Pourquoi je milite pour le mariage pour tou.te.s alors que je ne veux pas me marier

C’est une discussion hier autour d’une bonne bouffe avec un ami qui m’a donné l’idée de cet article.

A l’heure où les discussions concernant l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels en Suisse viennent sur le tapis politique, il m’a demandé pourquoi je trouvais ça si important, alors qu’il sait que je suis résolument déterminée à NE PAS me marier et NE PAS avoir d’enfants.

Cette discussion, ça n’est pas la première fois que je l’ai, et je pense qu’elle vaut la peine d’être développée un petit peu ici.
Parce que c’est quand même un questionnement qui revient souvent :

Dans notre société, on se marie de moins en moins.
Alors après tout, pourquoi faire tout un plat de l’ouverture aux personnes homosexuelles d’un droit que de moins en moins de monde met en application ?

J’ai même vu des discussions féministes tourner autour de « le mariage homo renforce le patriarcat parce que le mariage est une institution patriarcale et qu’il ne faudrait pas militer pour le mariage pour tous, mais par contre, militer contre le mariage de manière globale ».

Alors quoi : le mariage homo, progrès social ou régression ?

Bon. Le titre de cet article annonce la couleur : à mes yeux c’est un progrès carrément important, et carrément nécessaire, aussi.

Notre société, même si de moins en moins de gens se marient, accorde toujours une grosse valeur symbolique au mariage.
Se marier, c’est « officialiser son amour ».
Ca, c’est pour le petit coté « coeur coeur fleurs et paillettes ».

Et je veux avoir le choix.
Même si dans ma tête il est fait, hein, le choix.
Mais actuellement, le fait est que si je suis en couple avec une femme, je ne l’ai pas, ce choix.
Je ne peux pas me positionner personnellement contre le fait de me marier, vu que la question ne se pose même pas.

Et bon. Il parait que je ne suis pas le nombril du monde, hein.
Je connais pas mal de personnes homosexuelles qui VOUDRAIENT pouvoir se marier.
Qui, pour des raisons qui leur appartiennent, ont ENVIE de pouvoir officialiser ainsi leur union.

Je peux même envisager une situation où je VOUDRAIS pouvoir me marier :
Si je devais être en couple avec une personne qui n’est pas de nationalité Suisse, et que le fait d’être mariée avec moi lui permette de vivre de manière moins précaire en Suisse (obtention d’un permis de séjour et de travail, accès aux aides sociales si besoin, ce genre de trucs là), alors oui, je le ferais. Non pas pour le mariage en soi, hein, mais pour que cette personne puisse vivre convenablement en Suisse.
Mon regard personnel sur le mariage c’est une chose, mais si c’est à mettre en balance avec la qualité de vie d’une personne que j’aime, je veux bien me fendre d’une signature sur un bout de papier, hein.

(Vous me direz, il y a déjà un partenariat enregistré pour ce genre de situation. C’est pas faux, hein, mais j’ai un peu une dent contre cette solution, parce que vu qu’il est ouvert aux seuls couples homosexuels, c’est de l’outing forcé caractérisé : la seule vue de l’état civil d’une personne en partenariat enregistré permet de savoir qu’elle n’est pas hétéro. J’ai d’ailleurs développé ce truc là dans un ancien article)

Donc oui. Je pense qu’il est important d’ouvrir cette notion de CHOIX. Cette notion de POSSIBILITE.
Se marier ou pas, avoir des enfants ou pas, ça devrait être un choix, pas une interdiction qui t’est posée en fonction de ton orientation sexuelle.
On est en 2016 nom d’un chien, il serait temps que la société reconnaisse pleinement que la valeur de l’amour que deux personnes se portent n’est pas conditionnée par le fait que ces personnes soient ou non hétérosexuelles !
Même chose pour leur capacité à être des parents aimants, aptes à accompagner un enfant dans son chemin de vie, tout ça tout ça.

Concernant le débat sur « OMG est-ce que ça renforce le patriarcat ? », j’ai envie de dire que c’est un faux débat.
Ou que c’est un débat d’hétéros qui se regardent le nombril (oui, cet argument m’avait mis très en colère quand je l’ai vu passer… ça se voit un peu ?).

D’une part, parce que d’ici à ce qu’on arrive à faire totalement évoluer la société vers un modèle non-patriarcal, au risque de paraitre pessimiste, il y a encore quelques années (doux euphémisme) de lutte devant nous.
Et en attendant, on fait quoi, si on n’est pas hétéro ?
On crève la gueule ouverte ?
On voit notre conjoint.e se faire renvoyer de Suisse faute d’officialisation du couple, s’il se trouve qu’iel n’est pas Suisse ?
On accepte d’avoir moins de droits que les autres « mais c’est pas grave c’est pour la cause » ?
Bullshit, sérieusement.
C’est bien beau, de viser loin. Il FAUT viser loin, et OUI, notre société patriarcale et capitaliste DOIT se casser la gueule et être reconstruite autrement. On est d’accord.
Mais la société, c’est AUSSI les humains qui la composent, et construire le changement en piétinant la gueule des personnes qui sont déjà les plus précarisées et les plus mises à l’écart, c’est quand même sacrément puant.

Qui plus est, introduire la notion d’homosexualité dans une norme socialement admise, officiellement reconnue, c’est DEJA fragiliser un modèle de société patriarcale, hein. C’est déjà remettre des choses en question.
Alors la petite accusation de trahison à la cause féministe, elle n’a juste pas lieu d’être.
Gardez votre brevet de « bonne féministe », j’en veux pas, je me débrouille pour rédiger le mien moi-même, merci beaucoup !

Pour toutes ces raisons, OUI, je milite pour l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homos. Partout, mais en particulier en Suisse, où je vis, vu qu’on a un sérieux train de retard sur le sujet…

mariage homo

Gros.se : qui dépasse la moyenne de sa catégorie en volume, en épaisseur

Je suis grosse.
Mon poids est supérieur au poids moyen des autres individus humanoïdes peuplant cette planète (pour les autres planètes, je ne sais pas, je ne suis pas allée vérifier).

C’est un fait.
C’est une réalité de dire que j’occupe plus d’espace, relativement à une personne moins grosse.

Et j’ai envie que ça soit un simple fait.
Pas un truc qu’il s’agit d’évacuer sous des périphrases embarrassées (« Je suis ronde », « je suis en surpoids », « je suis forte »). Juste un fait. Neutre.

Si je dois me décrire à un.e inconnu.e que je devrais retrouver dans une gare bondée, je voudrais pouvoir dire :
« J’ai les cheveux frisés assez longs, je suis assez grande, je suis grosse, et je porte généralement un pull à capuche et un jeans ».
Et que chacune de ces informations ait exactement la même valeur informative, factuelle, sans qu’un ou l’autre de ces paramètres ne donne lieu à une évaluation de la valeur de ma personne.

Alors je le dis : « Je suis grosse ».
Je l’affirme, je le martèle.
JE-SUIS-GROSSE.
Non pas par « fierté » de l’être (il n’y a pas de fierté à en avoir. Ni de honte. C’est un paramètre décrivant mon aspect physique. Rien de plus. Rien de moins).
Non pas par provocation.
Mais par besoin de faire entrer dans des cerveaux au raisonnement déformé par la grossophobie le vrai sens de ce mot : « qui dépasse la moyenne de sa catégorie en volume, en épaisseur« .
Et de le débarrasser chaque jour un peu plus de son impact de jugement, d’évaluation de la valeur que peut avoir ma personne, ou la personne des autres gros.ses.

A coté de ça, je vois des camarades de lutte contre la grossophobie traquer le mot « gros » dans toute forme d’expression.
Il ne faudrait pas dire « Un gros emmerdeur » (le terme « gros » se rapportant ici non pas au physique, mais à la taille de l’emmerditude de la personne), pour ne pas véhiculer de sens négatif autour du mot « gros ».
Je vois bien l’idée, hein, je peux comprendre la logique…
Mais elle me fait tiquer, néanmoins.
Si on veut que le mot « gros » retrouve un sens « neutre »… Alors il doit pouvoir être accolé aussi bien à quelque chose de positif (« un gros câlin », « un gros coup de coeur ») qu’à quelque chose de neutre (« un gros coussin », « un gros tas de feuilles mortes ») qu’à quelque chose de négatif (« un gros emmerdeur », « un gros coup tordu »).
Le mot gros doit absolument redevenir un truc qui qualifie un volume (soit physique, soit métaphorique, comme dans le cas du « gros emmerdeur », du « gros câlin », du « gros coup tordu » ou du « gros coup de coeur »). Et plus un qualificatif sur la valeur de… quoi que ce soit.

