Militante contre la psychophobie, j’ai eu l’occasion de cogiter à la notion de psy « safe ».
Si j’ai commencé par être mega enthousiaste à l’idée d’une liste de psy(chologues/chiatres/chothérapeutes) safe (c’est à dire sensibilisés aux diverses formes d’oppression, et attentifs à ne pas les reproduire dans le cadre de leur pratique professionnelle), je suis de plus en plus critique face à une telle démarche, et je vais expliquer pourquoi en début d’article, avant d’essayer d’ébaucher quelques « conseils de survie en milieu hostile » destinés aux personnes en recherche d’un psy.

Donc… La liste de psys safes, pourquoi je pense que c’est peut-être pas une si bonne idée que ça ?
Commençons par décortiquer un peu le principe d’une telle liste :
Des personnes concernées soumettent le nom de leur psy, si iels estiment que leur psy est safe concernant les diverses oppressions auxquelles nous pouvons être confronté.es.
C’est ça l’idée de base.
Il y a quelques temps, j’avais envoyé le nom de mon psychiatre à la personne constituant cette liste. D’ailleurs, pour la petite histoire, il n’y a jamais été ajouté, et avec le recul, ma foi, c’est peut-être pas une mauvaise chose, vu qu’entre temps j’ai pris un recul critique face à une telle liste.
J’avais mentionné ce psy, que je pensais sincèrement avoir sa place sur la liste.
Quelques séances plus tard, alors que j’évoquais avec lui une amie qui se trouve être trans (non pas que je parle spécialement des situations de mes ami.es avec mon psy, hein, c’est mon suivi, pas leur thérapie… Mais là il se trouve que le fait de connaitre cet aspect était utile à la compréhension de ma relation avec cette amie, donc je l’ai mentionné).
Le psy la mégenre à plusieurs reprises dans la discussion qui s’en suit.
Oups.
Peut-être pas si safe que ça, le psy, du moins, pas safe au sens que l’entendent les militant.es (parce que dans les faits, il s’est corrigé à chaque fois sans résistance et sans se justifier, quand je lui ai fait remarquer son erreur. Mais ouais, ça dénotait en tous cas du fait qu’il n’était pas si sensibilisé que ça à la question, et qu’il aurait donc pu être – involontairement – blessant envers une personne trans par manque de connaissance du sujet.).
Est-ce que pour autant ça en fait un mauvais psy ?
Pas à mes yeux, mais je comprends totalement que la réponse puisse être différente pour quelqu’un d’autre.
Est-ce qu’il est possible qu’un.e psy soit sensibilisé.e à toutes les formes d’oppression, et donc forcément apte à ne JAMAIS avoir de discours oppressif ? Sincèrement je n’y crois pas. Pas plus que je ne crois en la possibilité de QUI QUE CE SOIT de ne jamais avoir de discours oppressif, d’ailleurs.
Du coup, vu que je pense (pour la raison que je viens d’expliquer) qu’aucun.e des psy de la liste n’est / ne sera COMPLETEMENT safe, je ne suis pas sure que cette liste n’ait pas un coté un peu dangereux, en fait.
Parce que je pense que c’est super mega sain et important d’arriver sur ses gardes chez un.e psy, en début de suivi.
D’arriver avec un détecteur à emmerdes bien allumé, et de se préparer à réagir en cas d’emmerdes. Et de se donner le droit de réagir, aussi.
Notre société sur-valorise les blouses blanches (et apparentés), et donne finalement assez peu le droit aux gens de se dire « Non mais c’est mort, je n’ai pas confiance en ce mec / cette meuf, je vais aller voir ailleurs si j’y suis parce que là ça va pas le faire ! ».
La légitimité conférée par le diplôme (de psychologue, de psychiatre, de médecin) donne un statut particulier à ces gens. Un statut qui fait que quand ça ne colle pas, on a tendance à se dire que c’est NOUS qui sommes dans le faux, et que c’est à nous de faire des efforts pour que ça marche.
Alors que non.
Du moins, c’est pas plus à nous qu’à eux.
Une relation thérapeutique, c’est avant tout une relation.
Et comme dans toute relation, il faut garder en tête que les merdages peuvent venir d’un coté comme de l’autre, voire des deux cotés à la fois, et que c’est pas forcément le.a patient.e qui est dans l’erreur si ça ne colle pas.
Et la société – psychophobe, comme il se doit – n’aide pas, vu qu’elle a tendance à voir la vision que peuvent avoir les malades psy comme étant FORCEMENT fausse.
Si une personne dit « J’ai laché mon suivi psy parce que ça ne collait vraiment pas avec le.e psy », il va toujours y avoir des gens pour dire que cette personne « ne fait pas d’efforts, ne veux pas aller mieux, se cherche des excuses », ou pour mettre ce manque de confiance en le.a psy sur le dos des troubles psy de la personne… et en tous cas pas sur un éventuel problème venant du psy.
Or, le fait que le.a psy soit justement sur une liste réputée « safe », j’ai de plus en plus l’impression que ça ne fait qu’en rajouter une petite couche à cette sur-légitimité.
