Homophobie vs racisme : quoi et comment dénoncer ?

Un article qui comprendra surement plus de questions que de réponses…

N’étant pas hétéro, je ne peux pas ne pas être touchée, révoltée, en colère, quand je lis que des personnes sont menacées, violentées, torturées, emprisonnées ou mises à mort à cause de leur homosexualité.
Où que ça soit dans le monde.
Ici ou ailleurs.

Ca me touche droit au bide, avec à chaque fois la pensée obsédante : ça pourrait être moi.
Je pourrais être la personne agressée, ici ou ailleurs.
je pourrais être la personne emprisonnée, si tant est que les caprices de la géographie m’aient fait naître ailleurs.
Je pourrais être la personne mise à mort.

Alors quand je lis « 7 hommes emprisonnés au Sénégal pour cause d’homosexualité« , ou autres horreurs dans ce genre là, j’ai envie de hurler l’information, de faire tourner la pétition, tout ça.

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Après, j’ai aussi lu les réactions – tout aussi légitimes je pense – de personnes qui craignent que ce genre de partage et de mobilisation n’attisent le racisme. Que ça soit dans une optique néocolonialiste (« Nous qui sommes tellement en avance sur vous, nous allons vous apprendre la vie »).

Et on ne peut pas dire que ces craintes soient infondées, quand on voit le nombre de personnes qui se découvrent une grosse envie de lutter contre l’homophobie, ou contre le sexisme, si ça leur donne l’occasion de casser au passage sur « les Africains », sur « les musulmans » , ou encore de faire valoir la supériorité de nos sociétés occidentales sur… tout le reste du monde en fait.

Pour autant, je n’arrive pas à me dire qu’il ne faut pas, jamais, sous aucun prétexte, dénoncer les actes homophobes qui se passent dans d’autres cultures.
Ca me touche trop, ça m’écorche trop la gueule pour arriver à juste me taire, fermer les yeux très fort pour ne pas voir, et attendre que le changement se passe.

A plus forte raison… On parle souvent de laisser la parole aux concerné.es. Et c’est vrai, c’est important, c’est capital même. Bien sûr que si on étouffe la parole des personnes LGBT+ vivant directement sur place sous notre parole de personnes LGBT+ occidentales, on fait plus de mal que de bien.

Mais par contre… La parole des concerné.es, dans des pays où l’homosexualité est passible de sanction pénales, elle peine souvent à se faire entendre. Parce que les gens ont la trouille, et ma foi c’est plus que largement compréhensible…
Est-ce que j’assumerais aussi « facilement » mon orientation sexuelle publiquement si je risquais de me retrouver en prison, ou éventuellement torturée ou tuée à cause de ça ? Sincèrement, j’aimerais bien dire que oui, que je serais courageuse et brave, mais sincèrement, je n’en suis de loin pas sure. Parce que voyez-vous, je tiens « un peu » à la vie, quand même…

Alors est-ce qu’on peut raisonnablement attendre uniquement la parole des concerné.es, quand elle est étouffée sous la menace ?
Est-ce vraiment complètement inutile et contreproductif de dénoncer ce qui se passe ailleurs ?

Est-ce qu’en faisant gaffe à la manière, en faisant gaffe à recadrer les réactions qui friseraient de trop près le racisme, il n’est pas possible (et utile ?) de dénoncer ce qui se passe « ailleurs », quand ce qui se passe ailleurs nous retourne les tripes comme si on les essorait dans une centrifugeuse ?

Est-ce que « les concerné.es », dans une telle situation, ça n’est pas aussi toutes les personnes LGBT+ qui se sentent immédiatement solidaires et touchées par ce qui arrivent à d’autres personnes LGBT+ quelque part dans le monde ?

Est-ce forcément raciste de dénoncer les crimes transphobes et homophobes à la pelle au Brésil ?
Est-ce forcément raciste de dénoncer l’arrestation de ces 7 homosexuels au Sénégal ?
Est-ce forcément xénophobe de hurler devant la situation des personnes homosexuelles en Russie ?

Où se situe la limite entre le respect (normal et légitime) des autres cultures, et l’indifférence puante envers des gens qui morflent et qui n’ont que peu de possibilité de faire entendre leur voix parce que ça pourrait leur couter la vie ?

8 phrases qui se terminent par des « ? » sur un article de moins de 700 mots… je vous avais dit qu’il y aurait plus de questions que de réponses…

Vita Liberté : La pub 100% Low Cost (et grossophobe, aussi)

Les articles se suivent, et se ressemblent un peu.

Après Causette, après la PETA, c’est Vita Liberté, « la chaine de salles de sport 100% Low Cost » qui nous gratifie d’une campagne de pub brillant de milles feux par sa grossophobie.

Je pourrais me dire « Oh, marre de râler tout le temps sur la même chose », mais il n’est pas question pour moi de « râler », mais de dénoncer. De faire tourner l’information.

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On admirera la finesse, la subtilité (et l’originalité incroyable, aussi) du slogan :

« Vous êtes grosses et moches … Payez 19 Euro 90 et soyez seulement moches ! »

Quoi ? Je pourrais donc devenir mince pour 19 Euro 90 par mois ?
(Ah mais par contre, je serai toujours moche, hein).

Y a pas à dire, ça donne envie.

Que dire… Que dire, à part que j’en ai marre ? Que dire à part que la grossophobie de notre société me fatigue. Me fatigue tellement plus que le fait de porter mes 130 kg, en fait.

Que dire, à part que je ne me contente pas du « mais c’est du second degré, vous avez pas d’humour ! » des réponses de Vita Liberté.

On me dira surement : « Mais c’est voulu, c’est parce que le bad buzz est plus vendeur que les bonnes campagnes de pub, vous faites leur jeu en en parlant ».
C’est vrai. C’est très probablement un bad buzz calculé et volontaire.
C’est très probablement pour qu’on parle d’eux.

Mais quoi ? Que faudrait-il faire, alors ?
Se taire ?
Avaler une couleuvre de plus, sans broncher ?
Se creuser un peu plus un ulcère à coup de rage ravalée ?
Lire sans moufter les commentaires immondes de tant de quidam lambda qui, sur la page FB de Viva Liberté, expliquent en long et en large que c’est trop vrai, que les gros.ses devraient faire du sport ?
Laisser faire, laisser dire, pour ne pas alimenter le « bad buzz » ?

Ma rage, je l’ai ravalée trop longtemps.
Ma rage, je l’ai retournée contre moi-même trop longtemps.
Ma rage, transformée en haine de moi-même, elle m’a pourri mon adolescence et mon entrée dans l’âge adulte. Je garde le souvenir cuisant des années passées à cacher mon corps à tout prix, à m’autoflageller d’être « un gros tas laid et suintant de gras » (grossophobie intériorisée, bonjour !).

Ces années là sont derrière moi, je n’ai plus honte de moi, de mon corps, de mon vécu, de qui je suis.
Mais je connais le prix, en efforts, en remises en question, en déconstruction, de cette confiance en moi. Je sais au prix de quelles galères je l’ai gagnée, cette confiance en moi.

Alors non, je refuse de me taire face à des bouses pareilles, je refuse de fermer les yeux sur l’affiche de Vita Liberté et sur toutes les autres merdes du même acabit.

Parce que, bad buzz ou pas, les « grosses et moches », elles se le bouffent dans la gueule, ce message.
Là où maintenant je réagis avec mon clavier et ma rage, il y a 15 ans, cette campagne de pub, elle m’aurait « juste » fait me dire un peu plus que j’étais une merde.

