Cet article est paru en anglais sur le site Everyday Feminism. Vous pouvez trouver sa version originale ici
Comme je le précise à chaque traduction, je ne suis pas ni traductrice professionnelle, ni bilingue, et il est possible que j’aie laissé passé quelques erreurs de traductions. N’hésitez pas à me les signaler, je les corrigerai au plus vite.
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Quand j’avais 19 ans, j’ai suivi un cours appelé « psychopathologie ». C’était un cours au sujet de la maladie psychique, et c’était mon premier pas dans mon parcours pour devenir travailleuse sociale et psychothérapeute.
A l’époque, pourtant, je n’étais pas vraiment focalisée sur le fait d’apprendre à analyser les autres personnes. J’étais plus intéressée au fait d’apprendre à me comprendre moi-même.
Toute ma vie, j’avais lutté avec des schémas de comportements et d’émotions dont je savais qu’ils étaient « mal », mais que je ne semblais pas arriver à contrôler.
Je mentais compulsivement à propos de choses en apparence sans queue ni tête. J’étais terrifiée à l’idée d’être abandonnée, au point que j’étais furieusement, parfois abusivement, bouleversée quand je pensais que mes amis se voyaient sans moi. J’étais pleine de dégout envers moi-même et de colère, que je contenais et que j’évacuais dans l’automutilation.
J’étais charmante et je me faisais facilement des amis, mais mes amitiés ne duraient jamais plus d’un an ou deux – et à chaque fois qu’une amitié se terminait, je me détestais au point de vouloir mourir.
J’ai failli mourir, deux fois, par suicide.
Et, bien sûr, j’avais grandis en tant que femme trans dans le placard, racisée, dans une société cisgenre et raciste. Aussi loin que je puisse me souvenir, j’ai été pleine de rage, de peur et de dégout de moi-même, résultant des messages constants que la société, les amis et la famille m’envoyaient pour me dire que j’étais déviante, mauvaise, pourrie jusqu’au trognon.
Beaucoup de mes collègues thérapeutes aiment plaisanter à propos du fait qu’on se tourne vers ce métier en premier lieu pour nous « soigner nous-même ». Quand j’y repense, j’étais vraiment à la recherche de moi-même dans mon manuel de psychopathologie. Je voulais des réponses aux questions que je me posais depuis que j’avais environ 6 ans.
Est-ce qu’il y avait quelque chose de cassé en moi ? Est-ce que ça pouvait être réparé ?
J’ai trouvé ma réponse dans ce manuel – dans un sous-chapitre appelé « Troubles de la personnalité, lettre B ». Mes « symptômes » collaient avec le profil d’un trouble psychique appelé Trouble de la personnalité borderline, une maladie associée à la psychopathie. C’était, selon le manuel, considéré comme incurable.
En d’autres termes, il y avait quelque chose de cassé en moi – et non, ça ne pouvait pas être réparé.
Dans l’idée d’être une professionnelle en santé mentale responsable, je me dois de préciser ici qu’il n’est pas conseillé d’essayer de s’auto-diagnostiquer en utilisant un manuel d’introduction à la psychologie. Ne faites pas ça chez vous !
Par contre, le point sur lequel j’ai envie de me concentrer ici, c’est le fait de vivre avec un trouble psychique qui est « moche » ou socialement indésirable – les troubles comme la psychopathie ou la schizophrénie paranoïde sont en général considérés comme indésirables, bizarres, dangereux ou monstrueux, même parmi les gens qui se considèrent comme « progressistes » à propos des troubles psychiques.
Je veux aussi me concentrer sur la manière dont les mécanismes oppressifs tels que la pauvreté, le racisme et la violence systémique, tout autant que les traumatismes personnels tels que la maltraitance dans l’enfance, sont en fait responsables de créer et maintenir les symptômes des maladies psychiques les plus détestées et craintes.
Les maladies « moches » : les maladies mentales pour lesquelles on n’éprouve pas d’empathie.
La stigmatisation accompagne toutes les maladies psychiques jusqu’à un certain point, mais ces dernières années, certaines maladies psychiques ont meilleure presse que d’autre. La dépression, par exemple, a souvent été représentée dans les médias mainstream, allant des webcomics à des documentaires.