Non seulement iel a un diplôme, mais en plus, iel a sur le front un grand tampon « Approuvé.e par le milieu militant ».
Et j’ai l’impression que ça ne rend que plus difficile le fait de pouvoir se dire « Non mais c’est mort, je vais aller voir ailleurs si j’y suis, parce qu’avec ce.tt.e psy, ca va pas le faire ».
Alors plutôt que d’aborder ça sous l’angle d’une liste de psy safe, j’ai envie d’aborder les choses sous l’angle d’un guide de survie en milieu hostile pour la personne en recherche de psy.
La liste de « conseils » si dessous n’est pas exhaustive, hein. C’est un débrousaillage du sujet à travers mes yeux à moi, mais… Là encore, pas tout le monde a les mêmes besoins, et je ne pense pas du tout pouvoir transposer mon expérience à TOUTES les personnes concernées par les troubles psy. Donc… sentez vous absolument libre d’ajouter d’autres points à votre check-list personnelle, ou d’imprimer ma liste pour allumer votre feu de cheminée avec le papier si elle ne vous parle pas. Ou de l’utiliser. As you want.
1 ) Avant même de foutre le pied dans un cabinet quelconque, avoir une liste aussi claire que possible à vos yeux de besoins vis à vis de la thérapie et/ou du/de la thérapeute.
L’avoir en tête, ou l’avoir écrite, peut importe, comme vous le sentez.
Mais savoir ce que vous recherchez et/ou savoir ce que vous ne voulez surtout pas.
Un.e psy qui parle beaucoup et vous questionne, ou un.e psy qui est plus dans l’écoute pendant que vous vider votre sac ?
Un.e psy qui prend beaucoup de gants avec vous, ou un.e psy qui va vous secouer un peu ?
Un.e psy qui va vous donner un diagnostic et vous l’expliquer, ou un.e psy qui ne va surtout pas le faire ?
Un.e psy qui va vous prescrire des médicaments, ou un.e psy qui ne va surtout pas le faire ?
Un.e psy qui va vous hospitaliser pour vous mettre à l’abri si besoin, ou un.e psy qui va tout faire pour ne pas en arriver à l’hospitalisation ?
Tous les critères sont légitimes, vu que ce sont VOS critères et que c’est VOTRE suivi.
Et les critères ont le droit d’être aussi subjectifs que vous le voulez.
Et peut-être même si ces critères ne sont pas très « safe ».
Personnellement, pour une raison que je ne cerne pas complètement, j’ai pu remarquer que je suis généralement plus à l’aise avec les médecins et/ou psy de genre masculin.
Pour surement plein de raisons qui m’échappent un peu. La seule que j’ai réussi à conscientiser, c’est ma sensibilité aux voix aigües. Si une personne à une voix trop aigue – au goût de mes oreilles – au bout d’un moment ça me tend si je dois me concentrer sur ce qu’iel dit pendant une longue période d’affilée.
Et, désolée – ou pas. Plutôt pas en fait – je privilégie ma santé mentale au safe. Et le fait est que du coup oui, je privilégie un suivi avec un homme.
(Par contre, ça ne me dispense pas du respect élémentaire. Et si je me retrouvais dans une recherche de psy face à UNE psychologue, ça ne me donnerait en aucun cas le droit de lui claquer dans la face une quelconque remarque sexiste pour justifier mon choix, hein. J’ai le droit de lui dire « Je préfère ne pas continuer avec vous, ça ne colle pas »… Mais pas d’être humiliante. Cela va je crois sans dire, mais… C’est toujours mieux en le disant).
N’hésitez pas à questionner le.a psy sur les aspects qui sont importants pour vous en début de suivi. A lui demander comment iel bosse. Si iel est facilement joignable ou pas. Si iel va être OK que vous utilisiez l’écrit si besoin pour évoquer certains aspects ou pas. Si iel va vous questionner ou vous laisser formuler les choses par vous-même. Si iel va vous imposer des médicaments ou pas. Si… ‘fin tout ce qui est important pour vous. VRAIMENT. Vous avez le droit. C’est votre suivi, et le.a psy vous fourni un service, pour lequel iel est rémunéré.
Donc vous avez PARFAITEMENT LE DROIT de vouloir vous assurer qu’il va vous fournir un service qui corresponde à vos besoin et à vos attentes.
Vous n’êtes pas « capricieux.se ».
Vous n’êtes pas « trop exigeant.e ».
Vous n’êtes pas « de mauvaise volonté ».
C’est votre santé et vous avez parfaitement le droit de vouloir ce qui va être le meilleur pour vous-même.
2) Avoir l’aspect financier en tête, et le mettre sur le tapis clairement dès le début
Une thérapie, ça peut couter un bras.
Je ne vais pas aller plus avant dans les détails d’histoires de remboursement, de gratuité, toussa, vu que j’ai des lecteurs.trices dans pas mal de pays différents, et que les conditions de remboursement et tout ça sont très différentes d’un pays à l’autre.