Vita Liberté, vous êtes vraiment prêts à assumer ça ? A assumer cette souffrance infligée ? A assumer votre participation au taux de dépression (5 fois plus élevé chez les personnes obèses que chez les personnes dont le poids est dans la norme, à cause de la stigmatisation dont elles sont victimes, selon cette source) ? A assumer par conséquent le taux de suicide lié à ces dépressions ?

Et au delà des conséquences sur l’estime de soi, au delà de la dépression… Saviez vous, Vita Liberté, qu’être gros.se entraine des discriminations à l’embauche, des discriminations dans le monde médical, des discriminations sur tout plein de plans ? Savez vous, aussi, que chaque fois qu’on banalise la grossophobie sous couvert d’humour comme vous le faites, c’est aussi ça qu’on encourage ?

Arrêtez deux minutes avec votre « second degré mais vous comprenez pas c’est de l’humour et de la communication ».
Maintenant, vous ne pourrez plus dire que vous ne réalisez pas les conséquences de cette campagne de publicité.
Les conséquences, vous les avez sous les yeux. Dans ce blog, mais aussi au travers des nombreuses personnes qui vous ont interpelé, notamment sur votre page Facebook.

PETA : grossophobie, sexisme, validisme… Vous comptez vous arrêter, un jour ?

Cher.es lecteurs.trices, connaissez vous la PETA ?

Cette grosse organisation, internationale, milite pour les droits des animaux.
(Jusque là, ça a l’air bien, hein ? C’est vrai, c’est important que les animaux soient traités de manière éthique).
Je ne vais pas débattre ici sur toutes les questions des droits des animaux, sur le spécisme (= fait de considérer l’espèce humaine comme étant intrinsèquement supérieure aux autres espèces animales, et donc de considérer que les humains ont droit de vie, de mort et d’exploitation sur les animaux).
Déjà parce que honnêtement dit, je ne m’y connais de loin pas assez pour dire des trucs pertinents, et d’autre part parce que bah… C’est pas le sujet de cet article.

Parce que là, franchement, la PETA, je n’ai pas vraiment envie d’en faire l’éloge.
Vraiment pas. Du tout. Même pas un tout petit peu.
Je suis même PLUTÔT FURAX là tout de suite.

Parce que voyez vous, la PETA, sous prétexte de défendre les droits des animaux, elle cumule les campagnes PLUTÔT DOUTEUSES, et les déclarations VRAIMENT FOIREUSES.

Je vais donc décortiquer trois de leurs « exploits », qui m’ont sérieusement fait grincer des dents.
En commençant par le dernier truc en date à m’être tombé sous les yeux (yeux qui se sont instantanément écarquillés dans un gros WHAT THE FUCK PETA WHAT THE HELL ARE YOU DOING ?!) :

Voilà ce qu’on trouve sur le site de PETA France, dans leur FAQ (http://www.petafrance.com/faq-general.asp) :

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Oui.
Vous avez bien lu.
« De la même façon, un handicapé mental a des droits, même s’il n’est pas mignon ou si personne ne l’aime ».
Tranquille, la PETA enfonce la porte déjà largement ouverte de la discrimination envers les personnes handicapées. A plus forte raison handicapées mentales.

Breaking news : oui, les personnes en situation de handicap mental sont aimé.es. Par leur famille, par leur entourage, par leurs amis, par leurs potes (handicapés ou non, d’ailleurs), par les personnes qui s’occupent d’eux s’ils sont placés en institution, par… plein de monde, en fait.
J’ai bossé avec des personnes mentalement handicapées en institution, y compris avec des personnes âgées n’ayant plus vraiment de famille qui venait les voir ou se préoccupait d’eux, mais pour autant, je n’en ai jamais rencontré un.e seul.e qui ne soit pas aimé.e.

Pas mignons ? Ca veut dire quoi, mignon, déjà ? Non parce que j’ai pas de définition universelle de « mignon », moi. Explique moi, PETA, c’est quoi une personne mignonne ?
Correspondre à la « beauté classique des magazines » ? Rentrer dans les « standards de la beauté normés par la société » ? C’est ça, être mignon.ne ?
Vraiment ?

Oui, les personnes en situation de handicap mental sont aimées.
Non, elles n’ont pas à requérir la validation de la PETA (ou de la société, ou de qui que ce soit) sur leur beauté ou leur mignonitude.

Et, PETA, merci d’arrêter de les utiliser comme argument, comme des pions à votre disposition pour étayer vos arguments. Les personnes mentalement handicapées sont des personnes à part entière, pas des ressorts argumentatifs.

Tiens, on parlait de la validation de la PETA sur la beauté des gens…
Vous serez surement ravi.es d’apprendre que PETA s’éclate aussi à tailler dans le gras des personnes obèses :

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Traduction : Sauvez les baleines, perdez la graisse : devenez végétarien.

Voilà voilà.
Tout en subtilité, en finesse, n’est-ce pas ?
Je suis sûre que tout comme moi, vous êtes absolument bluffé.es par l’originalité du slogan en plus, non ?
C’est vrai quoi, les blagues vaseuses sur « Sauvez Willy !! » et autre variations autour du thème des cétacés, sur le passage d’un gros.se, c’est TELLEMENT INEDIT.
Oula.
Merveilleux. Donc… Pour défendre les droits des animaux, la PETA utilise les mêmes ressorts que les enfoiré.es grossophobes qui m’ont pourri mon adolescence.
Et c’est supposé… Me sensibiliser à quoi que ce soit, à part à l’envie de foutre le feu à ces affiches ?

Tant qu’à utiliser cet article pour faire autre chose que grogner, je rappellerai que la malbouffe est loin d’être le facteur le plus décisif en matière de surpoids ou d’obésité.
L’obésité est multifactorielle. Et a une foule de causes qui sont très loin de la fréquentation trop assidue du Mc Do et de la consommation abusive de viande. Parmi elles : les troubles du comportement alimentaire, la précarité financière (oui, la bouffe pas chère est rarement la plus saine…), les problèmes hormonaux, la prise de médicaments (corticoïdes ou psychotropes, en particulier, mais il y en a probablement d’autres qui peuvent entrainer une prise de poids), les problèmes métaboliques.
Non, la solution à l’obésité ne se résume pas à « arrêter de manger au Mc Do ». Et, by the way… Je connais des personnes végétariennes ou vegan en surpoids ou obèses…
Donc non seulement la campagne de pub de la PETA est grossophobe et blessante, mais en plus, elle repose sur du pur flan d’un point de vue médical.
Grossophobie : +100
Crédibilité : -100.
Bravo, PETA, bravo…

Et pour finir ce rapide tour d’horizon des campagnes et déclarations de la PETA qui m’ont fait grincer des dents, vous prendrez bien un peu de sexisme ?

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Cette campagne, signée Bryan Adams (merde, je préférais quand il était un des chanteurs de mon adolescence, tiens…), suinte magistralement de sexisme.
Et en prime, m’a fait ricaner.
Là aussi… OMG comme c’est révolutionnaire, comme idée, de comparer une femme (ici Zahia) à un assemblage de bouts de viande.
Euh… C’est tellement révolutionnaire que j’ai cette impression environ 10 fois par jour dans la rue ou les transports en commun, d’être un steak sur l’étalage d’un boucher, hein.
Chouette, défendons les animaux non-humain tout en reprenant allègrement le regard creepy qui se ramassent constamment les animaux humains femelles, hein, c’est une TELLEMENT EXCELLENTE IDEE.

