Au delà d’un costume, m’approprier mon corps et envoyer valser les normes

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Ca, c’est le costume que je vais porter dans quelques semaines pour la pièce de théatre dans laquelle je joue (pas terminé, le costume, hein, d’où les patchs de tissu fixés avec des épingles. C’était les essayages avec la costumière pour positionner les patchs sur le justaucorps, justement).

Costume qui m’a déjà valu d’avoir à remettre en place une autre membre de la troupe (« Ca ne te met pas en valeur » « Ca ne te regarde pas, merci ! »).

C’est moulant. Très.

Il y a quelques mois encore, je pense que je n’aurais pas osé le porter.
Que j’aurais refusé ce rôle qui implique en prime de l’expression corporelle, alors que je suis maladroite à l’extrême (au point que la question d’une éventuelle dyspraxie non diagnostiquée s’est posée).
Moi qui ai vécu pendant des années en cachant mon corps autant que possible, en le refusant, en essayant de n’être que « pur esprit » pour ne pas confronter ce corps au regard des autres et à leur jugement, je vais monter sur scène avec un justaucorps moulant, et je vais bouger, danser.

Je réalise le chemin parcouru.
Et je réalise que si ce chemin a été commencé par un travail sur moi-même, le fait de m’impliquer dans une démarche militante contre la grossophobie m’a aidé à parcourir les derniers mètres du chemin.

Monter sur scène dans ce costume, c’est une manière, aussi, de faire un gros fuck à toutes les personnes qui voudraient que je cache ce gras qui pollue leur paysage.

Monter sur scène.
Jouer.
Avec mon corps.

Lire les commentaires. Y répondre. Occuper l’espace internet

« Ne lisez pas les commentaires ».

Vous avez surement déjà lu ce conseil bienveillant lors du partage d’un article de presse sur un sujet « sensible » (racisme, homophobie, sexisme, whatever…)

C’est vrai qu’il faut dire que souvent, ça pique les yeux.
C’est à croire que tout ce que la population mondiale compte de raclure a une passion commune : commenter des articles de presse sur internet.

Le racisme décomplexé, l’homophobie relax, la haine de tout poil dégouline au fil des lignes.
Vous aviez encore des illusions sur l’humanité ? La lecture de trois ou quatre fils de commentaires suffit en général à vous les faire ranger au fond de votre cave, entre les fringues que vous ne mettrez plus jamais mais que vous gardez « au cas où » et les notes de cours que vous avez prises il y a 20 ans mais que vous ne pouvez pas vous résoudre à jeter…

Alors oui, le conseil « ne lisez pas les commentaires ! », il n’est pas insensé si vous tenez à votre moral, à votre santé mentale.

Pourtant – sadique que je suis – je suis sur le point de vous expliquer pourquoi je lis bien souvent les commentaires. Et pourquoi je passe souvent des plombes à y répondre, des fois avec pédagogie, des fois avec une ironie aussi cinglante que possible, en ravalant mes insultes uniquement pour éviter que mes réponses soient effacées par les modérateur.trices travaillant pour les journaux en question.

Et – plus sadique encore – je vais même inviter celles et ceux d’entre vous qui se sentent les nerfs assez solides pour ne pas finir en larmes ou en boule sous leur couette à faire pareil…

Donc… Pourquoi est-il important de lire les commentaires. Et d’y répondre.

Les commentaires, c’est le lieu où se rencontrent tellement de personnes non sensibilisées à toutes les discriminations que nous combattons.
C’est le « Café du Commerce » version Internet.
C’est l’endroit où on peut tâter le terrain de ce que pensent les gens non sensibilisés, non informés.
Souvent, comme je l’ai dit, ça n’est pas très glorieux…
Mais est-ce que tenter de faire tourner un peu d’information digne de ce nom, de réflexion qui vole un peu plus haut que celle de la presse mainstream, c’est forcément inutile ?

Oh, bien sûr, il en faudra plus que quelques commentaires sur le site d’un journal pour faire évoluer les choses. Evidemment.
Mais l’information, c’est une graine semée.
Des fois, le sol est beaucoup trop aride pour que la graine puisse pousser.
Des fois, elle mets des années à germer, mais elle est là, elle attend son heure ou un orage imprévu.
Des fois, contre toute attente, elle germe facilement.

Un commentaire, ça prend quoi… 1 minute ou deux à écrire. Avec un peu d’organisation (des liens sous la main prêts à être copiés, ce genre de chose), ça peut même aller plus vite.

Est-ce qu’une ou deux minutes de plantage de graine ne valent pas la peine d’être tentés ?

Au delà de cette opportunité d’éventuellement ouvrir quelques yeux… Il y a aussi, et c’est à la limite ce qui me motive le plus, même en « milieu hostile », le fait qu’en répondant (de préférence à plusieurs) à des commentaires haineux, on « occupe l’espace ».

Ce que je constate souvent, c’est que les personnes sensibilisées, investies dans diverses luttes pour plus de justice sociale, sont tellement gavés, blasés, blessés par ces commentaires haineux qu’iels ne répondent pas, ou ne répondent plus.
Et ça laisse donc tout l’espace, sans contradiction, aux haineux de tous poils.
Ce qui leur donne un message foireux : « Puisque personne ne dit rien contre ce que je dis, c’est que tout le monde pense comme moi, et donc que j’ai pleinement raison de vomir ma haine sur internet.