Ces nouveaux messages tendant à suivre le message militant qui lutte pour la destigmatisation des troubles de l’humeur comme la dépression, luttant contre l’idée que les personnes sont responsables de leur état, alors que la dépression est causée par un déséquilibre chimique dans le cerveau.
Toutefois, un traitement similaire et un tel message publique est rarement étendu à des maladies psychiques pour lesquelles on éprouve moins facilement de l’empathie. Je parierais qu’un grand nombre de personnes veulent bien admettre qu’ils éprouvent de l’empathie au sujet de la dépression parce qu’ils ont eux-même été déprimés à un moment donné.
Je doute par contre qu’un nombre aussi grand de personnes diraient qu’elles éprouvent de la compassion pour les psychopathes, les menteurs pathologiques ou les personnes pathologiquement narcissiques.
Dans une société amoureuse de la rhétorique de la pensée positive, les personne soi-disant « toxiques », comme vivant avec les troubles que j’ai cité plus haut, sont devenues les croque-mitaines et les sorcières de la santé mentale – malgré le fait que les statistiques disent que quasiment une personne sur dix aux Etats-Unis présente des trais associés à l’un de ces troubles.
Le revers de la médaille, c’est que la culture populaire est obsédée par des représentations caricaturales ou fétichisées à propos de la psychopathie ou de la psychose, qui sont par exemple apparues à la télévision et dans les films : Dexter, Une Vie Volée, New-York Unité Spéciale, Le Silence des Agneaux, Hannibal, sont juste une partie des titres qui viennent à l’esprit à ce sujet.
Ca ne serait pas politiquement correct (au moins dans les milieux de gauche dans lesquels j’évolue) de dire que les personnes dépressives ou avec des troubles anxieux ne méritent pas de l’empathie, du soutien et de l’amitié.
Par contre, un des qualificatifs les plus dépréciatifs que même les plus acharnés des défenseurs du politiquement correct et de la justice sociale choisissent, c’est le terme « psychopathe ».
Cette attitude s’étend aussi aux professionnels de la santé mentale, pour qui le terme (trouble de la personnalité) « borderline » est souvent utilisé comme un résumé pour dire « patient pas coopérative que je n’aime pas ».
En tant que travailleuse sociale dans un service de psychiatrie de l’enfant, j’ai vu des professionnels décrire des enfants violemment agressifs ou manipulateurs – parfois dès 5 ans – comme étant des « psychopathes en devenir », « causes perdues », ou « bébé meurtriers ».
Ce qu’on oublie quasiment toujours, c’est que les gens ne sont pas agressifs ou manipulateurs sans raisons. Ils ne sont pas simplement des gens « méchants » envoyés sur Terre pour faire du mal aux autres. Les personnalités agressives ou manipulatrices sont le plus souvent développées en réponses à un terrain de vulnérabilité génétique et à de sévères traumatismes d’enfance et/ou systémiques.
Et même si la violence, la manipulation émotionnelle et les abus ne sont jamais acceptables, nous devons trouver des moyens de comprendre pourquoi les gens deviennent violents, manipulateurs ou abuseurs dans le but de les aider à arrêter – parce que l’emprisonnement et la mise à l’écart sont au mieux des pansements sur une jambe de bois.
Les facteurs sociaux de la santé – comme le fait d’avoir un toit, des parents, l’accès à l’éducation, à une alimentation suffisante et garantie, à des soins médicaux – sont massivement déterminants pour créer un environnement dans lequel les gens peuvent se développer psychologiquement dans un sens pro-social et non-violent.
Derrière l’agression et la manipulation, il y a toujours de la peur, et souvent un traumatisme. Quand on s’ouvre à cette réalité, on s’ouvre à la possibilité d’aider les autres à guérir de leur traumatisme, ainsi que de leur manipulation et de leur agressivité – et aussi à remarquer nos propres traumatismes, notre propre agressivité, notre propre manipulation, et à en guérir.
Les maladies mentales suivantes sont souvent mal comprises et diabolisées dans notre société – voici comment y réfléchir plutôt avec compassion.