Entendons-nous, ça n’est absolument pas la démarche de Zahia, le fait qu’elle ait choisi de poser pour cette campagne que je critique. C’est son corps, elle en fait ce qu’elle veut, c’est son droit le plus strict et ça n’a pas à être critiqué et jugé.
En revanche, la démarche du concepteur (homme, donc) de la campagne me dérange nettement, NETTEMENT plus.

PETA, sérieusement…
Lutter pour un traitement éthique des animaux non-humains, c’est bien.
Par contre, si pour ça tu te permets de renforcer une par une chaque discrimination à l’intérieur de la race humaine, je me permettrai (tant qu’à faire un truc utile aux animaux de tes campagnes de pub et de ta communication foireuse) de récupérer tes affiches pour en faire une litière 100% recyclée pour mes chats. Je suis sûre qu’il se feront un plaisir de faire caca dessus…

Chère Causette, on va encore s’engueuler, je crois !

Chère Causette,

Ayant écrit à ta rédaction sans avoir de réponse, tu me permettras d’utiliser mon blog pour m’adresser à toi, hein.
Je sais que tu n’es pas très fan du fait qu’on te critique publiquement, mais ma foi, si tu ne prends pas le temps de répondre aux personnes qui s’adressent poliment à toi, tu pourras difficilement les blâmer de rendre publiques leurs griefs, n’est ce pas ? C’est un peu le principe de la liberté d’expression, n’est ce pas ?

Causette, il faut qu’on parle de ton dernier « hors série » sur la manipulation.

Dans ce hors série, tu consacres un dossier à la « manipulation par l’industrie pharmaceutique ». L’idée avait l’air sympathique, au premier abord : dénoncer l’emprise qu’a l’industrie pharmaceutique sur le monde médical, ça ne me paraissait pas inintéressant, comme idée.

Malheureusement, elle est un peu partie en vrille, ton idée.

Elle est partie en vrille parce que, là où tu aurais pu te placer du côté des patient.es, tu as fait tout le contraire.

Parlons un peu, si tu veux bien, de l’espèce de jeu (ahah, c’est tellement ludique, la maladie, comme sujet… Non vraiment hein, qu’est ce qu’on se marre…) qui, sous la plume, la tablette graphique ou le stylo de Eric La Blanche, avec un pseudo-humour qui ne fera rire que les gens en bonne santé, nous demande de relier des « pseudos-maladies » avec « ce qu’elles sont en réalité ».

J’ai ainsi découvert que je suis obèse non pas à cause de mon hyperphagie, mais à cause de ma gloutonnerie.
J’ai découvert que j’ai eu besoin d’un suivi psychiatrique de plusieurs années pour mon « impulsivité », et que le psychiatre qui a parlé de trouble borderline n’est selon toi qu’un escroc à la botte des pharmas.
J’ai découvert aussi les trois amies qui ont mis fin à leurs jours à cause de leur dépression sévère n’étaient quand même que de sacrés connes incapable de gérer un deuil correctement, à tes yeux. Et en tous cas pas des personnes malades qui ont succombé à leur maladie. J’irai leur raconter ça sur leur tombe, à l’occasion. Sans oublier de l’expliquer à leur famille, n’est ce pas ?

J’expliquerai aussi à la pote que sa fibromyalgie empêche de travailler normalement qu’elle n’est qu’une feignasse, que ses douleurs sont imaginaires, et qu’elle devrait quand même se bouger un peu le cul.
Je suis sûre que ça va l’aider plus que tous ces médicaments qu’elle prend « pour rien », hein, vu que sa maladie est inventée par les pharmas…

Sérieusement Causette… Tu te fous de notre gueule, hein ?

C’était une blague, cet article ? Tu t’es foiré dans les dates, ça devait paraitre le premier avril, c’est ça ?

Elle me fait pas rire, ta blague. Du tout.

Tu voulais taper sur la gueule des « puissants pharmas », et pourtant, c’est sur notre gueule à nous, les pas puissant.es, les stigmatisé.es, que tu tapes.

Parce que tu sais, quand on souffre d’une maladie invisible, toute cette merde là, tous ces lieux communs, on ne t’avait pas attendu pour les entendre.

Tu sais ce que c’est la psychophobie, Causette ?
On ne dirait pas, alors je vais t’expliquer : c’est le fait de stigmatiser les personnes malades psychiques.
Vu que l’essentiel de ta liste concerne les maladies psychiques, il aurait été utile que tu puisses te renseigner, avant de laisser publier une merde pareille, sur ce que vivent les personnes malades psychiques. Peut-être même que tu leur demandes directement, tiens. Et encore mieux : que tu leur laisses un peu la parole, au lieu de la donner à Eric La Planche et son humour douteux…
Parce que figure toi que la stigmatisation, la méconnaissance crasse, et les jugement à l’emporte-pièce comme ceux que tu as fait, ça tue des gens.
Parce qu’on nous répète tellement que « c’est juste une histoire de volonté » que plein de gens ne vont pas chercher l’aide dont ils/elles auraient eu besoin.

Si je peux me permettre un conseil, Causette… Arrête de nous prendre pour des abruti.es, tu veux bien ?
Sous couvert de pseudo-féminisme, tu n’es qu’un journal de plus qui véhicule des lieux communs dangereux.
Alors ton « plus féminin du cerveau que du capiton »… Tu peux te le garder, vraiment. Parce que si c’est ça l’image que tu as de l’intelligence féminine… Permets moi de te dire que moi, mon cerveau, mes maladies imaginaires et mes 130 kilos de gloutonnerie, on t’emmerde.

Cordialement.

Lau’

—-

Pour les personnes qui n’auraient pas eu sous les yeux le fameux hors série de Causette, je vous offre la chance (petit.es veinard.es…) de jeter un oeil au fameux jeux d’Eric La Blanche.

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(la qualité de l’image vaut ce qu’elle vaut. Du coup, au lieu de vous infliger de faire le jeu vous-même, je vous spoile la liste des solutions :

Tension normale – hypertension
Cholestérol normal – excès de cholestérol.
Taux de sucre normal – prédiabète.
Densité osseuse normale – Ostéopénie densiométrique
Gaité suspecte – syndrome de Sissi
Timidité – phobie sociale
Distraction – trouble déficitaire de l’attention
Caprices – syndrome de l’humeur explosive
Bougeotte – syndrome des jambes sans repos
Deuil – trouble dépressif majeur
Ménopause – trouble du climatère
Règles – syndrome dysphorique prémenstruel
Pas de soir chéri – dysfonction sexuelle féminine
Pas ce soir chérie – dysfonction érectile
Grattage – dermatilomanie
Obsession sexuelle – hypersexualité
Excès d’internet – cyberdépendance
Douleurs diffuses – Fibromyalgie
Glandouille – Maladie du désœuvrement
Optimisme – Trouble généralisé de la gaité.
Surveillance de l’alimentation – orthorexie
Tristesse – dysphorie
Impulsivité – trouble de la personnalité borderline
Indifférence – Trouble de la personnalité antisociale
Egocentrisme – Trouble de la personnalité narcissique
Besoin de plaire – Trouble de la personnalité histrionique
Réserve – Trouble de la personnalité évitante
Gloutonnerie – hyperphagie boulimique
Accumulation d’objets – syllogomanie

Vous apprécierez surement, si vous êtes atteint.e de l’une ou l’autre des maladies citées…)

[Traduction] Si on parlait des autres causes de mort comme on parle du suicide

Avec l’autorisation de Josh (MHPOV.com), j’ai traduit de l’anglais au français cette petite BD, qui met mieux qu’on long pavé en évidence toute l’absurdité du regard de la société sur le suicide.

