo présentant un jeu « trop lol » qui banalise totalement le harcèlement de rue et les agressions sexuelles (lire à ce sujet cet article du blog « Sans Compromis » qui avait relaté l’épisode), Squeezie tape cette fois ci dans le bon vieil humour grossophobe.

C’est TELLEMENT original, n’est-ce pas, de comparer une personne grosse à un animal (réel ou imaginaire).
Mes lecteur.trices gros.ses pourront confirmer que « Sauvez Willy », « Mate la grosse vache », et autres déclinaisons zoologiques, c’est CARREMENT INEDIT, n’est-ce pas ?

Se foutre de la gueule d’une grosse, quelle originalité…

C’est déjà lamentable venant du quidam lambda, mais venant d’un youtubeur suivi par des milliers de personnes, c’est un message particulièrement crade qui est délivré : « Se foutre de la gueule des gros.ses dans la rue, c’est totalement acceptable, d’ailleurs, même Squeezie le fait ».
Chouette message, y a pas à dire.

Légitimer le harcèlement de rue grossophobe, quelle excellente idée… Bravo et merci, Squeezie, non vraiment. On avait TOUT A FAIT besoin de ça.

Ce brave Squeezie sait-il que beaucoup de personnes grosses / en surpoids / obèses sont littéralement mortes de trouilles à l’idée de sortir, précisément à cause de ce genre de bouse ?

Ce brave Squeezie en a-t-il seulement quelque chose à foutre, de ne pas enfoncer à coup de latte dans la tronche des personnes déjà stigmatisées dans la société ?

Manifestement : non.

Ronflex
Pour les non-initié.es, Ronflex, c’est ce Pokemon. Squeezie n’a pas du prendre garde au fait qu’il a des griffes non négligeables, et qu’il pourrait bien se les prendre en travers de la figure, pour le coup…

Déjà bien en colère de cet nième vacherie grossophobe, un petit coup d’oeil au Twitter du youtubeur a parachevé le travail.

Une des dernières vidéos de Squeezie enfonce en masse les clichés du sexisme, de la grossophobie (encore), avec une petite touche de racisme et de classisme en rab. Et une bonne dose de slutshaming en guise de glaçage sur le gâteau de merde.

Ca fait rêver, n’est ce pas ?

Venez donc découvrir avec moi « Comment devenir répugnante ? », sa présentation d’un jeu qui permet d’endosser le rôle d’une moche qui veut devenir baisable (parce que c’est bien connu, les moches, les grosses, elles ne baisent pas, hein !).

Vous n’avez pas envie ?
Je comprends. Je me le suis infligée pour pouvoir écrire cet article en toute connaissance de cause, mais… AIE, MES YEUX, ILS SAIGNENT !

6 minutes 30 à entendre à quel point on est imbaisable si on est grosse et qu’on a de l’acné, à quel point à voir une nana « moche » se faire qualifier de « SDF qui a fait de la chirurgie esthétique », à voir Squeezie enfoncer les portes du slutshaming quant à la vie sexuelle de l’héroine du jeu… Ouais bon, je les aurais probablement utilisées plus agréablement en nettoyant mes chiottes.

Au delà des vidéos (dont je n’ai même pas envie de parler plus longuement, vu le niveau de leur contenu…), si j’ai décidé de prendre le temps de consacrer cet article à ces bouses, c’est parce que la visibilité dont bénéficie Squeezie, en particulier auprès d’enfants et d’adolescents, fait que ce genre de vidéo va bien au delà du simple « humour de mauvais goût ».

Je sais, je sais : Squeezie aime beaucoup se dédouaner en disant que « il n’est pas responsable du fait que les parents laissent leurs enfants regarder n’importe quoi sur internet ».

Pour autant, il ne crache pas dans la soupe quant il s’agit d’encaisser les revenus générés par ce public très jeune, n’est ce pas ?

Son choix d’adopter un langage « ado », il est délibéré et cible VOLONTAIREMENT ce public. Donc, want it or not, il DOIT assumer la responsabilité de l’impact sur ce jeune public de ce qu’il diffuse.

Dois-je rappeler que les « gros.ses », les « moches » font parties des cibles privilégiées du harcèlement scolaire ?
Dois-je rappeler que la banalisation du sexisme et du slutshaming contribue à la culture du viol, aux agressions sexuelles, y compris dans les cours d’école ?

Est-ce vraiment là le message qu’il souhaite faire passer à son public ?
Que les « gros.ses », les « moches » sont des trucs déshumanisés dont on peut se moquer à loisir ?
Que la femme est un bout de viande dont la valeur s’évalue au nombre de ses plans culs (Pas trop sinon c’est une salope, pas trop peu sinon c’est une moche frigide) ?

Est-ce qu’il va encore se dédouaner derrière la responsabilité des parents de contrôler ce que leurs enfants regardent, ou est-ce qu’il va, cette fois ci, prendre en compte ces remarques, et en tenir compte à l’avenir ?

Je crains malheureusement que l’attrait de l’argent facile, associé au succès de l’humour oppressif dans notre société, n’ait le dessus sur une certaine réflexion éthique sur les vidéos qu’il produit, mais… l’avenir nous le dira, n’est-ce pas ?

