« Laisse passer le Ronflex ».
Voilà comment, en début d’une vidéo sur PokemonGo, Squeezie, youtubeur bien connu et très suivi, parle d’une femme visiblement « en surpoids » qu’il croise dans la rue lors de son tournage.
Après avoir déjà fait polémique il y a quelques temps avec une vidéo présentant un jeu « trop lol » qui banalise totalement le harcèlement de rue et les agressions sexuelles (lire à ce sujet cet article du blog « Sans Compromis » qui avait relaté l’épisode), Squeezie tape cette fois ci dans le bon vieil humour grossophobe.
C’est TELLEMENT original, n’est-ce pas, de comparer une personne grosse à un animal (réel ou imaginaire).
Mes lecteur.trices gros.ses pourront confirmer que « Sauvez Willy », « Mate la grosse vache », et autres déclinaisons zoologiques, c’est CARREMENT INEDIT, n’est-ce pas ?
Se foutre de la gueule d’une grosse, quelle originalité…
C’est déjà lamentable venant du quidam lambda, mais venant d’un youtubeur suivi par des milliers de personnes, c’est un message particulièrement crade qui est délivré : « Se foutre de la gueule des gros.ses dans la rue, c’est totalement acceptable, d’ailleurs, même Squeezie le fait ».
Chouette message, y a pas à dire.
Légitimer le harcèlement de rue grossophobe, quelle excellente idée… Bravo et merci, Squeezie, non vraiment. On avait TOUT A FAIT besoin de ça.
Ce brave Squeezie sait-il que beaucoup de personnes grosses / en surpoids / obèses sont littéralement mortes de trouilles à l’idée de sortir, précisément à cause de ce genre de bouse ?
Ce brave Squeezie en a-t-il seulement quelque chose à foutre, de ne pas enfoncer à coup de latte dans la tronche des personnes déjà stigmatisées dans la société ?
Manifestement : non.

Déjà bien en colère de cet nième vacherie grossophobe, un petit coup d’oeil au Twitter du youtubeur a parachevé le travail.
Une des dernières vidéos de Squeezie enfonce en masse les clichés du sexisme, de la grossophobie (encore), avec une petite touche de racisme et de classisme en rab. Et une bonne dose de slutshaming en guise de glaçage sur le gâteau de merde.
Ca fait rêver, n’est ce pas ?
Venez donc découvrir avec moi « Comment devenir répugnante ? », sa présentation d’un jeu qui permet d’endosser le rôle d’une moche qui veut devenir baisable (parce que c’est bien connu, les moches, les grosses, elles ne baisent pas, hein !).
Vous n’avez pas envie ?
Je comprends. Je me le suis infligée pour pouvoir écrire cet article en toute connaissance de cause, mais… AIE, MES YEUX, ILS SAIGNENT !
6 minutes 30 à entendre à quel point on est imbaisable si on est grosse et qu’on a de l’acné, à quel point à voir une nana « moche » se faire qualifier de « SDF qui a fait de la chirurgie esthétique », à voir Squeezie enfoncer les portes du slutshaming quant à la vie sexuelle de l’héroine du jeu… Ouais bon, je les aurais probablement utilisées plus agréablement en nettoyant mes chiottes.
Au delà des vidéos (dont je n’ai même pas envie de parler plus longuement, vu le niveau de leur contenu…), si j’ai décidé de prendre le temps de consacrer cet article à ces bouses, c’est parce que la visibilité dont bénéficie Squeezie, en particulier auprès d’enfants et d’adolescents, fait que ce genre de vidéo va bien au delà du simple « humour de mauvais goût ».
Je sais, je sais : Squeezie aime beaucoup se dédouaner en disant que « il n’est pas responsable du fait que les parents laissent leurs enfants regarder n’importe quoi sur internet ».
Pour autant, il ne crache pas dans la soupe quant il s’agit d’encaisser les revenus générés par ce public très jeune, n’est ce pas ?
Son choix d’adopter un langage « ado », il est délibéré et cible VOLONTAIREMENT ce public. Donc, want it or not, il DOIT assumer la responsabilité de l’impact sur ce jeune public de ce qu’il diffuse.
Dois-je rappeler que les « gros.ses », les « moches » font parties des cibles privilégiées du harcèlement scolaire ?
Dois-je rappeler que la banalisation du sexisme et du slutshaming contribue à la culture du viol, aux agressions sexuelles, y compris dans les cours d’école ?
Est-ce vraiment là le message qu’il souhaite faire passer à son public ?
Que les « gros.ses », les « moches » sont des trucs déshumanisés dont on peut se moquer à loisir ?
Que la femme est un bout de viande dont la valeur s’évalue au nombre de ses plans culs (Pas trop sinon c’est une salope, pas trop peu sinon c’est une moche frigide) ?
Est-ce qu’il va encore se dédouaner derrière la responsabilité des parents de contrôler ce que leurs enfants regardent, ou est-ce qu’il va, cette fois ci, prendre en compte ces remarques, et en tenir compte à l’avenir ?
Je crains malheureusement que l’attrait de l’argent facile, associé au succès de l’humour oppressif dans notre société, n’ait le dessus sur une certaine réflexion éthique sur les vidéos qu’il produit, mais… l’avenir nous le dira, n’est-ce pas ?