Parce qu’il est temps de cesser d’avoir un regard « moral » sur la dépression, et sur son issue parfois fatale par suicide, et que le monde commence à réaliser que oui, la maladie psy « c’est dans la tête » (effectivement, le cerveau se trouve dans la tête, breaking news. Mais ça n’en est pas moins un vrai organe, avec des vraies dysfonctionnements, des vraies maladies !), mais ça n’est pas pour autant une histoire de « volonté », de « demande d’attention », de « paresse », de « faiblesse ».

La dépression est une maladie. Rien de plus. Rien de moins. Et des fois, c’est une maladie mortelle. Dont il n’est pas plus « honteux » ou « ridicule » de mourir que si on meurt d’un cancer, d’une attaque ou dans un accident…

Voilà donc la BD, traduite de l’anglais au français :

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« Sois fier.e de ce que tu es », ou comment culpabiliser celles et ceux qui n’y arrivent pas…

On vit dans un monde où les « Prides » se multiplient.
Dans un culte de la visibilité.
Pour contrebalancer les discriminations, les militant.es luttant contre tout plein de formes de discrimination ont fait le choix (que je ne critique en aucun cas, il est absolument nécessaire, ce choix !), de la visibilité. De montrer qu’on peut être homo/trans/gros.se/malade psychique/handicapé.e/racisé.e/toute autre catégorie socialement discriminée, et le revendiquer.
De montrer qu’on peut lutter contre l’injonction que nous fait la société à se terrer dans un trou de souris et à nous faire le plus possible oublier.

Sortir du placard.
Faire son coming-out.
Descendre dans la rue.

Mais aussi :

Ne pas plier devant les insultes.
Se blinder pour ne plus qu’elles nous touchent.
Etre fier.es de nous.

Tout ça, je l’ai dit, et je le répète parce que je pense qu’on ne le dira jamais vraiment assez… C’EST NECESSAIRE. Il faut le faire. Récupérer l’espace public, les médias, la parole. Imposer notre présence et notre existence, sans attendre un hypothétique monde meilleur où on nous laissera de la place.

Du moins… Il faut que des gens le fassent.

Je suis par contre un peu dubitative, et un peu inquiète, quand je vois cette visibilité devenir une injonction. Quand je vois les personnes qui disent leur désarroi face aux discriminations et aux insultes se voir enjoindre à « prendre confiance en elles », à « s’affirmer », à « ne plus se laisser atteindre ».

Mouais.

Des exemples ?

Ils seront, une fois encore, tiré d’échanges sur internet (on pourrait presque croire que je passe ma vie sur internet, hein, à force. Mais promis, des fois je sors de chez moi. Ca arrive!) :

Un journal publie un article sur le coming out de ne je sais plus quelle star quant à son homosexualité.
Dans l’échange de commentaires qui s’en suit, je lis notamment que « les stars homos devraient toutes faire leur coming out public, ça serait un message fort contre l’homophobie ».

Mouais… Et si elles n’en ont pas envie ?
Et si elles n’ont pas la force de se farcir des centaines de haters homophobes ?
Cela ferait-il d’elles des homos moins dignes de respect ? Des stars moins dignes d’intérêt ?

Autre exemple. Dans une discussion sur les insultes grossophobes, une personne dit qu’elle rentre chez elle en miettes à chaque fois qu’elle se fait insulter dans la rue.
Réponse : il faut que tu prennes confiance en toi, il faut que tu t’affirmes, « ton corps tes choix ».
Surement. Dans l’absolu, surement que ça serait « le mieux/l’idéal ».
Mais je crois que dans cet échange, la personne aurait surtout eu besoin qu’on la rassure, qu’on lui dise que non, elle n’a pas à vivre ça, que c’est dégueulasse qu’elle ait à subir ces insultes. Et aussi qu’elle n’est pas faible et méprisable d’être atteinte par ces vacheries.

Ce sont deux situations relativement différentes, entre la star homo et la grosse insultée sur son poids, mais…
J’ai l’impression que l’injonction sous-jacente est la même :

C’est aux personnes discriminées d’être fortes et fières, d’être des rocs sur lesquels l’océan des discriminations diverses viendra se briser et s’échouer.

Pour autant… Je suis inquiète. Inquiète que cette nécessaire visibilité ait pour dommage collatéral de mettre un coup de botte supplémentaire sur le crâne des personnes qui, pour x raisons, ne peuvent pas ou ne veulent pas avoir cette visibilité. Des personnes qui, pour x raisons, n’arrivent pas à rester de marbre sous les insultes.
Non seulement la société les dévalorise et les écrase parce qu’elles sont homo/trans/gros.se/malade psychique/handicapé.e/racisé.e/toute autre catégorie socialement discriminée…
Mais leurs « semblables » les dévalorisent parce qu’elles n’arrivent pas à « s’assumer ».

A ces personnes là, à celles qui restent dans le placard ou qui chialent sous les insultes, j’ai envie d’adresser ce message :
Vous êtes tout autant valables et importantes et précieuses et dignes que les personnes qui brandissent une banderole dans la rue.
Vous êtes tout autant valables et importantes et précieuses et dignes que les personnes qui prennent leur plume ou leur clavier pour écrire des textes militants.
Vous êtes tout autant valables et importantes et précieuses et dignes que les personnes qui peuvent encaisser les insultes sans broncher.

Et surtout : ça n’est pas aux personnes discriminées d’arrêter de souffrir et d’avoir peur… Mais à la société d’arrêter de discriminer et d’écraser.

« La borderline violeuse » et autre bullshit télévisuel

Tiré d’une série télé (New York Unité Spéciale, pour ne pas la nommer) :

« Ah, cette enseignante, accusée d’avoir abusé d’un élève, se scarifiait quand elle était plus jeune ? Et elle a fait une tentative de suicide par le passé ?
*air grave de l’expert psychiatre*
Ca fait penser à un trouble borderline. Et les études ont démontré que les femmes abuseuses sont souvent borderline ».

Voilà voilà…

Vous la voyez, mon humeur de chacal ?
Vous la sentez entre les lignes de mon article ?

Non ?

Moi je vous assure que oui. Je la sens bien, ma mauvaise humeur.

Et je vais vous expliquer pourquoi.

Il fut un temps, dans mon jeune âge, où je suis partie passablement en vrille.
Dépression, automutilation, crises d’angoisse, troubles du comportement alimentaire.

Au lieu de continuer à faire de la merde et à m’enfoncer dans mes emmerdes, je suis allée voir un psy.
Bon, je vous passe les détails, mais bon bref, toujours est-il que le diagnostic de trouble de la personnalité borderline a été évoqué me concernant.

Pas mal d’années après : si je reste une personne qui peut angoisser un peu aléatoirement, je vais nettement mieux. Je garde mes « bizarreries », j’en fais des forces, la dépression est loin derrière moi, l’automutilation aussi (il m’en reste les cicatrices, heureusement pas visibles au premier coup d’oeil parce que cachées sous mes habits, mais ça fait bien longtemps que je n’ai plus touché à une lame).

Tout ça, c’est l’explication de pourquoi je me sens concernée quand on parle de « trouble de la personnalité borderline », et pourquoi je suis carrément hors de moi quand on laisse entendre, même dans une oeuvre de fiction, que le fait d’être borderline est un facteur de risque pour devenir UNE FOUTUE ABUSEUSE SEXUELLE.