1. « Psychopathie, « Sociopathie », ou Trouble de la personnalité antisocial
Il n’y a probablement pas de concepts psychologiques qui enflamment plus l’imagination du public que les termes « psychopathe » et « sociopathe ». Dans leur usage populaire, ces termes sont associés à tout et n’importe quoi, des harceleurs de cours d’école aux Supervilains d’Hollywood, en passant par les légendes urbaines sur des tueurs en série démoniaques.
Selon leur image dans les médias, les psychopathes/sociopathes sont des prédateurs, des loups au milieu du troupeau de moutons, qui vivent au milieu de nous sans qu’on les remarque, attendant juste d’attirer des personnes peu méfiantes dans leurs jeux diaboliques.
Vu l’énorme médiatisation autour du concept de psychopathe et de sociopathe, ça peut paraitre étonnant que ni la psychologie clinique, ni la psychiatrie aient adopté « la psychopathie » et « la sociopathie » comme des catégories diagnostiques valables.
C’est vrai, toutes ces fantaisies hollywoodiennes à propos de tueurs cinglés et d’ex-petites amies complètement folles ? Elles sont basées sur un fantasme, une construction culturelle sans rapport réel avec une réalité psychologique.
Le terme diagnostic réel le plus proche de l’idée populaire qu’on se fait de la psychopathie/sociopathie est « trouble de la personnalité antisociale », une maladie psychique caractérisée par de la difficulté à nouer des relations personnelles, un comportement violent et impulsif, et une apparente absence de remords et de préoccupation vis-à-vis des autres. Les individus diagnostiqués avec un trouble de la personnalité antisocial sont souvent impliqués dans des affaires criminelles et dans le système carcéral – en allant de la petite délinquance aux tueurs en série.
Toutefois, un trouble de la personnalité antisociale ne sort pas de nulle part. Les recherches prouvent que ce troubles de la personnalité à l’âge adulte est massivement associé avec des traumatismes dans l’enfance, des abus et de la négligence.
Les personnes avec des traits de personnalité antisociale répondent au monde extérieur avec une intensité et une violence proportionnelles à leur vécu intérieur d’insécurité – le sentiment d’être littéralement en danger physique – qui a été induit dans leur psychisme.
Rien de tout cela ne justifie un comportement violent, bien entendu. Mais ça nous aide à comprendre que la violence est un symptôme d’un système qui va bien au delà de l’individu seul. Un rejet et une haine irréfléchis envers ceux que l’on estime être trop agressifs pour faire partie de la société ne sont pas des réponses satisfaisantes.
On doit arrêter de se reposer sur des hospitalisations sous contraintes et sur le système carcéral pour racheter une bonne conscience à la société vis-à-vis de la violence qu’elle crée.
Nous devons trouver des meilleurs moyens de se comprendre mutuellement, et de vivre ensemble.
2. Trouble de la personnalité borderline
Un autre trouble psychique qui est associé avec la notion culturelle de « psychopathie », c’est le trouble de la personnalité borderline. Ce diagnostic est associé avec des traits d’instabilité émotionnelle et de dégout de soi-même, un sentiment intense de vide et un besoin immense d’intimité, de la manipulation envers les autres, et de l’automutilation.
Les représentations culturelles habituellement associées avec le trouble de la personnalité borderline incluent « l’ex-petite amie cinglée », « la mère folle », et à peu près tout ce qui est fait comme stéréotype de la « femme folle ».
Ca n’est pas un hasard, l’immense majorité des personnes diagnostiquées borderline sont des femmes – ce qui en soi indique qu’il ne faut pas se fier aux apparences.
Dans la culture des professionnels en santé mentale, les individus diagnostiqués borderline sont généralement considérés comme une plaie par la plupart des cliniciens – si un patient est compliqué, par exemple, ou impoli, il a des chances d’être catalogué à un moment donné à la va-vite comme étant « borderline » dans une réunion d’équipe.
Ce mépris se retrouve dans la culture populaire, qui perçoit souvent les personnes borderlines comme étant « trop envahissantes », « toxiques » et/ou « émotionnellement manipulatrices ».
Ce qui ne se dit habituellement pas à propos du trouble de la personnalité borderline, c’est qu’il est massivement relié avec des expériences traumatisantes, en particulier des abus sexuels et des maltraitances / négligences subies dans l’enfance.