Et pour arriver à cette « dé-moralisation », j’ai tendance à dire qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et que si on commence à le faire, à l’affirmer, à l’expliquer, à le démontrer, à le marteler… On peut amener à un changement.
Oh, je suis réaliste, le changement ne se fera pas en deux jours et trois coups de baguette magique (si quelqu’un dispose d’une telle baguette magique, toutefois, sachez que je suis disposée à vous l’emprunter. Y a quelques trucs sur notre planète et dans notre société qui auraient bien besoin d’un bon « ABRACADABRA » bien senti !.. Non ? Personne ? Dommage…).
Mais je crois qu’on peut tou.te.s être vecteur.trices de ce changement. Pas à pas.

Et je ne crois pas qu’on puisse amener à retirer cette valeur de jugement au mot « gros.se » si on se drape dans des périphrases embarrassées pour éviter de le dire, qu’on le remplace par « rond.e », qu’on évite de parler d’un « gros emmerdeur », qu’on évite absolument de parler du volume des corps et des choses, et qu’on s’empêtre les pieds dans un filet d’expressions alambiquées.

A l’inverse des insultes basées, par exemples, sur des diagnostics médicaux (« Mongolien », « Fou », « Débile »), le mot gros n’avait à la base aucune connotation, aucun sens spécifique autre que celui d’indiquer un volume important ou une épaisseur importante.
S’agissant de redonner son sens de base à ce mot, il s’agit donc non pas de lui redonner un sens spécifique (comme quand on revendique que les diagnostics médicaux ne soient pas utilisés comme insultes), mais bien de banaliser et « dé-moraliser » son usage.
C’est un indicateur de volume. Rien de plus. Rien de moins.

Et moi, j’ai un volume important.
Ca n’est ni bien ni mal.
C’est.

Alors ouais.
Je suis GROSSE.

… Tout comme ce pigeon.

gros pigeon

Des fois, les merdes psy, c’est aussi les cris et les poings dans les murs ou la gueule

(Je vous préviens d’emblée : cet article est tout sauf « safe ». Il touche à un aspect de ma réalité qui brûle, qui crame. Et non, dans cet article, je n’arrive pas à faire des tournures de phrases « safe ». Y aura des jurons pas safe du tout, y aura des descriptions assez claires d’automutilation, y aura du bousin pas très glamour. Et je refuse de censurer ça aux règles du safe. Si vous ne sentez pas de le lire, le lisez pas, mais venez pas après me râler dessus parce que j’ai dit un mot qui n’est pas dans le lexique du/de la parfait.e militant.e. Vraiment).

Je prends un risque en écrivant cet article.
Le risque de faire peur, le risque d’être vue comme la personne dangereuse à éviter.

fou

Mais je crois qu’il faut que je le fasse.
Parce qu’une partie complète de la réalité des troubles psy et de la neuroatypie est complètement occultée de la lutte contre la psychophobie, et que ça pue sévèrement des pieds, à la longue.

J’ai déjà évoqué il y a pas mal de temps le fait que je suis plus ou moins diagnostiquée borderline. Je dis « plus ou moins », dans le sens où j’ai un psy qui travaille peu avec les diagnostics, ou plutôt qui s’en sert à leur juste valeur comme des repaires et des indications, mais sans leur donner une valeur absolue et figée.
En prime, je suis diagnostiquée avec un THADA (trouble hyperactif avec déficit d’attention), ce qui n’est pas exactement connu pour aider à maitriser son impulsivité.

Il y a pas mal de temps que je vais plutôt bien, que j’ai appris à cohabiter avec ces aspects de moi de manière relativement pacifique, que j’ai appris à me construire des stratégies et des manières de faire face quand ça devient compliqué, et que je ne pars plus trop en vrille, du moins pas de manière cataclysmique comme ça pouvait être le cas par le passé.

Mais mon passé, il comprend de la violence. MA violence.
Et cet aspect, ces crises qui font – honnêtement – flipper, c’est un truc qu’on balaie un peu vite sous le tapis quand on parle de lutte contre la psychophobie.

On déstigmatise l’impossibilité d’agir liée à la dépression, on déstigmatise les angoisses qui échappent au rationnel et qui paralysent, on déstigmatise les difficultés à s’exprimer et à s’affirmer.

Mais à l’autre bout de la chaine, les gens qui explosent, qui hurlent, qui gueulent, qui frappent, qui démolissent le mobilier de leur appart’… On évite soigneusement de trop en parler.

Oh, croyez pas, je vois bien la logique hein : oui, le cliché du « fou dangereux qui va commettre des meurtres », il a la dent dure, et oui, c’est important de rappeler, encore et encore, que statistiquement, les personnes avec des troubles psychiques ne sont pas plus dangereux que les autres.
Evidemment que c’est important.

Mais par contre, si pour se faire on balaie sous le tapis une partie des personnes concernées, parce qu’elles font un peu moche dans le paysage, on est un peu des salopards. Parce que cette réalité, elle EXISTE, aussi dérangeante soit-elle.

Et évidemment, il est plus difficile de témoigner de ça.
Je vais être honnête : je suis pas mal flippée d’écrire cet article, et je ne sais pas encore, à cet instant précis, si je vais oser le publier, une fois terminé.
Mais je crois que puisque j’ai le relatif privilège de pouvoir maintenant en parler au plus ou moins passé, je me dois de le faire. D’essayer. De donner une voix à cette réalité que beaucoup de monde préfèrerait ne pas voir, et passer sous silence.

Alors je vais vous parler de ce passé.
D’avant que j’apprenne à dompter la bête.

Essayez d’imaginer.
Vous êtes dans une situation difficile, stressante, angoissante.
Par exemple une situation de conflit où vous sentez qu’on risque de vous abandonner, de vous lâcher.

Vous ne sentez pas l’angoisse « comme on la décrit dans les films ». Vous ne vous mettez pas à hyperventiler ou à avoir les jambes qui tramblottent. Non.

A la place, vous avez l’impression que votre corps s’éclate en mille morceaux. Et que chacun de ces morceaux est un fragment de lave qui vous brule jusque dans les tripes.
Parce que globalement, c’est l’image la plus approchante que j’arrive à trouver pour décrire ce que je pouvais ressentir.

Est-ce que ça vous inspire une réaction « passive », comme sensation ?
Ou est-ce que ça vous fait ressentir le besoin de hurler, de bouger, de vous agiter dans tous les sens de manière complètement bordélique pour essayer d’éteindre cet incendie qui crame vos tripes ?

En tous cas, je peux vous dire que pour moi, clairement, c’était pas l’immobilité et le roulage en boule qui étaient de mise.
Vraiment pas.
C’était hurler. C’était gueuler à m’en faire péter les cordes vocales. Sur tout et sur tout le monde. Sur tout ce qui passait dans mon champ de vision et de pensées. C’était cracher ma rage et ma douleur à la gueule du monde.
C’était des fois exploser de rage pour un détail apparemment insignifiant et pourrir littéralement la gueule de quelqu’un qui n’était au fond pour pas grand chose dans mon état.
C’était un magma de haine et de colère et de douleur et de peur à l’état purement animal. Plus de raisonnement, erreur 404 cerveau introuvable.
C’était fracasser mon poing dans les murs ou dans ma gueule, ou dans les meubles (qui des fois ne s’en sortaient pas intacts).
C’était un besoin irrépressible d’avoir mal physiquement, concrètement, pour contrecarrer cet incendie à l’intérieur.
C’était du gore, un peu, des lames qui tranchent la peau et ce qu’il y a en dessous, du sang qui coule. Le mien, hein. Non, je n’ai égorgé personne.
C’était aussi le BESOIN de pouvoir le faire.
Et donc toute personne qui essayait de m’en empêcher, de me retenir physiquement était CLAIREMENT à risque de se manger un coup. Et c’est arrivé, hein. Soyons clairs. Ca n’est pas resté qu’un risque potentiel. Non. C’est arrivé. Adolescente, c’est même arrivé souvent. J’en suis plusieurs fois venue aux mains avec ma mère, en particulier.
Non pas forcément que je veuille lui faire du mal, mais parce que c’était inconcevable qu’on m’empêche d’éteindre l’incendie avec les moyens du bord, et qu’on me force à continuer de cramer vive de l’intérieur et « d’attendre que ça passe ». Exclu. Pas question. Laissez moi faire taire cette putain de douleur, vous comprenez pas que sinon je vais crever ?