Devinez quoi : je travaille avec des enfants.

Vous imaginez les conséquences de ce genre de bullshit ?

Parce que, faut pas croire hein… Ces idées là, elles ne sont pas juste passées aléatoirement dans l’esprit du scénariste de cette série.
Ces idées là, ces préjugés là, ils sont rampants, ils sont partout.
Ils sont chez le scénariste de série, comme ils sont chez le futur employeur qui va refuser de t’embaucher si tu portes des marques d’automutilation, même anciennes.

A ce sujet, je vais vous raconter une mésaventure arrivée à une connaissance à moi.
Tout comme moi, il a une une grosse période de merde dans sa vie, où il a eu recours à l’automutilation pour canaliser ses émotions.
Tout comme moi, il s’est sorti de ses emmerdes, il va bien, il a continué ses études.
Et tout comme moi, il veut bosser avec des enfants.
Donc quoi de plus logique que de chercher un job de vacances avec des enfants, me direz-vous, histoire de se faire un petit bagage d’expérience avant de terminer ses études ?
Ce qu’il a fait.
Il a postulé comme animateur dans une colo.
Le premier entretien s’est bien passé. Il en est reparti avec une promesse d’engagement.
Sauf que lors d’un jour d’essai, une de ses « futures collègues » s’est rendue compte des cicatrices, pourtant visiblement anciennes, sur ses bras.
Exit la promesse d’engagement.
On lui a expliqué que ses cicatrices faisaient craindre un « manque de stabilité », et autres bullshit du genre. Ses explications sur le fait que l’automutilation était derrière lui depuis plusieurs années n’ont eu aucun impact.
Pif paf pouf, au revoir le boulot.

Alors comprenez bien que quand j’entends une série télé reprendre et grossir ces préjugés, je saute au plafond.
Comprenez bien que je rage.

Comprenez bien que ce qui vous parait peut-être être une anecdote insignifiante, si vous n’avez jamais eu de problèmes psy, est pour moi un révélateur de plus de la psychophobie de notre société.

Non, ça n’est pas anodin.
Oui, c’est une fiction, ET ALORS ?
Est-ce que parce que les gens sont en train de regarder une fiction, leur cerveau n’absorbe pas les merdes discriminantes à souhait qui sont véhiculées ?
Est-ce que les scénaristes ont mis ces mots là par hasard dans la bouche de « l’expert psychiatre » ?
Évidemment que non.

Juste pour info : j’ai googlé « abus sexuel trouble borderline ». Juste pour voir si une quelconque étude relevait ce « risque accru de devenir un abuseur sexuel si on est borderline ».
Je n’ai rien trouvé (sur les 3 premières pages de résultats de recherche. J’avoue je ne suis pas remontée plus loin que ça) mentionnant un risque accru pour les personnes borderline de COMMETTRE des abus sexuels.
Par contre, j’ai trouvé beaucoup de pages mentionnant le lien inverse : le fait d’avoir SUBI des abus sexuels augmente le risque d’avoir un trouble de la personnalité borderline, comme conséquence du traumatisme.

Ce qui me donne l’occasion de rappeler, en conclusion de cet article, que contrairement aux idées reçues, les personnes souffrant de troubles psychiques sont de deux à quatre fois plus à risque que le reste de la population d’être VICTIMES de violences (physiques, sexuelles ou psychologiques).
(Source : Association Canadienne pour la Santé Mentale)

Cher.es allié.es, arrêtez de gueuler plus fort que les concerné.es.

Y a un truc qui me sort par les yeux, par les narines, par les pores de la peau, et par tous les orifices que vous voudrez bien imaginer…
Un truc qui me donne envie de faire manger des touches de clavier à pas mal de monde, avec un peu de tabasco pour aromatiser…
Un truc qui [insérez ici toute manifestation d’exaspération massive que votre imagination va pouvoir concevoir]

(En vrai, je ne ressemble plus à cette image depuis longtemps, mais
y a un petit air de ressemblance avec moi y a 30 ans, et cet enfant a l’air super furax)

…C’est les allié.es qui gueulent plus fort que les personnes concernées.

Je vais cibler surtout le militantisme internet dans ce texte, parce que c’est ça que je connais le mieux, mais je suis pas mal certaine que ces gens-là, on les retrouve dans les assos, dans les collectifs militants IRL, dans les manifs.
J’ai tendance à croire que des emmerdeur.euses, y en a partout, hein.

Mais bon. Comment ça se manifeste sur internet ?

Ces personnes, t’as l’impression qu’elles sont furax du matin au soir, sur tous les sujets, sur toutes les causes possibles et imaginables. Elles sont concernées ou alliées ultra-virulentes de TOUTES les oppressions, de TOUS les combats.
Alors je dis pas, hein, c’est bien de se sentir concerné.e par la justice sociale. Je ne critique pas ça.

Par contre, je critique le mode dragon énervé, tout feu tout flammes, à tout propos. Le genre de truc qui fait que tu as des sueurs froides quand tu écris un post de blog ou un commentaire sur un forum ou un groupe de discussion, en te demandant si toutes les virgules sont bien placées, si tu as vraiment utilisé le meilleur terme possible pour chaque idée, et si tu vas pas te prendre un coup de souffle de dragon en travers de la face.

Je comprends totalement qu’une personne concernée par une situation oppressive ait pas toujours les nerfs à être zen, polie, argumentative, calme et posée face à un propos de merde dans un débat.
Même si personnellement j’essaie de rester un minimum pédagogue, parce que je pars du principe qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, et que si j’ai envie que la personne en face comprenne en quoi son propos a été merdique, c’est quand même mieux si elle a envie de lire mon message jusqu’au bout, et qu’elle n’a pas le sentiment que je lui arrache le mollet avec les dents au bout de trois mots… Je dois bien reconnaitre que y a des fois où self-control fail, et où la personne qui va en rajouter une couche sur des situations oppressives que je vis à longueur de journée, elle va se prendre une volée de bois vert. Ouais. Ça m’arrive, je ne suis pas une sainte, faut pas déconner.

Par contre, qu’est-ce que ça peut me gonfler quand la même volée de bois vert, elle vient d’une personne qui n’a aucune raison, dans sa situation personnelle, de réagir avec ses tripes plutôt qu’avec son cerveau !

Je trouve que c’est un foutu manque de respect envers TOUT LE MONDE.

Et en premier lieu, ENVERS LES PERSONNES CONCERNÉES.

Quand je vois, par exemple, une personne mince, qui n’a jamais été en surpoids, qui n’a jamais vécu concrètement la grossophobie, sauter verbalement à la gorge d’une personne qui a tenu des propos grossophobes, j’ai toujours envie de lui dire « Tant qu’à gueuler à ma place comme si c’était toi qui était concernée, tu veux pas prendre mes kilos, aussi, histoire d’avoir une bonne raison pour le faire ? ».
En tant que concernée, je ne VEUX PAS qu’on me vole mes coups de colère, qu’on se sente légitime à ma place pour aller gueuler. NON. NOWAY.
Ça part surement d’une bonne intention (quoi que j’en sais rien, je reviendrai plus tard dans cet article sur les motivations que je perçois à ces comportements là… Et elles sont de loin pas toutes bonnes !). Mais c’est du vol caractérisé. Du vol de colère. Du vol de parole.