C’est là que la féministe en moi veut en venir – Et si le diagnostic de trouble de la personnalité borderline était une manière sexiste de disqualifier les femmes (et d’autres personnes) dans leur réponse valables à des expériences traumatisantes, en les désignant comme « folles » ?
Ca ne serait certainement pas la première fois que le discours psychiatrique serait utilisé pour asseoir la domination patriarcale sur des réalités féminines physiques et psychiques – il fut un temps où les femmes qui disaient avoir été violées par leur mari ou leur père étaient régulièrement diagnostiquées comme étant « hystériques ».
Et quand je repense à ma propre enfance, à comment mon expérience de vie a contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui, cela fait absolument sens pour moi de coller au profil de diagnostic du trouble de la personnalité borderline (c’est d’ailleurs assez étonnant que personne ne m’ait jamais diagnostiqué avant que je trouve ce diagnostic par moi-même).
Parce que effectivement, c’est complètement sensé de devenir une menteuse quand on t’apprend que ta réalité est mauvaise, sans valeur, et va faire que tu seras blessée.
Ca fait sens, de manipuler les autres pour obtenir de l’amour, quand tu n’as jamais été capable de recevoir de l’amour autrement. Ca fait sens de se détester et de se faire du mal, quand personne n’a jamais pris le temps de te dire que les mauvaises choses qui te sont arrivées n’étaient pas toujours de ta faute.
Parfois, je me demande où se trouve vraiment la « maladie » – est-ce qu’elle est chez les personnes que la souffrance psychique et physique amène à réagir avec rage, peur, et – oui – parfois de la violence aux effets traumatisants d’une société oppressive ?
Ces gens que nous stigmatisons, exhibons dans les médias, criminalisons au delà de tout espoir qu’ils reçoivent les soins de santé mentale adéquats et respectueux dont ils ont besoin ?
Ou est-ce la société qui est malade ?
Est-ce que le trouble de la personnalité borderline est un « trouble », ou juste des gens qui réagissent comme chacun.e réagirait à des choses terribles ? A vous de me le dire.
3. Psychose
Au milieu des années 50, ma grand-mère est partie de Chine pour arriver dans une petite ville rurale du Canada. Elle ne parlait pas un mot d’anglais, n’avait aucun.e ami.e, pas de travail, et était coupée de tout lien avec la grande majorité des membres de sa famille.
Peu de temps après son arrivée, elle a développé un trouble psychotique sévère – ce qui est décrit par la psychiatrie comme étant « une rupture avec la réalité » – avec lequel elle a vécu pour le reste de sa vie.
Dans les moments les plus difficile, elle était extrêmement paranoïaque, impossible à comprendre, et en colère contre la terre entière.
A ce jour, la stigmatisation et la peur qui entourent cette histoire continuent de hanter ma famille. Après autant d’années, ça reste une plaie à vif. De par mon travail en tant que thérapeute, j’ai pu réaliser que la même aura de honte entoure beaucoup de famille dont un ou plusieurs membres ont vécu la psychose.
La psychose est généralement définie par le fait d’expérimenter des hallucinations (le fait de voir, entendre, percevoir, sentir ou goûter des choses qui « ne sont pas vraiment là ») et/ou des délires (avoir des croyances qui sont en rupture avec la compréhension majoritaire de la réalité, par exemple la croyance d’être dieu, ou d’être en contact avec des aliens).
Cette caractéristique de plusieurs troubles psychiques, incluant la schizophrénie, le trouble schizophréniforme, les épisodes maniaques et d’autres, est souvent considérée comme étant la marque des formes les plus sévères de troubles psychiques.
Non seulement c’est le genre de « folie » qu’il est souvent impossible de dissimuler, mais c’est aussi celui qui est le plus souvent rejeté socialement comme étant effrayant, bizarre, dangereux et dégoutant.
Les personnes psychotiques, souvent perçues à tort comme étant anormalement violentes par le grand public et par les personnes chargées de faire respecter la loi, ne sont en fait pas plus à risque d’être violentes que qui que ce soit d’autre. Par contre, cela ne les protèges pas de la discrimination à l’emploi et au logement, des violences policières et de l’emprisonnement.