Souvent, dans ces crises, je me « voyais agir ».
Comme si mon corps agissait un peu tout seul, ou comme si mon cerveau était coupé en deux.
Y avait la Lau’ en crise, qui bousillait tout autour d’elle.
Et une Lau’ déconnectée de la crise, qui regardait le carnage et qui ne pouvait pas agir pour empêcher la crise.
Et ça faisait peur, bordel. Tellement peur.

Y a des relations qui n’ont pas survécu à ça. Pas mal de relations. Je peux difficilement blâmer les gens qui se sont protégé de ce gros bordel à l’intérieur de moi qui débordait de moi comme on gerberait pour se débarrasser d’un poison qui nous tue.

Mais ce merdier, ça a été ma réalité pendant des années.
Et putain que j’en ai chié.
J’ai eu peur de moi-même tellement souvent que je serais incapable de les compter.
Je me suis haïe d’avoir blessé des gens tellement souvent que ça avait nourri une espèce de pensée récurrent, obsédante, qui s’approchait d’un délire tellement je n’avais aucun contrôle sur elle et que je DEVAIS y céder : « Si je me fais assez mal à moi-même, j’effacerai le mal que j’ai fait aux autres et ça réparera les relations ». C’était complètement irrationnel, c’était mes tripes qui me le gueulaient, y avait rien de calculé et de maitrisé. Alors je me cognais, je me coupais. Pour réparer. Pour nettoyer.

Avec le temps, j’ai appris à dompter cette bête en moi.
J’ai appris à lui filer à bouffer avant qu’elle explose.
J’ai appris à m’occuper d’elle avant qu’elle ne sorte de sa cage.

Mais cette bête, elle vit toujours quelque part en moi.
Et je sais, pertinemment, que je ne suis pas à l’abri de la voir ressortir de sa cage.

Si j’ai décidé de mettre tout ça par écrit aujourd’hui, c’est pas forcément pour le fun de raconter ma vie.
A vrai dire, c’est vraiment pas fun d’avoir à raconter ça, c’est vraiment pas fun d’avoir à aller brasser dans ces souvenirs.
C’est même carrément flippant de me dire que je fixe ça par écrit, parce que les écrits restent, et qu’on pourra allègrement se servir de ça contre moi si on veut me nuire.

Non.

J’ai décidé de témoigner, déjà pour dire que même quand c’est le gros bordel, ça veut pas dire que tout est paumé, que c’est game over. J’ai pu reprendre le contrôle de ma vie, du moins sur cet aspect de la violence. J’ai pu apprendre à cohabiter avec la bête.
Donc ouais, si vous êtes dans ce genre de situation, c’est possible de refoutre la tête hors de l’eau (ou du tas de merde. L’eau, c’est un peu trop clean pour définir ce genre de situation, je crois !). Ca veut pas dire que c’est foutu d’avance. Ca veut pas dire que vous êtes trop cramé.es pour vous en sortir.

Et j’ai décidé de témoigner, aussi, à l’attention de mes compagne.on.s de lutte contre la psychophobie.
Parce que j’en ai un peu marre de constater qu’on évite soigneusement de parler de ce genre de situation.
Pour ne pas « nuire à l’image des personnes avec des troubles psy ». Pour ne pas « faire peur ». Pour ne pas « aller dans le sens des idées reçues ».

Et que donc, on laisse au bord du chemin pas mal de gens.
Lutter contre la psychophobie, c’est aussi déconstruire l’idée qu’il faut être un.e fou.folle bien sage et bien discret.e pour avoir le droit de revendiquer des soins dignes, pour avoir le droit de revendiquer une place à part entière dans la société, pour avoir le droit de demander un minimum de respect, pour avoir le droit d’être écouté.e.

Parfois, les fou.folle.s gueulent, hurlent et ne sont pas glamour.
Ouais.
Mais on n’en est pas moins des humain.es à part entière.
Et pas des éléments dérangeants du paysage à évacuer sous le tapis.

Comment choisir son psy sans y laisser des plumes ?

Militante contre la psychophobie, j’ai eu l’occasion de cogiter à la notion de psy « safe ».

Si j’ai commencé par être mega enthousiaste à l’idée d’une liste de psy(chologues/chiatres/chothérapeutes) safe (c’est à dire sensibilisés aux diverses formes d’oppression, et attentifs à ne pas les reproduire dans le cadre de leur pratique professionnelle), je suis de plus en plus critique face à une telle démarche, et je vais expliquer pourquoi en début d’article, avant d’essayer d’ébaucher quelques « conseils de survie en milieu hostile » destinés aux personnes en recherche d’un psy.

choix d'un psy

Donc… La liste de psys safes, pourquoi je pense que c’est peut-être pas une si bonne idée que ça ?

Commençons par décortiquer un peu le principe d’une telle liste :

Des personnes concernées soumettent le nom de leur psy, si iels estiment que leur psy est safe concernant les diverses oppressions auxquelles nous pouvons être confronté.es.

C’est ça l’idée de base.

Il y a quelques temps, j’avais envoyé le nom de mon psychiatre à la personne constituant cette liste. D’ailleurs, pour la petite histoire, il n’y a jamais été ajouté, et avec le recul, ma foi, c’est peut-être pas une mauvaise chose, vu qu’entre temps j’ai pris un recul critique face à une telle liste.

J’avais mentionné ce psy, que je pensais sincèrement avoir sa place sur la liste.

Quelques séances plus tard, alors que j’évoquais avec lui une amie qui se trouve être trans (non pas que je parle spécialement des situations de mes ami.es avec mon psy, hein, c’est mon suivi, pas leur thérapie… Mais là il se trouve que le fait de connaitre cet aspect était utile à la compréhension de ma relation avec cette amie, donc je l’ai mentionné).
Le psy la mégenre à plusieurs reprises dans la discussion qui s’en suit.
Oups.
Peut-être pas si safe que ça, le psy, du moins, pas safe au sens que l’entendent les militant.es (parce que dans les faits, il s’est corrigé à chaque fois sans résistance et sans se justifier, quand je lui ai fait remarquer son erreur. Mais ouais, ça dénotait en tous cas du fait qu’il n’était pas si sensibilisé que ça à la question, et qu’il aurait donc pu être – involontairement – blessant envers une personne trans par manque de connaissance du sujet.).

Est-ce que pour autant ça en fait un mauvais psy ?

Pas à mes yeux, mais je comprends totalement que la réponse puisse être différente pour quelqu’un d’autre.

Est-ce qu’il est possible qu’un.e psy soit sensibilisé.e à toutes les formes d’oppression, et donc forcément apte à ne JAMAIS avoir de discours oppressif ? Sincèrement je n’y crois pas. Pas plus que je ne crois en la possibilité de QUI QUE CE SOIT de ne jamais avoir de discours oppressif, d’ailleurs.

Du coup, vu que je pense (pour la raison que je viens d’expliquer) qu’aucun.e des psy de la liste n’est / ne sera COMPLETEMENT safe, je ne suis pas sure que cette liste n’ait pas un coté un peu dangereux, en fait.

Parce que je pense que c’est super mega sain et important d’arriver sur ses gardes chez un.e psy, en début de suivi.
D’arriver avec un détecteur à emmerdes bien allumé, et de se préparer à réagir en cas d’emmerdes. Et de se donner le droit de réagir, aussi.

Notre société sur-valorise les blouses blanches (et apparentés), et donne finalement assez peu le droit aux gens de se dire « Non mais c’est mort, je n’ai pas confiance en ce mec / cette meuf, je vais aller voir ailleurs si j’y suis parce que là ça va pas le faire ! ».