Dans le genre « wtf de l’extrême », j’ai aussi vu des allié.es gueuler sur des personnes concerné.es. Genre salement. Parce qu’elles n’étaient pas « concerné.es comme il faut ».
Un exemple qui m’a particulièrement fait grincer des dents, c’est de voir des allié.es de la lutte pour la reconnaissance et la dépénalisation des métiers du sexe tomber abraracourcix sur une ancienne travailleuse du sexe, qui elle avait carrément mal vécu son passage par la prostitution, et qui est maintenant militante abolitionniste.
Posons clairement les choses, je ne suis PAS abolitionniste dans mon positionnement sur ce sujet. Du tout. Je connais plusieurs personnes qui sont ou ont été travailleurs.euses du sexe, et mes échanges avec elles/eux m’ont amenée à être même carrément « pro-pross' » (comme disent les plus virulent.es des militant.es abolitionnistes).
MAIS, par contre, moi de mon petit vécu de nana qui n’a jamais fait payer qui que ce soit pour du sexe, je trouve ça à gerber qu’on aille expliquer, alors qu’on ne s’est jamais prostitué.e, à une ex-travailleuse du sexe, que son vécu et son positionnement, il n’est pas légitime.
Qu’on puisse ne pas être d’accord avec elle : soit. C’est une chose.
Qu’on puisse argumenter, discuter ses choix de positionnement politique et militant : soit.
Que des travailleurs.euses du sexe soient furax contre ce positionnement, parce ils/elles craignent que ça n’appuie des lois et des attitudes qui les foutent en danger, et du coup gueulent un grand coup : c’est légitime.
Mais bon dieu, quand je vois des personnes qui sont purement des allié.es lui gueuler dessus, se foutre de sa gueule ou toute autre forme de communication bien violente et méprisante… What The Fuck ?
Et… J’ai aussi vu, en masse, l’exemple exactement opposé hein (non, les méthodes crades ne sont pas que dans un camp. Ca serait bien pratique de le croire, ça simplifierait peut-être les choses, ça permettrait d’avoir un truc bien manichéen genre les gentil.les vs les méchant.es, mais NON).
Des militant.es abolitionnistes, qui n’ont jamais été travailleur.euses du sexe, s’en prendre abraracourcix à des personnes qui sont ou ont été travailleur.euses du sexe, en se faisant les « portes paroles » très énervé.es et virulent.es des ex-travailleurs.euses du sexe qui sont devenu.es abolitionnistes, j’en ai vu aussi pas mal !
(et des exemples de ce genre là, j’en ai à la pelle, hein. Pas croire que ça se limite au sujet « abolitionnistes vs légalistes par rapport à la prostitution »).
En clair, on se permet, en tant qu’allié.es, de décider quelles personnes concerné.es sont légitimes ? Voire quelles personnes concernées sont digne d’un minimum de respect dans les échanges ? Voire d’être carrément insultant.es et méprisant.es envers DES PERSONNES CONCERNEES ?! Dites, y aurait pas comme un problème ?

C’est un manque de respect aussi envers les personnes qui vont se manger cette colère dans la gueule. Parce que gueuler sur quelqu’un quand on est légitimement touché dans ses tripes, c’est normal, c’est compréhensible, c’est humain, et quelque part c’est sain (pour se faire entendre, mais aussi pour arrêter de se creuser des ulcères à coup de rage ravalée).
Par contre, gueuler sur quelqu’un (à plus forte raison quand il s’agit de personnes qui ont fait une « gaffe », mais qui n’ont pas intentionnellement été oppressives) quand on n’a absolument pas cette légitimité de « ça me touche dans mes tripes » pour le faire, c’est juste gueuler pour gueuler, et considérer qu’on est TELLEMENT supérieur.e à la personne en face qu’on a le droit de lui beugler dessus. Paye ta lutte pour un monde plus juste et égalitaire, non vraiment !

Maintenant… Passons à mon analyse (qui vaut ce qu’elle vaut, qui n’est pas le moins du monde scientifique et statistique, mais qui part de mon observation et de ma fréquentation de ce milieu militant sur internet depuis un an et des brouettes) sur les motivations de ce comportement :

Militer, ou passer ses nerfs ?
J’avoue que quand je vois ses comportements, j’ai souvent la sensation vachement désagréable que pour certaines personnes, militer, c’est une manière de passer ses nerfs, de passer ses frustrations de la journée, de décompresser du patron chiant, de la machine à café qui marchait pas, de la pluie et du train en retard.
Sans déconner, NON ! Stop.
Mes emmerdes, mes oppressions, j’ai vraiment pas envie que ça soit utilisé comme un prétexte, un peu comme un sac de frappe dans une salle de sport, pour passer des nerfs, par des personnes absolument pas concernées.
Je ne sais pas ce qu’en pensent les autres, hein, ce qu’en pensent les autres personnes qui vivent les mêmes oppressions que moi ou d’autres oppressions, je parle juste en mon nom, mais quand je vois des « militant.es » absolument pas concerné.es, se servir du prétexte de « mes » oppressions pour « se passer les nerfs sur un grossophobe », par exemple, alors que jamais elles n’auront eu à se bouffer toutes les conséquences de la grossophobie dans la gueule… J’ai juste envie de hurler. Merci, mes emmerdes ne sont pas un sport, un jouet, un défouloir, donc argumente, discute, réfléchit, ouais, mais si tu tiens à seulement gueuler, SHUT THE FUCK UP !

Militer pour changer les choses, ou militer pour faire partie « des gentils » ?
Ouais, c’est assez valorisant, de se dire qu’on est « du bon coté », pas du coté des méchants, pas du coté de ceux qui oppriment, pas du coté du Mal.
C’est assez valorisant d’être reconnu.e comme tel. C’est humain, tout le monde a un égo, tout le monde a envie de se sentir valorisé.e, tout le monde a besoin d’appartenir à un groupe. De préférence à un groupe dont les valeurs ne nous foutent pas la gerbe.
Alors ouais, on a envie d’être « plutôt bien vu.e » de la part des autres militant.es.
Et j’ai la sale impression que cette attitude « tous crocs dehors sur tous les fronts », c’est justement un moyen d’être bien vu.e, d’être reconnu.e.
Gratter sa reconnaissance personnelle sur le dos des personnes directement concerné.es… Ca craint.

Au delà de ces réactions euh… un peu émotionnelles et épidermiques, passons à la partie « efficacité du procédé », si vous le voulez bien ?

J’ai déjà épilogué sur ma manière de voir la Colère placée en Manière ultime de militer dans un autre article (Je suis une « tiède » et peut-être bien un peu fière de l’être), donc ça sera peut-être un peu une redite, mais…

Je ne crois pas en l’efficacité du militantisme uniquement par la colère, par les beuglements énervés et par les coups de gueule.
Je ne crois pas qu’on puisse « changer le monde » (ouais, rien que ça. Vaste programme !) juste avec de la colère, de la hargne et du raz le bol. Je ne crois pas au pouvoir de conviction de la colère si elle n’est pas accompagnée de pédagogie. Je crois profondément que les deux se complètent.
Et sincèrement, s’il n’est pas toujours facile d’être pédagogue quand c’est sur une problématique qui nous retourne personnellement le bide… C’est aussi le rôle des personnes qui ne sont pas personnellement prises au tripes d’amener cette partie là du travail et du changement. Je pense que la colère des concerné.es, oui, elle peut aussi amener à des prises de conscience. Par l’effet de choc. Par le « Pour qu’il/elle réagisse pareillement, c’est que doit y avoir un vrai problème ». Parce que oui, souvent, tant qu’on n’a pas gueulé un grand coup, mis le poing sur la table voire dans la gueule, c’est très confortable de ne pas écouter les concerné.es.
Mais je crois profondément aussi au pouvoir de changement de la pédagogie. Et être « allié.e », et pas directement pris.e au bide, ça rend quand même vachement plus facile d’occuper ce rôle pédagogique, hein !