Oui, la grossophobie PEUT faire plonger quelqu’un dans l’anorexie

Je crois que cet article, il va justifier à lui seul le titre « Coups de Gueule » de mon blog.
Parce que je suis sacrément furax.
Fureur réactivée par des discussions récentes, mais c’est un truc récurant qui me pique le nez façon moutarde de Dijon extra-forte, ça n’est pas une discussion isolée, ça n’est pas une première, du coup, au lieu de rager stérilement, j’ai décidé d’en faire un article. Probablement très impopulaire, je le sais d’avance. Mais tant pis.

Donc.

Pour commencer, commençons par ce sur quoi nous sommes – je pense – tou.te.s d’accord :

L’anorexie et/ou la boulimie sont des maladies où PLEIN de facteurs rentrent en ligne de compte.
Image de soi, vécu traumatique, autres troubles psy sous-jaçants, divers déclencheurs, toussa.
Ce sont des maladies complexes, multifactorielles, qu’on ne peut en tous cas pas résumer à « Vouloir perdre du poids pour avoir un corps de rêve ».

Là dessus, vous ne me verrez jamais dire le contraire, hein.

Par contre (et c’est là qu’on va commencer à avoir des désaccords, je pense…) :

Oui, parmi cette longue liste de facteurs qui rentrent en ligne de compte, il y a AUSSI la grossophobie de la société.
Ca fait partie de la donne. Pour une partie des personnes atteintes de boulimie / d’anorexie, ça a fait office de déclencheur, et/ou ça a fait partie des facteurs de fragilité.
En aucun cas je dis que ça suffit à expliquer l’anorexie / la boulimie de ces personnes. Je dis que c’est un des facteurs.

Prenons une métaphore.
Chacun des facteurs de risque est un gros caillou.
Vous avez un sac sur le dos.
On met un caillou dans le sac : à l’aise, vous le portez et vous continuez votre chemin.
Deux ? Ca va encore. Peut-être que ça va commencer à tirer un peu sur vos épaules, mais bon, rien qui soit de nature à vous empêcher de porter le sac et de continuer à marcher.
Trois ? Outch, le dos commence à faire la gueule.
Cinq ? Dix ? A un moment donné, vous allez vous casser la gueule sous le poids du sac.
(Et évidemment, le nombre de caillou qui vont suffire à vous faire vous casser la gueule, il n’est pas immuable, chacun.e arrivera à porter un poids différent, et même, selon le moment de votre vie, vous arriverez à en porter plus ou moins).
Évidemment, le dernier caillou ajouté au sac n’est pas LA cause de votre chute. Les autres cailloux pèsent tout autant dans le sac. Le dernier caillou, c’est juste le déclencheur de votre chute. Mais les autres cailloux accumulés dans le cas y jouent tout autant un rôle.

sac de cailloux

Dit comme ça, ça parait logique, non ?

Pourquoi, dans ce cas, nom d’un chien, est-il aussi tabou d’évoquer – parmi les personnes militant pour une déstigmatisation et une meilleure compréhension des TCA – ce foutu facteur « grossophobie » ? Ce foutu caillou, qui joue un rôle dans le fait que des gens se cassent la gueule, et se retrouvent embourbés dans l’anorexie et/ou la boulimie, ça semble impossible de le nommer sans se ramasser une volée de bois vert de la part de personnes concernées par les TCA, mais qui n’ont pas, dans leur sac à elle, ce foutu caillou « grossophobie ».

Bien sur qu’il n’est pas présent pour toutes les personnes atteintes d’anorexie et/ou de boulimie.
Personne ne dit le contraire.
Il y a des personnes anorexiques / boulimiques pour quoi ça n’a jamais joué de rôle.
Qui en sont arrivées à se casser la gueule pour tout plein d’autres facteurs, mais pas celui ci.

Mais ça n’est pas une raison pour nier le fait qu’il puisse faire partie du chargement de cailloux pour d’autres personnes.
Il n’y a pas « un modèle standard » d’anorexique, il y a tout plein de parcours de vie qui amènent à ce que la personne perde pied dans son rapport avec la nourriture / avec son corps / avec le contrôle (parce que oui, le contrôle, c’est un des cailloux très très très souvent présent dans le sac…).

Nier la réalité du facteur « grossophobie », c’est condamner les personnes pour qui les injonctions à la minceur / la grossophobie font partie de la donne à devoir porter leur caillou avec honte, parce qu’il n’est pas reconnu comme un facteur valable pour se casser la gueule.

Nier la réalité du facteur « grossophobie », c’est aussi ne pas tenir compte de ce caillou dans les soins apportés à la personne pour qu’elle puisse décharger son sac et se relever.

Nier la réalité du facteur « grossophobie », c’est, enfin, donner une sorte de feu vert au corps médical, aux gens, aux familles, aux … ‘fin à tout le monde, et à notre société en général… A continuer à enfiler peinard ce caillou dans le sac que portent les personnes en surpoids ou obèses. Et à s’en laver les mains si ça fait partie des choses qui vont faire que la personne s’embourbe ensuite dans le vaste merdier des TCA, « parce que les médecins et des scientifiques et même des personnes concernées ont dit que ça ne jouait pas de rôle dans les TCA ».

Et pourtant, ce déni, ce « non non non ça n’a rien à voir », je le lis souvent, je l’entends souvent.
Avec articles médicaux à l’appui, pour lui donner un peu de légitimité (parce que c’est bien connu, la médecine n’est jamais grossophobe, n’est-ce pas ? Oh… wait…).