La légitimité conférée par le diplôme (de psychologue, de psychiatre, de médecin) donne un statut particulier à ces gens. Un statut qui fait que quand ça ne colle pas, on a tendance à se dire que c’est NOUS qui sommes dans le faux, et que c’est à nous de faire des efforts pour que ça marche.
Alors que non.
Du moins, c’est pas plus à nous qu’à eux.
Une relation thérapeutique, c’est avant tout une relation.
Et comme dans toute relation, il faut garder en tête que les merdages peuvent venir d’un coté comme de l’autre, voire des deux cotés à la fois, et que c’est pas forcément le.a patient.e qui est dans l’erreur si ça ne colle pas.

Et la société – psychophobe, comme il se doit – n’aide pas, vu qu’elle a tendance à voir la vision que peuvent avoir les malades psy comme étant FORCEMENT fausse.
Si une personne dit « J’ai laché mon suivi psy parce que ça ne collait vraiment pas avec le.e psy », il va toujours y avoir des gens pour dire que cette personne « ne fait pas d’efforts, ne veux pas aller mieux, se cherche des excuses », ou pour mettre ce manque de confiance en le.a psy sur le dos des troubles psy de la personne… et en tous cas pas sur un éventuel problème venant du psy.

Or, le fait que le.a psy soit justement sur une liste réputée « safe », j’ai de plus en plus l’impression que ça ne fait qu’en rajouter une petite couche à cette sur-légitimité.
Non seulement iel a un diplôme, mais en plus, iel a sur le front un grand tampon « Approuvé.e par le milieu militant ».
Et j’ai l’impression que ça ne rend que plus difficile le fait de pouvoir se dire « Non mais c’est mort, je vais aller voir ailleurs si j’y suis, parce qu’avec ce.tt.e psy, ca va pas le faire ».

Alors plutôt que d’aborder ça sous l’angle d’une liste de psy safe, j’ai envie d’aborder les choses sous l’angle d’un guide de survie en milieu hostile pour la personne en recherche de psy.

La liste de « conseils » si dessous n’est pas exhaustive, hein. C’est un débrousaillage du sujet à travers mes yeux à moi, mais… Là encore, pas tout le monde a les mêmes besoins, et je ne pense pas du tout pouvoir transposer mon expérience à TOUTES les personnes concernées par les troubles psy. Donc… sentez vous absolument libre d’ajouter d’autres points à votre check-list personnelle, ou d’imprimer ma liste pour allumer votre feu de cheminée avec le papier si elle ne vous parle pas. Ou de l’utiliser. As you want.

1 ) Avant même de foutre le pied dans un cabinet quelconque, avoir une liste aussi claire que possible à vos yeux de besoins vis à vis de la thérapie et/ou du/de la thérapeute.

L’avoir en tête, ou l’avoir écrite, peut importe, comme vous le sentez.
Mais savoir ce que vous recherchez et/ou savoir ce que vous ne voulez surtout pas.

Un.e psy qui parle beaucoup et vous questionne, ou un.e psy qui est plus dans l’écoute pendant que vous vider votre sac ?
Un.e psy qui prend beaucoup de gants avec vous, ou un.e psy qui va vous secouer un peu ?
Un.e psy qui va vous donner un diagnostic et vous l’expliquer, ou un.e psy qui ne va surtout pas le faire ?
Un.e psy qui va vous prescrire des médicaments, ou un.e psy qui ne va surtout pas le faire ?
Un.e psy qui va vous hospitaliser pour vous mettre à l’abri si besoin, ou un.e psy qui va tout faire pour ne pas en arriver à l’hospitalisation ?

Tous les critères sont légitimes, vu que ce sont VOS critères et que c’est VOTRE suivi.

Et les critères ont le droit d’être aussi subjectifs que vous le voulez.
Et peut-être même si ces critères ne sont pas très « safe ».

Personnellement, pour une raison que je ne cerne pas complètement, j’ai pu remarquer que je suis généralement plus à l’aise avec les médecins et/ou psy de genre masculin.
Pour surement plein de raisons qui m’échappent un peu. La seule que j’ai réussi à conscientiser, c’est ma sensibilité aux voix aigües. Si une personne à une voix trop aigue – au goût de mes oreilles – au bout d’un moment ça me tend si je dois me concentrer sur ce qu’iel dit pendant une longue période d’affilée.

Et, désolée – ou pas. Plutôt pas en fait – je privilégie ma santé mentale au safe. Et le fait est que du coup oui, je privilégie un suivi avec un homme.

(Par contre, ça ne me dispense pas du respect élémentaire. Et si je me retrouvais dans une recherche de psy face à UNE psychologue, ça ne me donnerait en aucun cas le droit de lui claquer dans la face une quelconque remarque sexiste pour justifier mon choix, hein. J’ai le droit de lui dire « Je préfère ne pas continuer avec vous, ça ne colle pas »… Mais pas d’être humiliante. Cela va je crois sans dire, mais… C’est toujours mieux en le disant).

N’hésitez pas à questionner le.a psy sur les aspects qui sont importants pour vous en début de suivi. A lui demander comment iel bosse. Si iel est facilement joignable ou pas. Si iel va être OK que vous utilisiez l’écrit si besoin pour évoquer certains aspects ou pas. Si iel va vous questionner ou vous laisser formuler les choses par vous-même. Si iel va vous imposer des médicaments ou pas. Si… ‘fin tout ce qui est important pour vous. VRAIMENT. Vous avez le droit. C’est votre suivi, et le.a psy vous fourni un service, pour lequel iel est rémunéré.
Donc vous avez PARFAITEMENT LE DROIT de vouloir vous assurer qu’il va vous fournir un service qui corresponde à vos besoin et à vos attentes.
Vous n’êtes pas « capricieux.se ».
Vous n’êtes pas « trop exigeant.e ».
Vous n’êtes pas « de mauvaise volonté ».

C’est votre santé et vous avez parfaitement le droit de vouloir ce qui va être le meilleur pour vous-même.

2) Avoir l’aspect financier en tête, et le mettre sur le tapis clairement dès le début

Une thérapie, ça peut couter un bras.
Je ne vais pas aller plus avant dans les détails d’histoires de remboursement, de gratuité, toussa, vu que j’ai des lecteurs.trices dans pas mal de pays différents, et que les conditions de remboursement et tout ça sont très différentes d’un pays à l’autre.
Mais en tous cas, gardez en tête que ça va possiblement vous couter du fric, et que c’est important que ça ne vous foute pas dans la merde (Ou alors, que vous êtes OK pour que ça vous foute dans la merde financièrement parce que votre santé est prioritaire et fuck les éventuelles dettes. C’est un choix légitime aussi, hein. C’est un choix que j’ai fait par moments, d’ailleurs. Mais c’est un choix dont il faut être conscient.e, parce que si se prend les emmerdes financières sur le coin du crâne par surprise, ça peut être sacrément source d’angoisse… Et c’est DEFINITIVEMENT pas le but d’un suivi psy !).

Du coup, évoquer clairement avec le psy vos questions sur l’aspect financier du truc, ça peut être vraiment important, pour ne pas avoir de surprises déplaisantes, voire douloureuses, voire carrément dangereuses pour votre équilibre.

3) Vous écouter

Si pour x raison vous êtes mal à l’aise dans votre suivi, c’est un signal important, à écouter.
Vous seul.e pouvez avoir en vous la réponse de savoir si ce malaise vient du fait que le suivi a abordé un point qui est important et délicat pour vous et que du coup ça vous titille et vous sort de votre zone de confort, mais que c’est quand même utile à vos yeux de continuer sur cette voie-là parce que c’est un abcès qui doit être percé et que même si ça fait mal et peur sur le moment, ça vous aidera sur le long temps… Ou si le malaise vient de l’attitude de votre thérapeute.
VOUS SEUL.E.

Vraiment !

Et si le malaise – que vous arriviez à comprendre d’où il vient précisément ou pas – vous incite à stopper ce suivi, c’est LEGITIME.
Vous avez même le droit de vous barrer au beau milieu d’une séance, si c’est ce que votre instinct de survie vous commande de faire.

Et coup de latte à toute personne qui essayera de vous dire le contraire.
Et double coup de latte si ladite personne est justement le.a psy.

4) Un.e psy qui minimise et refuse de se remettre en question si vous l’interpelez sur un truc qui vous dérange, ça pue du bec.