Au delà de cette notion d’efficacité, il y a une autre notion qui me tient à cœur : garantir que le changement, il se passe dans des conditions un minimum éthiquement acceptables. Pas à coup de harcèlement, de menaces, d’insultes, de violence.
Et là aussi, je trouve ultra dangereuse cette récupération de la colère par les allié.es. Parce que j’ai souvent vu des personnes absolument NON CONCERNÉES aller nettement plus loin dans la violence, ou au moins tout aussi loin, que des concerné.es.
Et franchement… J’ai pas envie d’une construction d’un monde plus juste, où serait maintenu le rapport de force « celui qui gueule le plus fort et cogne le mieux a le plus de pouvoir ».

Ces allié.es qui gueulent plus fort que les concerné.es, qui insultent, qui rabaissent, qui sont condescendant.es, quelle place occuperont-ils/elles dans un futur où le monde aura évolué vers plus de justice sociale ? Resteront-ils/elles fidèles à cette justice sociale, ou seront-ils/elles les nouveaux tenant.es du pouvoir ?
J’avoue que la réponse qui me vient en tête n’est pas pleine d’optimisme.

Mais à vous aussi de construire la vôtre, de réponse.

Pipi, caca, prout, et autres hontes féminines

[Note préalable : je vais mentionner les règles – au sens « menstruations » – dans cet article. Le titre parle de « hontes féminines ». Je sais qu’il n’y a pas que des femmes qui ont leurs règles, c’est le cas aussi d’hommes trans*. Et je sais aussi que pas TOUTES les femmes ont leurs règles. Pour diverses raisons. Le but n’est pas d’exclure ces personnes ou d’oublier qu’elles existent.

Simplement, je vais parler depuis ma position à moi, de ce que j’ai pu observer moi autour de moi.

Je n’ai pas la prétention de parler de et pour toutes les femmes, ni pour toutes les personnes ayant leurs règles.

Et je précise aussi pour les personnes qui verraient une contradiction entre le fait que j’aie pondu un article sur ma non-binarité il y a quelques jours, et le fait que là je parle de moi en tant que femme : je parle de moi en tant que femme (et dans d’autres aussi, passés et à venir), parce que c’est comme ça qu’on me perçois la plupart du temps. Donc je suis « une femme » dans les représentations sociales des gens, et dans leurs réactions à mon égard

Voilà voilà. Ceci étant dit… Je peux continuer]

—-

« Quoi ? Lau’, elle a des serviettes hygiéniques dans sa tente de camping et elle les cache MEME PAS ? ».

Cette remarque, qui m’a fait éclater de rire, je l’ai entendue de la bouche de deux gamines de 10 et 14 ans avec qui je bosse comme éduc dans un foyer.

*imaginer ici deux gamines qui ressortent de ma tente, avec la trousse de secours que je leur avais demandé d’aller chercher, et surtout avec un air choqué-scandalisé-vaguement effrayé*.

Une fois passé le fou-rire que leur remarque m’a fait avoir, une fois passé aussi leur air doublement choqué quand je leur ai répondu « Ben oui quoi, j’ai des serviettes hygiéniques, j’ai mes règles une fois par mois comme la majorité des femmes, c’est pas un scoop que les femmes ont leurs règles, donc… Ca ne vous a pas appris grand chose de nouveau, pas vrai ? »…

Cet « incident » m’a fait cogiter, un peu.

Waow.
A 10 et 14 ans, elles sont déjà suffisamment imprégnées du formatage social pour avoir intégré que « les règles c’est sale, il faut cacher ces serviettes hygiéniques que je ne saurais voir » ?

REALLY ?

Ouais. Really.

Et en fait, quand je réalise ça, j’ai moins envie de rire. Mais alors vachement moins.
Parce que déjà à cette âge là, elles ont intégré que leur corps de femme, il produit des trucs « crades », « honteux », et qu’il faut cacher tout ce qui est « crade et honteux ».

Ca inclut tout ce qui est rapport aux règles, mais ça inclut aussi pas mal de trucs « pas glamour ».

J’vais vous confesser un truc : je suis une grande péteuse. Enfin, j’étais, quand j’étais gamine. Assez décomplexée, comme péteuse, à vrai dire. Genre le bon gros prout lâché parce qu’il était venu à l’improviste et que je n’avais pas eu le temps de sagement serrer les fesses, bah… ça me faisait pas mal rigoler. Comme beaucoup de mes potes mecs, d’ailleurs.

Par contre, on m’a bien rapidement fait comprendre que « une fille qui pète, ça le fait pas ».
Alors bon, entendons-nous, je ne suis pas forcément pour le « open bar à prouts ». Respecter les narines des autres, et ne pas leur infliger le résultat olfactif de la digestion du cassoulet de la veille, c’est normal et ça s’appelle juste du respect.
Par contre, pourquoi est-ce que « une fille qui pète » ça serait moins normal qu’un mec qui pète ? Pourquoi est-ce qu’on ne dit pas, simplement, de manière indifférenciée aux mecs et aux nanas, que « Sérieux, ça pue, c’est pas très agréable pour les autres », mmh ?

Savez-vous que j’ai des amies qui n’osent pas aller faire caca dans des WC publics ? Non pas parce que « c’est crade, j’ai pas envie de m’asseoir sur une lunette de WC inconnue assez longtemps pour poser ma pêche », mais parce que « Oh mon dieu, il pourrait y avoir quelqu’un qui entend le « plouf », ou le « prrrrtch »(selon la consistance de ladite pêche) ».
Curieusement, je n’ai jamais entendu d’amis mecs avoir ce genre de scrupules à l’idée de soulager leurs intestins (ce qui ne veut pas dire qu’aucun mec n’a ces réticences là, hein. Juste, autour de moi, si plusieurs amies sont « caca-shamed », je n’ai aucun ami mec qui soit réticent à aller couler un bronze ou autre terme imagé dans des WC publics, mis à part quand ils sont trop crades pour pouvoir décemment y poser une fesse).

J’ai une amie qui est choquée que je dise ouvertement « je vais pisser, je reviens » en présence de potes. Ben… Ouais, je vais pisser. En même temps, les gens vont bien le deviner en me voyant partir en direction des WC, hein, alors pourquoi en faire un tabou ? Pourtant, je ne l’ai jamais entendue être choquée quand un de nos potes communs, surnommé « petite vessie » parce qu’il va pisser un nombre surréaliste de fois en une soirée, dit sensiblement la même chose.

Avez vous remarqué qu’une femme qui, après avoir bu une grande lampée de coca ou de bière, laisse échapper un rot un peu sonore se fait regarder vachement plus facilement de travers que si le même rototo était sorti d’une bouche masculine ?

Savez vous, aussi, qu’un homme qui sent la sueur après une heure de sport, c’est normal et viril, mais qu’une femme qui sent la sueur après une heure de sport, c’est le signe qu’elle n’a pas mis le bon déodorant, celui qui garantit de ne pas sentir des dessous de bras, jamais, sous aucun prétexte ?

Peut-être que vous vous dites que mon article est vachement superficiel et que mes histoires de transit intestinal, de pipi, de caca et de serviettes hygiéniques n’ont rien à foutre sur un blog à priori militant.