Et honnêtement, ça me fout dans une colère noire.

Parce que j’ai vu des gens autour de moi sombrer dans les TCA avec pour déclencheur la grossophobie.
Parce que j’ai vu les TCA de ces personnes être complètement niés par le corps médical parce que « vous ne pouvez pas être anorexique / boulimique, vous êtes gros.se », jusqu’à ce que ces personnes arrêtent d’être grosses, qu’elles soient même en sous-poids, qu’elles aient des carences longues comme le bras, que leur coeur soit menacé par les pertes de potassium liées à la boulimie, et qu’enfin le corps médical se dise « Oh, y a peut-être quand même un problème… ».
Parce que j’ai vu des personnes autour de moi passer à un cheveu de crever à cause de cette merde là…

Et parce que j’ai passé à un demi-cheveux de tomber dans cette merde là, au moment où je suis sortie de mon hyperphagie. Parce que j’en pouvais tellement plus des « T’es trop grosse faut que tu perdes du poids » que j’ai commencé à me nourrir exclusivement de salade et de coca light.
Pendant 6 mois.
Que j’ai perdu du poids à une vitesse vertigineuse sans que personne ne s’en inquiète (bien au contraire, on me félicitait…).
Et que je n’ai réussi à casser la spirale que parce que dans mon boulot, j’avais la responsabilité d’autres vies humaines, et que je ne pouvais pas me permettre de ne pas tenir sur mes jambes sans risquer de foutre en danger d’autres personnes que moi. C’est ça, et uniquement ça, qui m’a donné l’impulsion pour me remettre à manger.
Mais j’ai continué à le porter longtemps, le caillou de la grossophobie. Il a pesé dans mon sac longtemps. Il m’a foutu sur le fil longtemps. Mais « ça n’est pas bien grave, n’est ce pas, vu que je suis grosse, j’ai de la marge »…
Et ça ne fait pas si longtemps que ça que je m’en suis débarrassée, de ce caillou… Et que j’ai pu faire la paix avec mon corps, mon corps gros et gras, mais que j’ai fini par apprendre à accepter.

Alors ouais, le déni sur la question, il m’arrache la gueule.
Il m’arrache déjà bien la gueule quand il vient du corps médical.
Il m’arrache déjà bien la gueule quand il vient du « quidam lambda ».

Mais il m’arrache doublement la gueule quand il vient d’autres personnes touchées par les TCA, dont on pourrait supposer qu’elles aient une ouverture d’esprit sur la question qui dépasse un peu celle du quidam lambda.

Alors s’il vous plait… Même si vous ne portez pas ce caillou là, vous personnellement, dans votre sac… Arrêtez juste de nier son existence. C’est tout ce qu’on demande.

Gros.se : qui dépasse la moyenne de sa catégorie en volume, en épaisseur

Je suis grosse.
Mon poids est supérieur au poids moyen des autres individus humanoïdes peuplant cette planète (pour les autres planètes, je ne sais pas, je ne suis pas allée vérifier).

C’est un fait.
C’est une réalité de dire que j’occupe plus d’espace, relativement à une personne moins grosse.

Et j’ai envie que ça soit un simple fait.
Pas un truc qu’il s’agit d’évacuer sous des périphrases embarrassées (« Je suis ronde », « je suis en surpoids », « je suis forte »). Juste un fait. Neutre.

Si je dois me décrire à un.e inconnu.e que je devrais retrouver dans une gare bondée, je voudrais pouvoir dire :
« J’ai les cheveux frisés assez longs, je suis assez grande, je suis grosse, et je porte généralement un pull à capuche et un jeans ».
Et que chacune de ces informations ait exactement la même valeur informative, factuelle, sans qu’un ou l’autre de ces paramètres ne donne lieu à une évaluation de la valeur de ma personne.

Alors je le dis : « Je suis grosse ».
Je l’affirme, je le martèle.
JE-SUIS-GROSSE.
Non pas par « fierté » de l’être (il n’y a pas de fierté à en avoir. Ni de honte. C’est un paramètre décrivant mon aspect physique. Rien de plus. Rien de moins).
Non pas par provocation.
Mais par besoin de faire entrer dans des cerveaux au raisonnement déformé par la grossophobie le vrai sens de ce mot : « qui dépasse la moyenne de sa catégorie en volume, en épaisseur« .
Et de le débarrasser chaque jour un peu plus de son impact de jugement, d’évaluation de la valeur que peut avoir ma personne, ou la personne des autres gros.ses.

A coté de ça, je vois des camarades de lutte contre la grossophobie traquer le mot « gros » dans toute forme d’expression.
Il ne faudrait pas dire « Un gros emmerdeur » (le terme « gros » se rapportant ici non pas au physique, mais à la taille de l’emmerditude de la personne), pour ne pas véhiculer de sens négatif autour du mot « gros ».
Je vois bien l’idée, hein, je peux comprendre la logique…
Mais elle me fait tiquer, néanmoins.
Si on veut que le mot « gros » retrouve un sens « neutre »… Alors il doit pouvoir être accolé aussi bien à quelque chose de positif (« un gros câlin », « un gros coup de coeur ») qu’à quelque chose de neutre (« un gros coussin », « un gros tas de feuilles mortes ») qu’à quelque chose de négatif (« un gros emmerdeur », « un gros coup tordu »).
Le mot gros doit absolument redevenir un truc qui qualifie un volume (soit physique, soit métaphorique, comme dans le cas du « gros emmerdeur », du « gros câlin », du « gros coup tordu » ou du « gros coup de coeur »). Et plus un qualificatif sur la valeur de… quoi que ce soit.