Il n’est pas surprenant, à partir de là, de ne pas voir très souvent la psychose représentée dans les mêmes campagnes de sensibilisation aux troubles psychiques qui luttent pour destigmatiser la dépression et d’autres maladies psychiques « plus communes ».
C’est déjà assez difficile d’attirer l’attention du public sur des maladies qui rendent difficile le fait d’être heureux.se ou de socialiser dans des groupes – mais c’est carrément quasi impossible d’obtenir la sympathie du public vis à vis de celleux qui ont des troubles psychiques qui les amènent à vivre dans une réalité alternative.
Les personnes qui vivent, ou ont vécu, avec une psychose sont souvent décrit comme étant des « timbrés », « tarés », « causes perdues », et tout plein d’autres qualificatifs dégradants et péjoratifs autour de la maladie mentale. Je vois tout le temps cette attitude, autant dans les conversations des non-professionnel.les que dans celles des professionnel.les.
Et silencieusement, secrètement, je pense à ma grand-mère : une jeune femme seule, effrayée, piégée dans la pauvreté, le sexisme et le racisme, dans un pays étranger, persécutée par des visions horribles et des voix fantômes. Je pense à comment la psychose est souvent héritée d’une génération à l’autre.
Je me demande à quel point sa « folie » a été causée par les circonstances de sa vie ? Par l’oppression et la violence systémique, par le manque de réaction et le rejet des personnes autour d’elle ?
Et je me demande, si un jour j’ai des petits enfants, s’ils vont penser à moi, leur grand-mère folle, de la tendresse au lieu de la honte.
Aimer la folie
Rien n’est simple quand il s’agit de troubles psychiques complexes – il n’y a pas de réponses faciles, de slogans politiques, de webcomics ou de campagnes de sensibilisation qui peuvent englober la réalité complexe et difficile du fait de vivre avec un trouble qui peut être effrayant ou blessant pour les autres.
En tant qu’auteure et que mère, Jade Campbell écrit :
« C’est facile de partager des memes sur Facebook disant que vous êtes solidaires des personnes malades psychiques, mais tant que vous n’y êtes pas vous-même, dans le coeur du problème, vous ne pouvez pas comprendre ce que c’est. Est-ce que vous accepteriez, si un incident lié à la santé mentale avait lieu en face de vous ? Est-ce que vous auriez de la compassion, ou est-ce que vous jugeriez ? »
Pourtant, la réalité de beaucoup d’entre nous, et de beaucoup de personnes que nous aimons, c’est de vivre dans la peur de leur propre esprit. Nous vivons dans la terreur de l’idée, de la possibilité, que nous soyons des marchandises avariées, incapables d’amener quoi que ce soit d’autre que de la douleur et de la honte à nous-même et à ceux qui nous entourent.
Je suis persuadée que personne « ne devient fou.folle » tout.e seul.e. Que nous vivons dans une société qui est génératrice de folie de par sa capacité à traumatiser, et par son déni et son rejet de sa propre complicité dans la création d’individus dérangés et violents.
Si chacun.e avait accès à la sécurité et aux soins, si notre système social était plus ouvert à la diversité des expériences psychologiques et de leur expression, je doute sincèrement que la maladie mentale telle que nous la connaissons existerait.
C’est ce pour quoi nous devons lutter : une plus grande compréhension des mécanismes qui font que l’oppression sociale et les traumatismes intergénérationnelles nourrissent la violence et générèrent plus de traumatismes. On doit réaliser que chacun.e existe sur un spectre qui va de la santé psychique à la maladie psychique, et que personne ne vit sans être affecté.e d’une manière ou d’une autre par le coté « maladie » du spectre.
Nous devons apprendre à reconnaitre, et à aimer la folie que nous trouvons dans chacun.e d’entre nous, pour être capable de mieux contenir et soigner la folie que nous rencontrons dans le monde.

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Kai Cheng Thom est une contributrice pour « Everyday Feminism ». C’est une femme trans d’origine chinoise, auteure, poétesse, et artiste de performances habitant à Montréal. Elle est également détentrice d’un Master en travail social clinique, et elle travaille à créer des soins de santé mentale accessibles et politiquement conscientisés pour la jeunesse marginalisée de sa communauté. Vous pouvez trouver son travail sur son site web et sur « Monster Academy«