Je ne me fais aucune illusion sur le fait de « changer le monde » à coup de commentaires sur des articles de presse.
Mais, à l’heure où sur fond de « crise des migrants », la haine décomplexée se gerbe partout sur internet, à l’heure où les réseaux sociaux et les modérateurs des sites des journaux se bornent à modérer les photos de seins, tout en laissant des appels clairs et nets au meurtre et à la haine dégouliner partout, je pense vraiment qu’il est important de ne pas céder cet espace aux haineux de tous poils.
Aussi décourageant cela soit il de lire des messages dégoulinants de haine, de discrimination… Occuper l’espace, se faire entendre, c’est important.
Et c’est vrai aussi dans ce contexte là…

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En fait, la psychophobie, tout le monde s’en badigeonne le nombril ?

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Je suis furax.
Ouais vous allez me dire, je suis souvent furax quand je parle de psychophobie, et effectivement, c’est un sujet qui a tendance à me défriser (et pourtant, sérieux, y a du boulot pour me défriser, aucun fer à lisser n’y est jamais arrivé…)

Je ne vais pas dire que je me suis « faite » à la psychophobie de la société en général, hein, parce que non, je ne m’y fais pas, je ne veux pas m’y faire, et je compte bien continuer, à mon échelle, à lutter bec et ongle là contre.

Mais disons… Elle ne m’atteint plus trop. J’ai appris à ne plus me laisser démonter la gueule par ces remarques, ces incompréhensions, ces discriminations.
Elles sont là, je les combats autant que faire se peut, mais j’arrive à « faire avec ».

Par contre, je crois que je ne m’habituerai jamais au fait que, même dans les milieux militants, même parmi des gens qui se bouffent de plein fouet d’autres discriminations dans la gueule, la psychophobie, bah sérieusement, pas grand monde en a quoi que ce soit à foutre.

Utiliser des termes psy pour qualifier un politicien qui se comporte comme une crevure ? Pas de souci.
Qualifier un violeur de « cinglé », de « fou », alors même que personne n’a jamais évoqué un quelconque diagnostic psy ? Pas de problème.
Renforcer l’amalgame entre « malade mental » et « malsain/violent » ? Tranquille.

Et quand tu as l’audace de le faire remarquer ?
– « Tu détournes la conversation pour ne pas avoir à checker tes privilèges et puis d’ailleurs tu monopolises la conversation alors que tu n’es pas concernée » (Si, je suis concernée par la psychophobie, alors t’es mignon.e mais tu appliques tes théories à toi-même, tu « check tes privilèges », tu « laisses la parole aux concerné.es », et tu fais un minimum gaffe, NOM D’UN CHIEN !)
– « Tu fais la police du langage, tu fais chier ». (Ouais, bah écoute, on va voir si tu vas pas faire la « police du langage » si on prend le droit de qualifier les politiciens foireux de « nègres », ou de « PD », tiens… Ah ouais, ca te plairait très moyen, hein ? Alors pourquoi, sérieusement, on devrait accepter de voir « schizo », « taré », « cinglé », « fou » utilisés comme insultes, en fait ?)

Voir une pareille indifférence concernant la psychophobie parmi des personnes luttant contre d’autres oppressions, sensibilisées, habituées à la démarche militante et intellectuelle d’écouter et de prendre en compte la parole des personnes concernées me déglingue infiniment plus que de voir le quidam lambda avoir la même indifférence.

Ils/elles sont où, les allié.es, quand on parle de lutte contre la psychophobie ? J’en vois pas beaucoup. J’ai cette sale impression qu’on devra tout faire, vraiment tout, par nous-même. Nous les concerné.es.
J’en suis à avoir un sourire béat aux lèvres quand une personne, parfois, répond « Ah oui, désolé.e, je change ça », sans avoir à tergiverser et argumenter pendant deux heures. Comme si j’avais reçu un merveilleux et surtout inattendu cadeau.

C’est supposé être une agréable surprise, quand à l’intérieur même d’un milieu militant luttant pour plus de justice sociale, quelqu’un prend en compte la parole d’une personne concernée ? Ca ne serait pas plutôt supposé être la démarche normale ?

A croire que les discriminations et les violences (sociales, physiques, psychologiques, sexuelles) auxquelles les personnes atteintes dans leur santé psychiques sont exposées (4 fois plus de personnes victimes de violences parmi les personnes malades psychiques que parmi les personnes en bonne santé psychique, c’est pas assez gros, comme chiffre ?), c’est une joyeuse blague.
A croire que même là, la parole des personnes concernées, on la remet un peu en question, quand même, parce que après tout, c’est des fous, va savoir ce qui se passe dans la tête des fous, peut-être qu’ils grossissent le trait après tout…

A croire que défendre les personnes touchées par le racisme, l’homophobie, le sexisme, whatever… ça autorise quand même un peu à fermer les yeux sur ce que se bouffent dans la gueule les malades psy, hein ?

(note : l’image en début d’article est tirée du site « C’est d’la M@rde« , une campagne québecoise de lutte contre les préjugés sur la maladie psychique et la stigmatisation des personnes qui en sont atteintes)