Et pour arriver à cette « dé-moralisation », j’ai tendance à dire qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et que si on commence à le faire, à l’affirmer, à l’expliquer, à le démontrer, à le marteler… On peut amener à un changement.
Oh, je suis réaliste, le changement ne se fera pas en deux jours et trois coups de baguette magique (si quelqu’un dispose d’une telle baguette magique, toutefois, sachez que je suis disposée à vous l’emprunter. Y a quelques trucs sur notre planète et dans notre société qui auraient bien besoin d’un bon « ABRACADABRA » bien senti !.. Non ? Personne ? Dommage…).
Mais je crois qu’on peut tou.te.s être vecteur.trices de ce changement. Pas à pas.

Et je ne crois pas qu’on puisse amener à retirer cette valeur de jugement au mot « gros.se » si on se drape dans des périphrases embarrassées pour éviter de le dire, qu’on le remplace par « rond.e », qu’on évite de parler d’un « gros emmerdeur », qu’on évite absolument de parler du volume des corps et des choses, et qu’on s’empêtre les pieds dans un filet d’expressions alambiquées.

A l’inverse des insultes basées, par exemples, sur des diagnostics médicaux (« Mongolien », « Fou », « Débile »), le mot gros n’avait à la base aucune connotation, aucun sens spécifique autre que celui d’indiquer un volume important ou une épaisseur importante.
S’agissant de redonner son sens de base à ce mot, il s’agit donc non pas de lui redonner un sens spécifique (comme quand on revendique que les diagnostics médicaux ne soient pas utilisés comme insultes), mais bien de banaliser et « dé-moraliser » son usage.
C’est un indicateur de volume. Rien de plus. Rien de moins.

Et moi, j’ai un volume important.
Ca n’est ni bien ni mal.
C’est.

Alors ouais.
Je suis GROSSE.

… Tout comme ce pigeon.

gros pigeon

La grossophobie ne touche pas que les personnes obèses

« Non mais tu es pas réellement gros.se, tu ne peux pas lutter contre la grossophobie sans prendre la place des personnes concernées ». (version « militant.e vener »)
« Non mais qu’est ce que tu nous fais chier avec ta lutte contre la grossophobie, t’es même pas gros.se » (version « quidam lambda »).

JE-NE-SUIS-PAS-D’ACCORD. Avec aucune de ces deux phrases.
Genre du tout.

Et c’est des trucs que j’ai souvent entendu autour de moi.
Bon. Pas directement adressés à moi (sans quoi j’aurais ri relativement fort, et envoyé la personne prendre un rendez-vous en urgence chez un bon opticien, parce que… Parce que 130kg, quoi. Ca devient assez difficilement argumentable que « je ne suis pas grosse ». Je le suis. Mais pas de panique, c’est pas une insulte, et je ne suis pas en train de me rabaisser moi-même. Je dis que je suis grosse exactement de la même manière que je dis que j’ai les yeux bleus : c’est une constatation. Ca fait un bail que j’ai arrêté de dévaloriser mon corps sur la base de mon poids).

Mais bon. Bref.
Il y a un questionnement récurant autour de la légitimité des gens « pas gros.se » à lutter contre la grossophobie. Et même de la légitimité des « juste un peu gros.ses mais pas obèses ».

Alors entendons nous :

Je suis bien d’accord qu’il y a des enjeux de la lutte contre la grossophobie qui sont pas mal étrangers aux personnes « pas grosses » ou « juste un peu grosses mais pas obèses ».
Non, ces personnes ne vont pas se retrouver à payer deux sièges dans un avion.
Non, ces personnes ne vont pas se retrouver à ne pas pouvoir passer un scanner parce que l’appareil est trop petit pour elles.
Non, ces personnes ne vont pas se faire malmener par leur médecin qui va les soigner en partant du présupposé que tous leurs problèmes de santé viennent de leur poids.
Non, ces personnes ne vont pas devoir payer nettement plus cher leurs fringues en les achetant dans des magasins spécialisés grande taille.

Sur ces enjeux là, et quelques autres encore, ouais, effectivement, les personnes « moins grosses » n’ont pas à occuper le centre de la discussion.

On est bien d’accord.

Maintenant, pour tout ce qui est de l’aspect « lutte contre le body shaming grossophobe », il s’agit quand même d’avoir un peu plus de nuance.

Pour plusieurs raisons, que je vais détailler de ce pas :

C’est très vite fait de basher les personnes atteintes de dysmorphophobie :

Je l’évoquais dans un autre article, mais c’est une chose sur laquelle je trouve important d’insister.
La dysmorphophobie, c’est – en gros – le fait d’avoir une perception biaisée, faussée, de son propre corps.
C’est notamment fréquent chez les personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire, qui se perçoivent fréquemment comme nettement plus grosses qu’elles ne le sont objectivement.

Et non. Il ne s’agit pas d’une manière détournée d’avoir des compliments (« Mais non, t’es pas grosse, tu es très belle »), comme on l’entend souvent chez « le quidam lambda »)
Et non, transposé au contexte militant, il ne s’agit pas non plus d’une manière d’éviter de prendre conscience et d’assumer ses privilèges de mince.