Aucun.e psy n’est infaillible (c’est d’ailleurs pour ça que j’ai des doutes sur une liste de psy safe, comme expliqué plus haut).
Chaque psy peut avoir sans le vouloir une attitude oppressive, chaque psy peut vous blesser, chaque psy peut vous donner une réponse qui ne vous parlera absolument pas et sera déconnectée de votre réalité.

C’est pas FORCEMENT un drame dans l’absolu (mais si ça vous met trop mal à l’aise pour que vous ayez envie d’aller plus loin et de tenter de faire réagir votre psy sur le sujet, c’est votre droit, aussi, hein !).

Par contre, ce qui pue nettement plus du bec, c’est un psy qui s’accroche à ses positions comme une moule à son rocher, et qui balaie votre remarque d’un revers de main.

Abuser de sa position hiérarchiquement privilégiée dans la relation, vous renvoyer à un statut de « personne qui ne sait rien », de « subordonné », c’est carrément craignos comme attitude. Et vous avez parfaitement le droit d’envoyer bouler le.adit.e psy, et de vous barrer en claquant la porte. Vraiment.

Le fait d’avoir un trouble psy / une neuroatypie ne fait EN RIEN de vous quelqu’un d’inapte à savoir quoi que ce soit et qui doit se soumettre aveuglément à l’avis et à l’autorité magique de votre psy.

5) Les médics : ton corps, tes choix.

Un psy qui veut vous forcer à prendre des médics, qui met ça comme condition pour continuer le suivi, qui insiste, qui vous force la main : ca pue.

A l’inverse, si vous êtes en demande d’avoir des médicaments parce que vous sentez que vous avez besoin de cette béquille, et que votre psy refuse d’entrer en matière : ca pue aussi.

Et aussi, point important que m’a fait remarquer Lin dans les commentaires et que je trouve important d’ajouter :
Un psychiatre se DOIT de vous expliquer – et de répondre à vos questions – sur le traitement médicamenteux qu’il propose. Sa durée, ses effets, ses effets secondaires, le temps avant que ça fasse effet, pourquoi telle molécule et pas telle autre…
Un psy qui vous balance un traitement sans vous en expliquer pleinement les tenants et aboutissants, c’est casse gueule (sauf si VOUS souhaitez ne pas en savoir plus là dessus, ce qui est un choix aussi et respectable aussi : une amie m’a dit ne SURTOUT pas vouloir savoir les effets secondaires possibles de son traitement, parce que ça rajoutait à son angoisse, par exemple).

Ton corps, tes choix, ca vaut aussi pour les molécules que tu y fais ou n’y fais pas entrer !

—-

Voilà.

Pour moi, c’est les quelques points auxquels il me parait vraiment important de porter attention lors du choix d’un psy.
Encore une fois : la liste n’est pas exhaustive.
Faites au mieux pour vous.
VRAIMENT pour vous !
C’est vous et vos besoins qui êtes au centre de votre suivi psy.
Pas votre psy ni ses besoins !

(Sur le même thème, un autre article écrit par une personne concernée pourra aussi vous intéresser : « Thérapies ou pas ? »)

Une dose létale de cachetons coute moins cher qu’un bon suivi psy

Ce matin, je suis tombée sur cet article.

J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour le lire tant il m’a mise dans un mélange de colère et d’angoisse.

En résumé :

Aux Pays-Bas, une jeune femme de 20 ans a été autorisée à recourir à l’assistance au suicide (autrement dit : à l’euthanasie active) parce que des psychiatres et médecins ont validé le fait que son état psychique, un syndrome de stress post-traumatique sévère faisant suite à des viols à répétition, était INCURABLE.

20 ans.
Bam.
In-cu-ra-ble.

La société, la culture du viol t’a bousillée, meuf. Cassée. Marchandise endommagée, au delà de toute réparation possible. Au delà de tout espoir.
Bam.
A la casse.

Permettez moi des doutes. Gros. Enormes, même.
Sur la réalité de l’existence de personnes « incurables ».
Ou du moins : de personnes qui ne peuvent pas, avec des soins adéquats, avec un environnement bienveillant, avec un accompagnement digne de ce nom, regagner une qualité de vie qui certes, fera de ces personnes des personnes avec une maladie chronique, mais pas des marchandises endommagées à qui une qualité de vie correcte est inaccessible.

J’ai assez vu, autour de moi, des situations d’améliorations spectaculaires (ou moins spectaculaires, mais progressives et bien réelles) dans l’état psychiques de personnes sur qui pas beaucoup de psychiatres auraient parié un centime.

Des ami.es ou des connaissances qui ont pendant des années enchainé tentatives de suicide sur tentative de suicide, hospitalisation psychiatrique sur hospitalisation psychiatrique, rechute sur rechute, pour finir par arriver, si pas à une guérison totale de leurs troubles, au moins à une maitrise suffisante de leur état pour pouvoir vivre, profiter de la vie, et même, voyez vous, ETRE HEUREUSES. Malgré leur maladie. Malgré leur passé chaotique (parfois tout autant que celui de cette jeune femme…).

Que se serait-il passé si, comme cette jeune femme, au moment où iels essayaient par tous les moyens possibles de mettre fin à leur jours, iels avaient rencontré un médecin assez défaitiste pour valider leur incurabilité ?
Qui leur avait donné un laissé passer pour la mort, officiel ?
Un suicide sur ordonnance médicale ?

Serait-elles encore là, ces personnes, pour profiter aujourd’hui de l’amélioration de leur situation, et de toutes les belles choses qu’elles ont eu l’occasion de vivre une fois sorties du marasme ?
J’en doute très fort, hein.

Et au delà de ces considérations sommes toutes personnelles sur l’espoir, sur le bonheur, et sur la guérison, j’ai envie aussi de hurler sur ce que la société dit en autorisant l’euthanasie active pour des personnes psychiquement malades :

Elle ouvre la porte à l’euthanasie pour raisons économiques, en s’appuyant sur la perception biaisée que les personnes en dépression (ou autre trouble psychique) peuvent avoir du monde.

Ca vous choque ?
Vous ne voyez pas où je veux en venir ?
‘tendez, je vais vous expliquer.

On est bien d’accord que la dépression sape la capacité à être heureux.se, à croire en l’avenir, à croire en la possibilité d’une guérison. N’est-ce pas ?

Donc oui, en dépression sévère, il est assez logique – dans la logique de la maladie – de se dire « Je ne peux pas guérir, je ne guérirai jamais, autant mourir, ca fera mal moins longtemps ».
Ca fait partie des symptômes. De ce qui permet de diagnostiquer une dépression sévère.

Mais si on admet que la maladie psychique EST une distorsion de la perception, de l’équilibre émotionnel et tout ça… On DOIT prendre en compte le fait que cette perception noire foncée de l’avenir, elle est la conséquence DIRECTE de la maladie. Et que donc, elle n’est pas une réalité objective et absolue, mais la réalité au temps T pour la personne malade, réalité qui peut être perçue très différemment deux jours, deux semaines, deux mois ou deux ans après, avec un traitement et un suivi adéquat.

En aucun cas je ne jette la pierre à une personne suicidaire d’être suicidaire ou de se suicider. Évidemment que non.
Ça serait à peu près aussi absurde que de reprocher à une personne ayant un cancer d’avoir une tumeur.

Par contre.
Si en médecine physique, on peut avoir des signes tangibles qui permettent de dire « cette personne est condamnée à relativement court terme, il sera impossible de la soigner », la maladie psychique est nettement moins prévisible.
Parce qu’elle est conditionnée non pas uniquement par des variables biologiques (les neurotransmetteurs qui font ou ne ont pas leur boulot correctement, le cerveau qui fait ou ne fait pas son boulot correctement), mais également par une multitude de facteurs environnementaux (l’entourage de la personne malade, le soutien qu’elle a ou qu’elle n’a pas, les circonstances de la vie qui sont ou ne sont pas aidantes, les réponses institutionnelles et médicales qui sont ou ne sont pas adéquates et bientraitantes, les réponses sociétales qui sont ou ne sont pas bientraitantes, les oppressions dont la personne est ou n’est pas l’objet …).
Et toutes ces variables, aucun médecin ne peut les prévoir, à moins d’être Madame Soleil ou Nostradamus (à supposer qu’on croit à la voyance, hein…).

