
Je suis furax.
Ouais vous allez me dire, je suis souvent furax quand je parle de psychophobie, et effectivement, c’est un sujet qui a tendance à me défriser (et pourtant, sérieux, y a du boulot pour me défriser, aucun fer à lisser n’y est jamais arrivé…)
Je ne vais pas dire que je me suis « faite » à la psychophobie de la société en général, hein, parce que non, je ne m’y fais pas, je ne veux pas m’y faire, et je compte bien continuer, à mon échelle, à lutter bec et ongle là contre.
Mais disons… Elle ne m’atteint plus trop. J’ai appris à ne plus me laisser démonter la gueule par ces remarques, ces incompréhensions, ces discriminations.
Elles sont là, je les combats autant que faire se peut, mais j’arrive à « faire avec ».
Par contre, je crois que je ne m’habituerai jamais au fait que, même dans les milieux militants, même parmi des gens qui se bouffent de plein fouet d’autres discriminations dans la gueule, la psychophobie, bah sérieusement, pas grand monde en a quoi que ce soit à foutre.
Utiliser des termes psy pour qualifier un politicien qui se comporte comme une crevure ? Pas de souci.
Qualifier un violeur de « cinglé », de « fou », alors même que personne n’a jamais évoqué un quelconque diagnostic psy ? Pas de problème.
Renforcer l’amalgame entre « malade mental » et « malsain/violent » ? Tranquille.
Et quand tu as l’audace de le faire remarquer ?
– « Tu détournes la conversation pour ne pas avoir à checker tes privilèges et puis d’ailleurs tu monopolises la conversation alors que tu n’es pas concernée » (Si, je suis concernée par la psychophobie, alors t’es mignon.e mais tu appliques tes théories à toi-même, tu « check tes privilèges », tu « laisses la parole aux concerné.es », et tu fais un minimum gaffe, NOM D’UN CHIEN !)
– « Tu fais la police du langage, tu fais chier ». (Ouais, bah écoute, on va voir si tu vas pas faire la « police du langage » si on prend le droit de qualifier les politiciens foireux de « nègres », ou de « PD », tiens… Ah ouais, ca te plairait très moyen, hein ? Alors pourquoi, sérieusement, on devrait accepter de voir « schizo », « taré », « cinglé », « fou » utilisés comme insultes, en fait ?)
Voir une pareille indifférence concernant la psychophobie parmi des personnes luttant contre d’autres oppressions, sensibilisées, habituées à la démarche militante et intellectuelle d’écouter et de prendre en compte la parole des personnes concernées me déglingue infiniment plus que de voir le quidam lambda avoir la même indifférence.
Ils/elles sont où, les allié.es, quand on parle de lutte contre la psychophobie ? J’en vois pas beaucoup. J’ai cette sale impression qu’on devra tout faire, vraiment tout, par nous-même. Nous les concerné.es.
J’en suis à avoir un sourire béat aux lèvres quand une personne, parfois, répond « Ah oui, désolé.e, je change ça », sans avoir à tergiverser et argumenter pendant deux heures. Comme si j’avais reçu un merveilleux et surtout inattendu cadeau.
C’est supposé être une agréable surprise, quand à l’intérieur même d’un milieu militant luttant pour plus de justice sociale, quelqu’un prend en compte la parole d’une personne concernée ? Ca ne serait pas plutôt supposé être la démarche normale ?
A croire que les discriminations et les violences (sociales, physiques, psychologiques, sexuelles) auxquelles les personnes atteintes dans leur santé psychiques sont exposées (4 fois plus de personnes victimes de violences parmi les personnes malades psychiques que parmi les personnes en bonne santé psychique, c’est pas assez gros, comme chiffre ?), c’est une joyeuse blague.
A croire que même là, la parole des personnes concernées, on la remet un peu en question, quand même, parce que après tout, c’est des fous, va savoir ce qui se passe dans la tête des fous, peut-être qu’ils grossissent le trait après tout…
A croire que défendre les personnes touchées par le racisme, l’homophobie, le sexisme, whatever… ça autorise quand même un peu à fermer les yeux sur ce que se bouffent dans la gueule les malades psy, hein ?
(note : l’image en début d’article est tirée du site « C’est d’la M@rde« , une campagne québecoise de lutte contre les préjugés sur la maladie psychique et la stigmatisation des personnes qui en sont atteintes)