Etre atteint.e de dysmorphophobie n’est pas fun.
Vraiment.
Etre atteint.e de dysmorphophobie, c’est ne pas pouvoir croiser son reflet dans le miroir sans crise d’angoisse, pour beaucoup de personnes.
Si la crise d’angoisse quotidienne devant le miroir est un privilège, franchement, j’en veux pas, de ce privilège.

dysmorphophobie

Dans sa perception, une personne atteinte de dysmorphophobie EST grosse. Pour de vrai. Le poids objectif ne change rien à cette perception.
Et par conséquent, toute la grossophobie qu’on reçoit en tant que message quasi unique dans la société (dans la pub, dans les médias, dans l’humour foireux), elle atteint RÉELLEMENT ces personnes, avec tout autant de cruauté que les personnes objectivement grosses. (et elle ne fait que renforcer leur trouble psy, d’ailleurs, parce que vu qu’elles se perçoivent comme grosse et que la société dit que « être gros c’est mal », ça ne fait que renforcer l’obsession de perdre du poids. Tu le vois, le gros cercle vicieux bien crade ?)

Et, pour parler en terme de militantisme : basher ou exclure les personnes atteintes de dysmorphophobie de la lutte contre la grossophobie, c’est psychophobe.

La société donne un message très biaisé aux personnes, spécialement assignées femmes, sur « ce que c’est d’être gros.se »

Je rappelle que le monde de la mode présente la plupart de ses vêtements féminins sur des modèles portant une taille 34 environ. Les mannequins portant du 40-42 sont présentés comme des mannequins « grande taille ». (manière polie de dire « mannequins gros.ses ») On nous martèle donc que si on porte du 40-42, on est grosse.
On serait donc de bien mauvaise foi de reprocher à une personne portant du 40 de se percevoir comme grosse. Parce que c’est ce que la société lui claque dans la gueule. Partout. Tout le temps.

Et à partir du moment où la société te dit en permanence que tu es grosse, OUI, tu es atteinte par les saloperies sur les gros.ses. Oui. Là encore, le poids objectif, les normes médicales et que sais-je encore n’ont que peu d’impact dans le ressenti objectif des personnes qui vivent ce message là au quotidien.

Pour en lire plus sur ce sujet des mannequins « grande taille » qui ont en fait un poids carrément dans la moyenne, je vous invite à lire cet article, sur le site de « Ma grande Taille »

Dire « tu es trop mince pour lutter contre la grossophobie », c’est donner une validité au discours social qui indique qu’il y a des gens « trop gros » et des gens « dans la norme ».

Alors que la norme concernant le poids, c’est une construction sociale, qui n’a pas d’objectivité médicale.

On combat le diktat de l’IMC (indice de masse corporelle), qui est de plus en plus remis en question en tant qu’unité objective de mesure et d’évaluation de la santé de quelqu’un.

Et d’un autre côté, on renvoie des personnes au fait qu’elles n’ont pas un IMC suffisant pour se sentir atteintes par la grossophobie ?

Euh. Faille logique détectée. N’est ce pas ?

(On m’a signalé que cette partie de mon article était carrément nébuleuse.
Et à la relecture, effectivement, la faille logique me parait très claire… Mais la faille dans la clarté de mes explications aussi, à vrai dire. Donc je vais essayer d’ajouter / préciser un peu, histoire que ça soit plus clair.)

Donc.

La société – s’appuyant sur le monde médical – classe les gens selon leur rapport taille/poids.
Si, déjà sur le plan purement médical, cette évaluation en fonction du rapport taille/poids commence à être sérieusement remise en question par certains médecins, parce que le poids n’évalue pas (que) la masse graisseuse, mais que plein d’autres choses rentrent en ligne de compte (la masse musculaire, la densité osseuse,…), et que l’IMC seul ne donne pas d’indice si fiable que ça sur la santé d’une personne…
Dans le grand public, cette évaluation des gens en fonction de leur corpulence, on l’a vu, elle va souvent dans le fait d’attribuer une valeur (esthétique, morale, voire professionnelle) aux personnes en fonction de leur corpulence et de leur poids).

Et c’est un des grands axes de lutte contre la grossophobie, le fait de mettre un terme à cette catégorisation des personnes en fonction de leur poids. C’est une priorité.

Or il y a un problème logique dans le fait de dire, d’un coté : « Non, la classification des personnes en fonction de leur poids n’a aucun sens ».
Et de dire de l’autre : « Mais toi tu es trop mince pour savoir de quoi tu parles à propos de la grossophobie ».
C’est détruire d’une main une classification… et la reconstruire de l’autre.

Qui plus est, la notion de « trop gros.se » est subjective, mais notre société s’accorde quasi unanimement à dire que « trop gros.se c’est mal ».
Ce qui amène des personnes OBJECTIVEMENT pas trop grosses à ramasser des messages super violents en terme de grossophobie en pleine tronche (dans la presse et la mode comme dit plus haut, mais aussi par leurs proches).
Donc déterminer un poids objectif à partir duquel on est réellement victime de la grossophobie devient vite… Assez peu réaliste. Et aussi carrément pas souhaitable, parce que ça revient à légitimer le « à partir de tel poids / de tel IMC, on est réellement trop gros.se ».