Et un médecin et/ou un psychiatre qui joue à l’apprenti voyant en disant que telle personne est INCURABLE est donc au mieux un parfait abruti, au pire une splendide crevure psychophobe qui refuse de prendre en compte le rôle de la société et de l’environnement dans la maladie psychique, et qui résume la personne qu’il a en face de lui à un petit amas de neurotransmetteurs.

Et au delà de l’incompétence ou de la psychophobie de ce psychiatre, ça pose une réelle question de société :

Quels moyens la société est-elle prête à mettre pour offrir aux humain.es qui la composent une possibilité d’une vie moins oppressive, moins destructrice ? 
Et quels moyens est-on prêt.es à mettre dans les mains de la psychiatrie pour bien faire son boulot ?

A l’heure où un peu partout, on parle de l’insuffisance des budgets du social, de la psychiatrie, des soins…
A l’heure où un peu partout les maltraitances psychiatriques sont dénoncées, et sont à l’origine d’autant de drames humains.
A l’heure où la psychiatrie sécuritaire est de plus en plus privilégiée face à une réelle approche humaine…

Ouvrir la porte à l’euthanasie – en se cachant derrière le fait que « c’est leur choix » – de ces malades qui sont bien encombrants, bien emmerdants, qui coutent trop cher au goût des décideurs, qui ont l’audace de ne pas toujours pouvoir s’insérer dans le système capitaliste basé sur le travail, c’est ouvrir la porte à une manière particulièrement dégueulasse de réduire les couts de la santé psychique et de se débarrasser de ces encombrants malades.

Cette porte, déjà ouverte en Belgique, et manifestement aux Pays-Bas, est à mes yeux un non sens dangereux et effrayant.

Parce que ouais.

Une dose létale de cachetons ou une injection mortelle coutera toujours moins cher qu’un vrai suivi psychiatrique. 
Et dans notre société, aux yeux des décideurs, les gros sous ont largement plus de valeur que la vie humaine, hein. A plus forte raison : largement plus de valeur que la vie des personnes avec un trouble psychique ou une neuroatypie, que notre société traite si souvent comme un encombrant problème et pas comme des personnes à part entière.

suicide assisté 2

Black M, Verdun, et le festival de la mauvaise foi

Bon. Ceci est ma dernière adjonction à cet article – que non, je ne supprimerai pas – pour expliquer le contexte où je l’ai écrit.

Donc : en général, quand je vois « Black M » dans un titre d’article, je ne lis pas.
Parce que sa musique c’est de la merde, parce que j’ai un mépris sans limite pour son culte du fric, et que j’ai la rancune tenace face à l’homophobie décomplexée des (ex) membres de Sexion d’Assaut.
Et qu’en prime je me farde du Black M et du Maitre Gims à longueur de journée de taf parce que je bosse avec des ados qui adorent la soupe musicale mainstream.
Donc ouais, habituellement, je ne lis pas.

D’où le fait que le début de la polémique autour de Black M à Verdun a eu lieu sans que j’y prête attention : je ne lisais tout simplement pas les articles sur la polémique, parce que je m’arrêtais à « Black M » et que je ne pensais pas qu’il y ait quoi que ce soit d’important à lire dans un article concernant Black M.
Quand le concert a été annulé, le nombre d’articles qui me sont passés devant le nez dans ma timeline sur les réseaux sociaux m’a amené à me dire « Wtf qu’est ce qu’il se passe ? », et à lire les articles.
J’ai donc découvert en même temps :
– L’invitation de Black M à Verdun.
– Le tollé dans les rangs de l’extrême droite.
– L’annulation.
– Et les réactions sans nuances de CERTAIN.ES militant.es anti-racistes.

Cet article, je l’ai écrit en mode coup de gueule (comme le titre du blog pourrait éventuellement le laisser supposer).
Pas en mode étude sociologique.

Je l’ai écrit en mode coup de gueule d’une personne pas hétéro, qui en l’espace de quelques minutes découvrait :
– Que des abrutis finis avaient eu l’idée lumineuse d’inviter à une commémoration à visée plutôt pacifique (commémorer les victimes, c’est pas célébrer la guerre hein…) un mec qui a fait partie d’un groupe musical qui incitait verbalement à trancher les organes génitaux des homos et qui « assumait à 100% son homophobie ». Paie ton pacifisme. 1er crachat dans la gueule.
– Que des crevures d’extrême droite – qui habituellement ont plutôt tendance à cracher joyeusement à la gueule des personnes LGBT+ – avaient eu l’indécence de tenter de bouffer au râtelier LGBT+ pour planquer leur racisme sous le tapis. 2ème crachat dans la gueule.
– Et que CERTAIN.ES militant.es anti-racistes abordaient la défense de Black M en empêchant toute forme de mention de son homophobie dans la discussion, et en accusant de racisme toute personne ne se pliant pas à cette exigence. 3ème crachat dans la gueule.

Alors oui, cet article a été écrit du tac au tac, énervée, en colère. Ouais.
Colère que je continue d’estimer légitime, et tant pis pour les personnes qui verront là une preuve de mon « racisme ».
Mais colère qui m’a amené à présenter les choses sans les hiérarchiser en terme de conséquences ou de gravité sur un plan SOCIAL et SOCIETAL.
S’il est grave sur la plan humain que des personnes se sentent le droit de dire à des personnes touchées par l’homophobie de fermer leur gueule sur le sujet, c’est très loin d’avoir le même impact sur le plan de la société que la mobilisation raciste dégueulasse dont Black M a fait les frais.
On est bien d’accord là dessus.
Et en aucun cas mon aversion pour Black M ne me fait trouver la moindre excuse aux sous-merdes d’extrême droite qui ont lancé un bashing contre ce mec dont ils se foutent royalement, mais qui se trouve avoir une couleur de peau et une religion qui ne leur reviennent pas.

Maintenant, s’il y a encore des gens qui ont envie de chercher dans cet article une preuve de mon « racisme », j’ai envie de dire : démerdez vous avec votre conscience.
J’ai dit ce que j’avais à dire sur le sujet et je n’y reviendrai pas.

—-
(Pour celleux qui auraient passé les derniers jours dans une grotte isolée sous les montagnes de l’Antarctique – je pense qu’il fallait au moins ça pour ne pas en entendre parler – petit rappel des faits : Black M était supposé chanter lors de la commémoration du centenaire de la bataille de Verdun. Cette annonce a fait un tel tollé dans la faschosphère que le concert a été annulé).

Je suis agacée.

Je crois que je suis intolérante à la mauvaise foi autant que je suis intolérante à la haine et à la discrimination, et dans cette affaire là, le festival de mauvaise foi déployé par absolument tout le monde dans cette histoire là devient… assez irritant.

Donc nous avons :

Black M.
Ex-membre de Sexion d’Assaut.
Groupe qui s’est illustré, en terme de très bad buzz, par une interview où ils ont affirmés « être homophobes à 100% et l’assumer » (vous avouerez que ça pique, quand même, non ?).
Mais – et c’est à préciser parce que ça explique un peu la suite – (arrière ? j’ai lu les deux versions) petit fils de tirailleur sénégalais.

Black M

La faschosphère.
Qui s’est illustrée – majoritairement – par son soutien à la Manif Pour Tous, et donc par son homophobie.

Les militant.es intersectionnel.les.
Qui ne sont habituellement (et c’est heureux, hein !) pas connu.es pour leur tolérance aux propos homophobes.

Maintenant que les protagonistes de cette vaste blague (ouais je suis pas très tendre. J’vous ai dit que je suis allergique à la mauvaise foi !) sont présentés, on va pouvoir passer au scénario de cette mauvaise farce.

Acte Un :

Black M est pressenti pour chanter lors de la commémoration de la bataille de Verdun.

On peut sérieusement se poser la question du sens de cette programmation.
Commémorer la présence des tirailleurs sénégalais dans les tranchées (ce qui serait PLUTÒT LOUABLE).
Ou simplement faire le buzz et attirer l’attention sur cette commémoration avec la présence d’un chanteur actuellement plutôt populaire, sans autre sens profond.
Mon petit coté cynique me fait honnêtement pencher pour la 2ème version. Malheureusement.
Acte un de la mauvaise foi, donc : c’est une manière de commémorer, ou de faire du fric et du buzz. Faudrait savoir hein. Parce que c’est pas vraiment la même chose !