Mais en tous cas, gardez en tête que ça va possiblement vous couter du fric, et que c’est important que ça ne vous foute pas dans la merde (Ou alors, que vous êtes OK pour que ça vous foute dans la merde financièrement parce que votre santé est prioritaire et fuck les éventuelles dettes. C’est un choix légitime aussi, hein. C’est un choix que j’ai fait par moments, d’ailleurs. Mais c’est un choix dont il faut être conscient.e, parce que si se prend les emmerdes financières sur le coin du crâne par surprise, ça peut être sacrément source d’angoisse… Et c’est DEFINITIVEMENT pas le but d’un suivi psy !).
Du coup, évoquer clairement avec le psy vos questions sur l’aspect financier du truc, ça peut être vraiment important, pour ne pas avoir de surprises déplaisantes, voire douloureuses, voire carrément dangereuses pour votre équilibre.
3) Vous écouter
Si pour x raison vous êtes mal à l’aise dans votre suivi, c’est un signal important, à écouter.
Vous seul.e pouvez avoir en vous la réponse de savoir si ce malaise vient du fait que le suivi a abordé un point qui est important et délicat pour vous et que du coup ça vous titille et vous sort de votre zone de confort, mais que c’est quand même utile à vos yeux de continuer sur cette voie-là parce que c’est un abcès qui doit être percé et que même si ça fait mal et peur sur le moment, ça vous aidera sur le long temps… Ou si le malaise vient de l’attitude de votre thérapeute.
VOUS SEUL.E.
Vraiment !
Et si le malaise – que vous arriviez à comprendre d’où il vient précisément ou pas – vous incite à stopper ce suivi, c’est LEGITIME.
Vous avez même le droit de vous barrer au beau milieu d’une séance, si c’est ce que votre instinct de survie vous commande de faire.
Et coup de latte à toute personne qui essayera de vous dire le contraire.
Et double coup de latte si ladite personne est justement le.a psy.
4) Un.e psy qui minimise et refuse de se remettre en question si vous l’interpelez sur un truc qui vous dérange, ça pue du bec.
Aucun.e psy n’est infaillible (c’est d’ailleurs pour ça que j’ai des doutes sur une liste de psy safe, comme expliqué plus haut).
Chaque psy peut avoir sans le vouloir une attitude oppressive, chaque psy peut vous blesser, chaque psy peut vous donner une réponse qui ne vous parlera absolument pas et sera déconnectée de votre réalité.
C’est pas FORCEMENT un drame dans l’absolu (mais si ça vous met trop mal à l’aise pour que vous ayez envie d’aller plus loin et de tenter de faire réagir votre psy sur le sujet, c’est votre droit, aussi, hein !).
Par contre, ce qui pue nettement plus du bec, c’est un psy qui s’accroche à ses positions comme une moule à son rocher, et qui balaie votre remarque d’un revers de main.
Abuser de sa position hiérarchiquement privilégiée dans la relation, vous renvoyer à un statut de « personne qui ne sait rien », de « subordonné », c’est carrément craignos comme attitude. Et vous avez parfaitement le droit d’envoyer bouler le.adit.e psy, et de vous barrer en claquant la porte. Vraiment.
Le fait d’avoir un trouble psy / une neuroatypie ne fait EN RIEN de vous quelqu’un d’inapte à savoir quoi que ce soit et qui doit se soumettre aveuglément à l’avis et à l’autorité magique de votre psy.
5) Les médics : ton corps, tes choix.
Un psy qui veut vous forcer à prendre des médics, qui met ça comme condition pour continuer le suivi, qui insiste, qui vous force la main : ca pue.
A l’inverse, si vous êtes en demande d’avoir des médicaments parce que vous sentez que vous avez besoin de cette béquille, et que votre psy refuse d’entrer en matière : ca pue aussi.
Et aussi, point important que m’a fait remarquer Lin dans les commentaires et que je trouve important d’ajouter :
Un psychiatre se DOIT de vous expliquer – et de répondre à vos questions – sur le traitement médicamenteux qu’il propose. Sa durée, ses effets, ses effets secondaires, le temps avant que ça fasse effet, pourquoi telle molécule et pas telle autre…
Un psy qui vous balance un traitement sans vous en expliquer pleinement les tenants et aboutissants, c’est casse gueule (sauf si VOUS souhaitez ne pas en savoir plus là dessus, ce qui est un choix aussi et respectable aussi : une amie m’a dit ne SURTOUT pas vouloir savoir les effets secondaires possibles de son traitement, parce que ça rajoutait à son angoisse, par exemple).
Ton corps, tes choix, ca vaut aussi pour les molécules que tu y fais ou n’y fais pas entrer !
—-
Voilà.
Pour moi, c’est les quelques points auxquels il me parait vraiment important de porter attention lors du choix d’un psy.
Encore une fois : la liste n’est pas exhaustive.
Faites au mieux pour vous.
VRAIMENT pour vous !
C’est vous et vos besoins qui êtes au centre de votre suivi psy.
Pas votre psy ni ses besoins !
(Sur le même thème, un autre article écrit par une personne concernée pourra aussi vous intéresser : « Thérapies ou pas ? »)