En conclusion, j’ai envie de dire :

Oui, lutter contre la grossophobie, c’est lutter contre les discriminations, maltraitances médicales et autres vacheries qui touchent les personnes obèses.
Mais c’est AUSSI lutter contre l’injonction permanente à éliminer le moindre bourrelet, la moindre trace de graisse, la moindre cellulite, à être mince, à être « comme les mannequins ».
Ces deux aspects coexistent. Oublier ou minimiser l’un ou l’autre, c’est oublier une partie de la lutte contre la grossophobie.
Et oublier de défendre les personnes qui sont touchées par cette grossophobie rampante, plus « discrète », plus sournoise que les discriminations à proprement parler… C’est laisser sur le bord du chemin une proportion pas négligeable des personnes qui font les frais de la grossophobie. Et dans certains cas, c’est également être psychophobe.

Hyperphagie : la grande oubliée des TCA, et la porte ouverte à la grossophobie galopante

Si vous n’avez pas eu de troubles du comportement alimentaire, et que vous ne vous êtes pas un minimum informé.es sur le sujet, il y a fort à parier que la lecture de mon titre vous fasse dire un truc genre « hyperpha… quoi ? »

Pas de panique, je vais vous expliquer ce que c’est que ce truc là.

Mais d’abord…

Quand on dit « trouble du comportement alimentaire », la plupart des gens pensent illico « anorexie ». Un peu moins pensent « boulimie » ou « anorexie-boulimie ».

Dans les représentations des gens – de la plupart des gens en tous cas – une personne qui souffre de troubles du comportement alimentaires : est très maigre; ne mange pas ou très peu; éventuellement se fait vomir.

L’hyperphagie (ou hyperphagie boulimique), très peu de gens en parlent.

Pourtant, l’hyperphagie, c’est une vieille pote à moi, on se connait bien elle et moi, on a cohabité pendant une bonne 15aine d’années, pour le meilleur et pour le pire.
Alors je vais vous la présenter.

L’hyperphagie, c’est cette chose qui me vaut d’être aujourd’hui « obèse morbide » (dixit les médecins. Moi je dis plutôt « grosse », parce que j’aime moyen être un diagnostic sur pattes, voyez vous ?).
(Je ne souffre plus d’hyperphagie à proprement parler depuis plusieurs années, mais ma foi, les kilos ne se sont pas magiquement envolés quand j’ai mis le nez hors de l’hyperphagie, hein).

L’hyperphagie, ça a été, littéralement, « bouffer mes émotions ». Pendant des années.
Angoisse : Hop, manger.
Stress : Hop, manger.
Tristesse : Hop, manger.
Ennui : Hop, manger.
Vu que dans une journée, des moments où on s’ennuie, où on stresse, où on angoisse, où on est triste, il y a une foule d’occasion d’en avoir… Ca a été une compagne quotidienne (avec son fidèle allié le frigo, ses potes les placards, et quand ils avaient fini d’être vidés, avec des petites virées au supermarché, à la boulangerie…).
Ca pouvait prendre soit la forme de grignotage continu, sur des heures, sans fin (sans faim non plus, d’ailleurs), soit la forme de crises où je pouvais ingurgiter des quantités assez surréalistes de nourritures en peu de temps.

J’en parle avec humour maintenant, mais à l’époque j’étais très loin d’en rire.
J’avais honte. Honte de bouffer ces quantités surréalistes de bouffe, honte de devoir aller me coucher pour pouvoir digérer tout ça parce que j’avais le bide tellement plein que j’en avais la tête qui tournait et du mal à respirer, honte de mon corps qui gonflait à vue d’oeil, honte du regard des autres, honte, honte, honte…

J’avais peur, aussi, peur de ne jamais arriver à me sortir de ça, peur du regard des autres, peur de ce truc qui échappait totalement à mon contrôle et où j’avais beau VOULOIR lutter là contre, j’arrivais qu’à repousser un peu la crise, mais crise il y avait quand même.

Pour « planquer le problème sous le tapis », je m’étais complètement déconnectée de mon corps. Je n’avais « pas de corps », ou plutôt je m’en foutais de mon corps, c’était un vague truc dans lequel je vivais, mais il n’avait pas d’importance, pas d’intérêt à mes yeux. Comme ça, je pouvais oublier un peu qu’il enflait à vue d’oeil. Comme ça, je pouvais mettre un peu à distance les regards méprisants.

Pour faire court sur « la fin de l’histoire », j’ai eu un suivi carrément top dans une consultation spécialisée TCA dans l’hôpital de ma ville, ça m’a vachement aidée à démonter les mécanismes qui faisaient que « émotion négative » rimait avec « frigo/placard/supermarché », et j’ai retrouvé un rapport plus sain avec la nourriture.
Par contre, je n’ai pas perdu le poids accumulé, j’ai juste stabilisé mon poids (ce qui est déjà pas si mal, et déjà nettement mieux que l’ascenseur sans fin dans lequel il était avant que j’arrive à régler le problème de l’hyperphagie).
Dans des situations particulièrement stressantes, il peut encore m’arriver de manger pour gérer, mais c’est rare, et, au final, comme le disait très justement la psychologue qui m’a suivie pour mon hyperphagie : « Tout le monde le fait. Il ne s’agit pas d’être « moins malade que les gens pas malades », il s’agit de faire en sorte que ça arrête de complètement envahir votre vie ».

hyperphagie-boulimique
Maintenant que vous savez ce que c’est que l’hyperphagie, je vais aller un peu plus loin dans le coté « un chouilla revendicatif » habituel de mes articles.