Acte Deux :

Ca fait un mega tollé dans la faschosphère.
Tout le monde hulule à la déshonoration (oui je sais, le mot n’existe pas, mais j’m’en fous, pour illustrer le ridicule de la faschosphère, je n’ai pas trop de problème à utiliser des mots qui n’existent pas !) des morts français, et blablabla.

En utilisant des arguments… Pour le moins diversifié.

Ca ne fait pas très glamour de dire que Black M n’est pas assez blanc et pas assez Français de Souche pour chanter lors de cette commémoration.
Ca obligerait à assumer son racisme, et brrr, assumer son racisme, c’est quand même pas très bien vu hein.

Alors bon.
Il s’agit donc de trouver d’autres arguments.

Le fait que Black M a fait des chansons pas très tendres envers la France.
(Ma foi, ça a le mérite, au moins, d’être dans une certaine cohérence avec le patriotisme nationalisme assumé de la faschosphère… Mais par contre, on peut se demander si « vénérer la France » est forcément nécessaire pour commémorer la mémoire des morts d’une bataille…).

Et – et c’est là que mon détecteur de mauvaise foi passe dans le rouge – la faschosphère se sent également autorisée à utiliser L’HOMOPHOBIE DE BLACK M comme argument.

Et là, je commence à avoir envie de distribuer des baffes à tour de bras.

Parce que cette même faschophère hululait il y a peu à la ruine de la morale de notre société et à la destruction de l’humanité par le Puissant Lobby LGBT lors des rassemblements de la Manif Pour Tous Les Homophobes.

Alors faudrait voir à arrêter de se foutre de la gueule du monde, hein.

Chers lecteur.trices faschos (en supposant que j’en aie. Berk !)… vous ne POUVEZ pas, si vous avez une once de cohérence et de logique, hululer avec la Manif Pour Tous PUIS dénoncer l’homophobie de Black M.

C’est de la fucking mauvaise foi caractérisée, et c’est vraiment prendre les personnes LGBT+ pour de parfaits con.nes hein.
Essayer de bouffer au râtelier LBGT+ après nous avoir craché dans la gueule, c’est VRAIMENT du foutage de gueule caractérisé.

Ce qui vous dérangeait avec la présence de Black M à Verdun pour cette commémoration, c’est pas le fait qu’il soit homophobe. C’est le fait qu’il ne soit pas blanc, et qu’en plus il ait l’audace de critiquer la France (en même temps, tu m’étonnes qu’il la critique, vu comme les personnes racisées y sont traitées, hein !)

Acte Trois :

Face à ce tollé, la Mairie de Verdun déprogramme Black M.

Acte Quatre :

Dans ma timeline sur les réseaux sociaux, je vois un gros tollé d’indignation fleurir contre cette déprogrammation.
De la part de militant.es intersectionnel.les.

Les mêmes militant.es intersectionnel.les qui habituellement montent au créneau si on a le malheur de citer un.e artiste / un.e auteur.e qui a eu le mauvais goût de faire une bouse (même une bouse passablement moins massive que de dire ouvertement « On est à 100% homophobes et on l’assume »).

Il semblerait donc que l’éponge ait été totalement passée sur l’homophobie du mec, pour ne surtout pas aller le moins du monde dans le même sens que les gros.ses merdeux.ses de la faschosphère.

On souligne avec emphase le fait que Black M soit le descendant d’un tirailleur sénégalais, et toute personne tentant de faire remarquer que c’est certes un descendant d’un tirailleur sénégalais, mais AUSSI un enfoiré homophobe se fait rapido démonter et accuser de hurler avec les loups de la faschosphère, et par la même d’être raciste.

Elle est passée où, l’intransigeance habituelle contre les propos LGBTphobes ?

C’est quoi ce monde pourrave, où la nuance est interdite ?
Où on ne peut pas lutter A LA FOIS contre la bouse raciste des enfoirés en chemise brune, contre le fait qu’ils se permettent en prime d’utiliser la lutte contre l’homophobie comme prétexte alors que c’est habituellement les pires crevures homophobes…
ET contre la présence à une manifestation commémorative d’un mec qui a dit « On est 100% homophobes et on l’assume » ?!

Est-ce que le racisme est moins grave que l’homophobie ? NON.
Est-ce que l’homophobie est moins grave que le racisme ? TOUJOURS PAS.

Les deux sont à part égale un mélange de vomi et de merde.

Ah.

J’vous ai vu, là dans le fond, qui vous préparez à me faire un laïus sur les whitetears dans les commentaires de cet article (parce que ouais, soyons sérieux.ses, je pense – J’ESPERE – que j’ai quand même un peu plus de lecteur.trices se revendiquant de l’intersectionnalité que de lecteur.trices en chemise brune, hein…) :

NON, je ne cautionne pas le racisme crasseux de la faschophère autour de cette histoire de concert de Black M. VRAIMENT PAS.

Mais par contre, en tant que personne directement touchée par l’homophobie, j’ai beaucoup de mal à avaler de voir une sorte de tabou autour de l’homophobie de Black M.
Le fait qu’il ait la faschosphère sur le dos à cause de sa couleur de peau ne l’absout pas magiquement de son « homophobie à 100% assumée ». VRAIMENT PAS non plus.

Par honnêteté intellectuelle :

– Non, je ne dis pas que c’est l’intégralité des militant.es intersectionnel.les qui a adopté une position sans nuance quant à ce cher Black M.
Par contre, il ne s’agit pas NON PLUS d’une ou deux personnes qui auraient dit un peu nawak dans leur coin, mais quand même d’une position que j’ai vu de manière assez récurrente pour que ça me fasse réagir.
Et NON, je ne citerai pas qui quoi comment où.
Ca n’est pas dans mes habitudes « d’afficher » des gens, y compris des personnes dont les positions me font bondir. Et je ne compte pas faire exception ici.

– Je n’avais pas mentionné dans mon article le fait que Black M – et le groupe Sexion d’Assaut en général – ont fait amande honorable quant à leurs propos homophobes. Par des excuses publiques, et en participant à une action anti LGBT-phobe avec une (ou des ?) assos.
Par contre, il est utile de préciser que cette amande honorable est survenue après que des villes aient menacé de supprimer leurs concerts suite au tollé qu’avaient fait leurs propos.
Pour être honnête : je ne crois pas une seconde à la sincérité d’excuses obtenues par la menace de grosses pertes financières. Je n’y crois pas. C’est clairement pour ça que je n’ai pas mentionné ces excuses, qui ont à mes yeux autant de valeur qu’un pet de mouche.
Mais je n’ai pas la science infuse, et peut-être que je me plante. Allez savoir.

« T’es enragée, Lau' »

« T’es enragée, Lau’. T’as les yeux écarquillés sur le monde et t’es enragée. Fais en quelque chose, de cette colère, parce qu’elle peut te porter comme elle peut te cramer ».

Tu vois, Julie, je t’écoute. J’en fais quelque chose, de cette colère. J’essaie, du moins.
A mon échelle, avec mes armes, avec mon ordi et quelques mots balancés sur un blog.
Enfin, « tu vois »… J’en sais rien, si tu vois, en fait.
Il parait que y a toujours pas de wifi dans l’au-delà, hein.

Mais bon. Admettons que tu vois.

Tu sais, Julie…

Toi, Cindy et Hélène, vous êtes derrière chacun de mes articles.
Vous êtes pas les seules hein, j’écris pas QUE pour les morts.
Mais j’écris pour vous aussi.
J’écris parce que j’ai aussi un peu l’impression de donner une voix à vos mots et à vos morts (surement imparfaite, surement un peu infidèle à ce que vous auriez dit avec vos mots à vous, mais j’y suis pour rien, moi, si vous n’êtes plus là pour rectifier mes erreurs et pour redonner vos mots à vos idées).
Et j’écris aussi avec l’espoir un peu dingue de contribuer à ce que l’histoire puisse se finir autrement pour d’autres.

Ouais, je suis enragée.
Figure toi que ton suicide a pas vraiment contribué à faire diminuer ma rage, ma grande. Tu t’en doutes.