Parce que pendant toutes ces années, j’ai eu l’occasion de manger (!) dans la gueule pas mal de réactions carrément à chier autour de mon hyperphagie, et que je sais que je suis très loin d’être la seule à les avoir encaissées.

Et que ces réactions, très loin de m’aider, m’ont juste enfoncé, ont juste fait en sorte que j’aie encore un peu plus honte, encore un peu plus peur, et que je suis encore un peu plus incapable de faire les démarches nécessaires à demander de l’aide pour me sortir de cette merde.

Scruter et commenter le contenu de mon assiette

Ça, c’est un grand classique de la grossophobie, hein.
Scruter le contenu de l’assiette des gens en surpoids / obèses, et faire des commentaires.
« Tu ne devrais pas manger ça, avec ton poids ».
« Tu ne crois pas que tu as assez mangé ? »
« Tu devrais plutôt reprendre des légumes, non ? »

Est-ce que ça m’a aidé ?
Breaking news : absolument pas. Du tout.
La nourriture et moi, c’était déjà une histoire compliquée, mais passer son temps à me faire culpabiliser – comme si je ne le faisais pas déjà assez – de chaque truc que je pouvais manger pour peu que ça ne soit pas des légumes vapeur et des fruits, ça n’a fait que complexifier le rapport.
Et ça, sans prendre trop de risque de dire n’importe quoi, je peux dire que c’est une constante pour toutes les personnes hyperphages : plus on met d’enjeux, de honte, de culpabilité autour de la nourriture, plus ça rend difficile de redonner à la nourriture son côté « purement alimentaire » et son coté « plaisir ».
Et ça ne fait que renforcer le problème.

Et en plus, c’est franchement prendre les personnes hyperphages pour de parfait.es abruti.es, aussi.
Figurez-vous qu’on est au courant, hein, que quelque chose cloche… Ca n’est pas un scoop pour nous. Et c’est juste douloureux de se le faire coller dans la gueule un repas sur deux, à plus forte raison avec des conseils complètement à coté de la plaque (pour ma part, ça n’était pas aux repas que je faisais le plus d’abus alimentaires. C’est entre les repas, à tout moment du jour voire de la nuit. Donc le problème de mon poids, c’était pas le 2ème service de frites ou de gratin, mais bien tout ce que j’avalais le reste du temps… Et ce que j’avalais le reste du temps, ça n’était pas « manger », c’était « engloutir », « colmater les failles », « me remplir ». Et me sensibiliser à la taille de ma portion de frites, c’était un peu… Je sais pas, comme si on me proposait de soigner un cancer avec de l’aspirine…).

« Tu devrais faire du sport »

Vous voulez rire ? L’époque où j’étais le plus au fond du bac niveau hyperphagie, c’est l’époque de ma vie où je faisais le plus de sport, aussi.
8h de basket par semaine, c’est quand même pas rien, hein.

Le sport n’empêche pas la prise de poids (il limite les dégâts, peut-être, mais ça ne fait pas tout).
Le sport à outrance, c’est pas forcément plus sain qu’une autre addiction.
Je me suis allègrement flinguée les chevilles, à l’époque. Sans pour autant arrêter de faire du sport (au delà de toute espèce de bon sens, d’ailleurs, vu que je jouais régulièrement avec des entorses et autres tendinites…).

Et au delà de ça : les injonctions, c’est de la merde.
Si la personne a envie de faire du sport, elle en fait.
Breaking news : comme tout le monde.
Ça n’est pas parce qu’on a un problème alimentaire, qu’on n’est pas en droit de gérer notre vie comme bon nous semble.
Ça n’est pas parce qu’on est gros.se qu’on doit nous dicter notre vie.
Et ça serait vraiment, vraiment le moment de commencer à percuter cette notion basique, parce que votre attitude NOUS POURRIT LA VIE.

L’hyperphagie, ça n’existe pas, c’est juste de la gourmandise

C’est un peu la conséquence de ce que je disais au début de cet article : on parle de l’anorexie; on parle de la boulimie.
Mais on ne parle pas de l’hyperphagie.
Pour beaucoup de monde, ça n’existe pas, ça n’est pas un vrai TCA, il suffit de faire attention à ce qu’on bouffe et pis c’est tout.

Entendons-nous, je ne dis pas que les autres troubles alimentaires ne sont jamais minimisés. Mais pour ce qui est de l’hyperphagie, c’est particulièrement massivement nié.
Ca n’existe que pour les personnes qui en souffrent et les médecins qui les soignent. Les médias n’en parlent pour ainsi dire pas, ne la nomment pour ainsi dire pas.
L’anorexie et la boulimie, au moins, c’est représenté dans les médias (souvent mal, souvent de manière caricaturale, mais – au moins – ça a une existence, ça n’est pas un néant total. On peut discuter sur le fait que ça soit mieux ou pire de ne pas exister dans les médias ou d’y exister de manière déformée, je ne pense pas qu’il y ait une réponse absolue, parce que des mauvaises représentations sont pour le moins problématiques aussi…).

Mais en tous cas, ouais, des remarques mettant en doute le fait que mes problèmes alimentaires soient autre chose que « de la gourmandise », « des mauvaises habitudes alimentaires », j’en ai entendu pas mal.
Et quand je vous disais que la honte était assez omniprésente, je peux vous assurer que ça a largement été, si pas induit, au moins empiré, par ce regard là.
Je n’étais pas « malade », n’est ce pas ? J’étais juste une larve incapable de faire attention à ce que je mangeais. J’étais juste trop gourmande. J’étais juste…
Non. C’était pas juste de la gourmandise ou de la malbouffe. C’était une maladie. Pour laquelle je n’avais pas à être jugée, mais dont il s’agissait de m’aider à guérir. C’est pas pareil.

Et je crois que c’est là dessus que j’ai envie de conclure cet article.
Que ça soit à l’attention des personnes aussi atteintes d’hyperphagie, à qui j’ai envie de dire : Non, vous n’avez pas à avoir honte, non vous n’êtes pas des larves faibles et gourmandes. Vous avez une maladie. Qui se soigne.
Et à l’attention des gens autour, pour leur dire : Arrêtez de minimiser, nier l’hyperphagie. Arrêtez de penser que si on a assez honte et qu’on est assez humilié.es, on va pouvoir arrêter de gérer nos émotions sur la bouffe, arrêtez de penser qu’on est des abruti.es incapables de réaliser seul.es qu’ils/elles mangent trop, arrêtez avec vos injonctions à coté de la plaque. Vous n’aidez pas. Au contraire, vous enfoncez le clou ».

[Traduction] Témoignage de Wentworth Miller

[Comme à chaque traduction, je précise : je ne suis pas traductrice professionnelle, et, bien que je me débrouille correctement avec l’anglais, je ne suis pas non plus bilingue. Donc il est possible que je laisse passer des erreurs de traduction, et toute correction de votre part en commentaire sera la bienvenue. Merci]

Le post que je vais traduire est issu de la page FB officielle de Wentworth Miller, acteur américain connu en particulier pour son rôle dans la série Prison Break.

Il a en outre fait son coming out en tant que personne homosexuelle, et révélé avoir tenté de se suicider à cause de l’homophobie quand il était âgé de 15 ans.

—-

Wenthworth Miller
Aujourd’hui, j’ai découvert que je suis le sujet d’un meme sur internet. Ca n’est pas la première fois.

Cela dit, celui ci se démarque des autres.

En 2010, ayant presque arrêté mon métier d’acteur, je faisais profil bas pour plusieurs raisons.

La plus importante : j’étais suicidaire.

C’est un sujet sur lequel, depuis, j’ai écrit, parlé, partagé.

Mais à l’époque, je souffrais en silence. Comme tant de gens le fait. Mon combat était connu de vraiment, vraiment peu de personnes.

Honteux et en souffrance, je me considérais comme une marchandise avariée. Et les voix dans ma tête me poussaient à l’auto-destruction. Ca n’était pas la première fois.

Je combats la dépression depuis que je suis enfant. C’est un combat qui me coute du temps, des opportunités, des relations, et un bon millier de nuits sans sommeil.

En 2010, dans la période la plus difficile de ma vie adulte, je cherchais partout du soulagement/réconfort/distraction. Et je me suis tourné vers la nourriture. Ca aurait pu être n’importe quoi. La drogue. L’alcool. Le sexe. Manger était devenu la seule chose dont je pouvais me réjouir. Sur laquelle je comptais pour tenir le coup. Il y a eu des périodes où le temps fort de ma semaine, c’était un bon repas et un nouvel épisode de Top Chef. Parfois c’était suffisant. Ca DEVAIT être suffisant.

Et j’ai pris du poids. La belle affaire.

Un jour, pendant une balade à Los Angeles avec un ami, on a croisé le chemin d’une équipe de tournage qui tournait une téléréalité. Sans que je le sache, il y a avait des paparazzi dans les parages. Ils m’ont pris en photo, et ont publié les clichés côte à côte avec des images de plus tôt dans ma carrière. « Du bloc au gros tas ». « De sportif à gras ». Etc.

Ma mère avait des « amis » qui sont toujours les premiers à vous amener les mauvaises nouvelles. Ils ont trouvé un de ces articles dans un magazine populaire, et le lui ont envoyé par mail. Elle m’a appelé, inquiète.

En 2010, alors que je combattais pour ma santé mentale, c’était bien la dernière chose dont j’avais besoin.

Pour faire court : j’ai survécu.

Et ces photos aussi.

J’en suis fier.

Maintenant, quand je vois cette photo de moi dans mon t-shirt rouge, un de mes rares sourires sur le visage, ça me rappelle mon combat. Mon endurance et ma persévérance face à toute sorte de démons. Certains intérieurs. D’autres extérieurs.

Comme un pissenlit qui pousse dans une faille du béton, je m’accroche.

Malgré tout. Et toujours.

La première fois que j’ai vu ce meme apparaitre dans mon fil sur les réseaux sociaux, je dois bien admettre que ça m’a fait mal. Mais comme pour tout dans la vie, je dois lui donner un sens. Et le sens que je donne à cette/mon image, c’est la Force. La Guérison. Le Pardon.

Pour moi, et pour les autres.

Si vous, ou quelqu’un que vous connaissez, traversez/traverse ce combat : on peut trouver de l’aide. Tendez la main. Envoyez un SMS. Envoyez un mail. Appelez. Il y a des gens qui tiennent à vous. Ils attendent de vos nouvelles. Affectueusement. – W.M.