Faute de pouvoir cracher au visage du mec qui t’a violée, je gueule sur la culture du viol, et j’essaie de faire ouvrir quelques yeux dans la foulée.
Faute de pouvoir cracher au visage des psychiatres qui ont contribué à te détruire plus qu’à t’aider, je gueule sur la psychophobie, sur la maltraitance médicale.
Faute de pouvoir beugler sur les gens qui te regardaient de travers, avec ta sonde dans le pif, je parle encore et encore d’à quel point il est urgent de déstigmatiser les troubles psychiques.

J’en fais quelque chose, de ma colère, parce que t’as raison : sinon elle me brûle, sinon elle me fait exploser.

Je n’ai pas la prétention de changer le monde hein, mais je me dis que quelque yeux de plus ouverts, « écarquillés », c’est toujours ça de pris.

Tu étais sacrément en colère, aussi.

C’est dommage que ton blog n’existe plus. Y a plein de fois où j’aurais voulu le relire, mais aussi le FAIRE lire.

Parce que tu disais mieux que je ne pourrai jamais le faire la réalité de tes TCA, de l’HP, de la stigmatisation de tes troubles psy parfois même par des gens très proches.
Tu le disais avec tes mots trash mais poétiques, ou poétiquement trash, j’sais pas trop.

Voilà Julie. J’voulais juste que tu le saches, que tu es derrière mon épaule à chaque fois que j’écris ici.
Et j’crois que je voulais aussi que les autres personnes qui lisent ce blog le sachent.
Et que je suis toujours enragée. Plus que jamais, même. Et que je le resterai.

Parce que t’étais une meuf tellement géniale que j’aurais aimé te faire connaitre à tout le monde autour de moi, mais que tu m’en as pas vraiment laissé le temps.
Alors je le fais à ma manière.

Tu manques, Julie.
Ca fait trois ans tout pile que tu nous a tiré ta révérence.
Mais tu es incroyablement présente dans ma vie. Comme Cindy. Comme Hélène.

Julie
(illustration d’Agnes Cecile, qui était une sorte de fil rouge visuel entre Cindy, Julie, moi et pas mal d’autres… Et parce que Agnes Cecile, ca vaut vraiment la peine d’être vu et revu, je vous mets ici le lien de son tumblr)

 

 

Qui peut être sûr.e, vraiment sûr.e, de ne jamais avoir violé ?

Comme tout le monde, jusqu’à y a pas si longtemps que ça, j’avais une vision assez stéréotypée du viol.

Le truc avec de la violence physique, une personne qu’on force physiquement à avoir un rapport sexuel, ou qu’on menace, ou les deux à la fois.

Le truc comme dans les films, quoi.

Puis, je me suis rendue compte que ça n’était pas (que) ça.
Que c’était même assez drastiquement minoritaire, que ça soit ça.

Que la plupart du temps, il y a surtout de l’insistance « jusqu’à ce que l’autre dise oui », de la manipulation, ou un consentement qu’on présuppose sans le vérifier.

Et que cette vision ultra stéréotypée du viol, c’est justement la pierre angulaire de la culture du viol, le truc qui permet aux violeur.euses de légitimer leur attitude derrière un « mais non, c’était pas un viol, iel le voulait aussi ».

Au court du cheminement, j’ai pu réaliser que l’espèce de malaise diffus que je ressentais face à une relation sexuelle passée avait une raison bien précise : j’avais été manipulée pour finir dans le lit d’un mec qui m’a dit ce que j’avais envie d’entendre (que j’étais unique à ses yeux, blablabla… quelques temps avant de servir exactement le même discours à une amie à moi, donc bon, paye ta sincérité…) sans en penser un mot, balayant mes craintes et mes réticences derrière des arguments imparables. Qui n’a pas donné à mes craintes et mes réticences la moindre légitimité, qui m’a fait me sentir ridicule d’avoir des réticences.
Bien entendu, il ne m’a pas mise de force dans son lit.
Il ne m’a pas braqué un flingue sur la tempe.
Mais sa manipulation, son argumentation jusqu’à ce que j’accepte, ma foi, ça porte un nom et ce nom c’est viol.

M’en rendre compte n’a pas été agréable, mais a eu le mérite de faire un peu de rangement dans ma tête au sujet de cette histoire, de me faire arrêter de me sentir complètement conne d’avoir toujours, des années après, ces ressentis déplaisants et angoissant au sujet de cette histoire. Le sentiment angoissant sur cette histoire reste, mais j’ai un mot à mettre dessus, et aussi cliché que ça puisse paraitre, avoir un mot à mettre dessus, ça aide un peu.

Par contre, dans le cheminement, j’ai aussi eu l’occasion de me questionner sur ce MON attitude à moi. Pas par rapport à cette situation là, mais de manière globale, sur « Est-ce que je suis certaine d’avoir toujours fait gaffe au consentement de l’autre, en situation de relation sexuelle ».

Et, aussi détestable que cela soit : la réponse est non.

J’ai le souvenir d’une situation où mon copain de l’époque m’a stoppée net (et j’en suis clairement ravie, qu’il l’ait fait, soyons clairs hein), en me disant « Non mais qu’est ce qui t’a fait croire que j’avais envie de ça, là, maintenant ? ».
Je suis ravie qu’il ait pu réagir, on a pu reparler de ça le lendemain, je lui ai présenté mes excuses, et heureusement, il n’y a pas eu plus de conséquences que ça.
Mais ça, c’est uniquement grâce au fait qu’il a pu réagir.
Et en tous cas pas grâce à mon attention (absolument inexistante sur le moment, soyons honnête) à son consentement.
Donc oui. J’aurais pu être une abuseuse.
Voilà. Ça pique à réaliser. Mais c’est un fait.

Si je parle de cet épisode – qui ne me met pas franchement à mon avantage – ça n’est pas pour tendre le bâton pour me faire battre.

Mais pour vous renvoyer la question. A tou.te.s.
Est-ce que vous pouvez être certain.e.s que jamais, vous n’avez été en situation d’abuseur.euses ?

Parce que la culture du viol, on a tou.te.s été élevé.es dedans, hein.
On a tou.te.s entendu, et intériorisé plus ou moins profondément le message de « qui ne dit mot consent » (qui est quand même le dicton le plus crade qu’on puisse imaginer, quand on y réfléchit de plus près…).
Et qu’on a, pour la plupart d’entre nous, débuté notre vie sexuelle AVANT de commencer à déconstruire tout ce bullshit dans notre tête.
(Et que même le déconstruire n’est pas un antidote absolu, et que l’attention à porter au consentement, elle n’a pas à se relâcher en mode « j’suis mega féministe de la mort qui tue tout, j’suis à l’abri de devenir un.e abuseur.euse »… Piège dans lequel il pourrait être facile de tomber…).

Il n’y a pas que les salopards qui peuvent devenir des abuseur.euses.
Il n’y a pas que les mecs (ou assignés comme tel) qui peuvent devenir des abuseur.euses.
On peut devenir un.e abuseur.euse sans même vraiment le réaliser, et sans que l’autre ne nous dise « Eh, tu m’as fait du mal ».
Lutter contre la culture du viol, c’est aussi (surtout ?) déconstruire cette idée de merde que chacun.e d’entre nous, individuellement, « n’est pas un.e salopard.e et donc ne peut pas être un abuseur.euse », que les violeur.euses c’est les autres, et jamais nous.
Si les violeur.euses étaient uniquement d’infectes personnes dénuées de tout scrupule et qui font du mal volontairement et froidement… Il y aurait BEAUCOUP (mais alors vraiment beaucoup !) moins de personnes abusées sexuellement, aussi.
Le viol, c’est pas quelque chose « d’extraordinaire » (au sens « qui sort de l’ordinaire, de la norme, qui est rare »). C’est au contraire quelque chose de tristement trop ordinaire. Et dont personne n’est à l’abri, que ça soit en tant que victime ou en tant qu’abuseur.euse.

Regarder, déconstruire, juger les mécanismes de la culture du viol chez les autres, c’est assez facile.
Les regarder chez soi-même, ça pique un peu plus.
Mais c’est le seul moyen pour éviter, ouais, de devenir un jour un.e abuseur.euse. Ou de l’être à nouveau (parce que oui, je suis absolument certaine que parmi les personnes qui lisent ces lignes, il y a certes des personnes qui ont été violées, mais aussi des personnes qui ont violé. Peut-être absolument sans le réaliser.)
Et de foutre un sérieux bordel dans la vie de quelqu’un d’autre.

Culture du viol 2