Au delà d’une réflexion sur l’odeur du pet au cassoulet et d’un comparatif des bruits dans les WC en fonction de la consistance du caca… Ce que j’ai envie de faire ressortir, c’est que derrière toutes ces considérations peu glamours se cache un aspect du body shaming (littéralement : « faire avoir honte de son corps »).

La Fâme a une sorte de sacro-saint devoir d’avoir un corps « glamour, pur, sentant la fleur des champs ».
On nous martèle de publicités avec une imagerie de petites fleurs et de petits oiseaux voletant joyeusement pour des produits aussi divers que du déodorant, des yaourts « qui donnent un bon transit », des serviettes hygiéniques ou du papier de toilette. Avec toujours des femmes radieuses, jamais un cheveux de travers, jamais quoi que ce soit qui s’écarte du « glamour, pur et sentant la fleur des champs ».
Et tout ce qui s’écarte de ce corps glamour est supposé être tenu aussi secret qu’une confession honteuse.

Pourtant, breaking news, faire pipi, faire caca, avoir ses règles, transpirer ou lâcher un rot, c’est signe, tout simplement, du fonctionnement de nos organes. Rien de plus. Rien de moins.

Bienvenue dans un monde où la société trouve honteux que nos organes fonctionnent, hein.

« C’est courageux de ta part » et autres bullshit entendu par des proches de patients psy.

Pour expliquer un peu le contexte : là, ça n’est pas de ma période de gros pétage de câble à moi, que je parle, mais de la dépression d’une personne proche de moi.

Sans rentrer dans les détails, parce que son histoire lui appartient et que c’est vraiment pas à moi de la raconter sur un blog : une personne proche de moi a fait une grosse dépression, et je suis restée à ses cotés y compris dans les périodes les plus difficiles. C’est tout ce qu’il y a besoin de savoir pour comprendre la suite, les détails importent vraiment peu.

Ne tiendrait qu’à moi, mon post pourrait s’arrêter là.
Bien sûr, il y a eu des moments difficiles, très difficiles même. Pour elle, bien entendu, mais aussi pour moi, qui ai dû apprendre à faire avec mon sentiment d’impuissance, qui ai dû apprendre à dealer avec les moments où sa dépression la rendait super-irritable et où ça donnait lieu à des prises de becs, qui ai dû apprendre à vivre avec le fait d’avoir peur pour elle, aussi. Parce que ouais, j’ai eu super peur pour elle. Souvent. Pendant longtemps.

Mais quoi… La vie, ça n’est pas lisse, y a des coups durs, des trucs compliqués à affronter. Et dans toutes les relations, y a des trucs très cool, et des trucs vachement moins cools. C’est comme ça, c’est inévitable, on ne vit pas sur la planète des bisounours.

Donc ne tiendrait qu’à moi, mon post s’arrêterait là.

Mais ça ne tient pas qu’à moi, la psychophobie de la société est bien présente, et j’ai pu me rendre compte pendant ces quelques années qu’elle dégouline aussi sur les proches.

J’ai eu la chance (et oui, je suis sincère en utilisant le mot « chance », parce que je considère qu’un truc qui m’ouvre les yeux, c’est une chance, même si elle fait mal à la gueule quand elle t’arrive dessus, cette chance) d’avoir des merdes psy aussi. Avant d’être une « proche d’une personne qui a des problèmes psy », j’ai été – et je suis encore, dans une moindre mesure – aussi « une personne qui a des problèmes psy ».

Du coup, j’ai pu voir le truc « des deux cotés de la barrière », ce qui me donne un double regard sur le sujet, un double vécu, aussi.

J’ai sans doute un regard un peu plus indulgent sur « les proches » qu’une partie de mes « camarades de lutte contre la psychophobie », et j’ai sans doute aussi un regard un peu moins chargé de psychophobie sur « les malades » que la moyenne des proches.
Ca ne fait pas de moi quelqu’un d’exceptionnel ou qui se croit au dessus du lot, hein, c’est juste les circonstances de la vie qui m’ont amené à être dans ces deux positions.

Si j’ai pu vraiment pester sur la psychophobie en étant « la nana qui a des merdes psy », si j’ai pu pester contre les préjugés, les idées toute faites, si j’ai pu en souffrir…
Je ne m’attendais pas pour autant à remarquer que la psychophobie a aussi un impact non négligeable quand tu n’es pas « le malade », mais « le proche du malade ».

Envie de faire un peu le tour de cet impact.

– L’isolement.

La maladie psy fait peur. Donc les gens s’éloignent de la personne malade. Si tu restes proche de la personne malade, bah… Les gens s’éloignent aussi de toi.
Quand tu n’as pas trop envie de laisser une personne proche, suicidaire, seule à la maison pendant que toi tu vas faire la fête, on te fait bien comprendre que quand même, tu fais un peu chier, à ne plus sortir.
Quand tu tires un peu la tronche parce que tu es inquiet, tu deviens vite le rabat-joie de service.

– « L’admiration ».

Je le mets entre guillemets, parce que à priori, on pourrait croire que c’est positif, d’être « admiré.e ».
Sauf que non.
A la limite, c’est ces « tu es courageuse de rester près d’elle », ces « moi je ne pourrais pas », ces « tu es exceptionnelle » qui m’ont le plus choquée.
Non, ça n’est pas « exceptionnel » de rester proche d’une personne malade psy. Pas plus que ça n’est « exceptionnel » de rester proche d’une personne malade physiquement, d’ailleurs.
J’ai envie de dire que ça devrait être normal, en fait, dans un monde qui serait moins psychophobe.
A chaque fois que quelqu’un me disait « tu es exceptionnelle de rester près d’elle », j’avais l’impression qu’on la voyait comme un monstre, ou quelque chose comme ca. Et ça me retournait le bide.
Ca me coupait, aussi, de toute possibilité de pouvoir dire « là c’est difficile, en ce moment », ou « j’ai du mal à gérer mon inquiétude ». Parce que je n’avais pas envie de ce « Ah ouais, c’est vrai que c’est super dur, tu es très courageuse de rester ». Je n’avais pas envie de renforcer cette image de « monstre », ou de « boulet dans ma vie que j’étais courageuse de trainer » que les gens avaient d’elle. Alors je fermais ma gueule sur les moments difficiles.
Super aidant, n’est ce pas ?

– « Faut être un peu cinglé, quand même, pour être si proche d’une personne malade psy ».

Jamais dit comme ca, hein, mais avec le temps, les regards, les silences, les sous-entendus, on apprend à les comprendre.
Et c’est une idée très répandue, hein.
Et, étant donné le degré de psychophobie de notre société, l’idée n’est pas forcément complètement fausse, à vrai dire.
Parce que effectivement, beaucoup de personnes qui n’ont jamais eu de problèmes psy fuient comme la peste bubonique les personnes qui en ont. Comme si c’était contagieux, les emmerdes psy.
Et aussi parce que la psychophobie est tellement pénible à vivre au quotidien que… Beaucoup de personnes qui ont des problèmes psy fuient comme la peste bubonique les relations proches avec des personnes qui n’en ont jamais eu. Parce que se bouffer des jugements à l’emporte-pièce tout le temps, des « faut te bouger, ça ira mieux », des « Ah mais je comprends totalement ce que c’est des troubles anxieux, moi aussi je suis stressé des fois », et autres trucs du genre… Ben ça donne pas vraiment envie de tisser des relations proches, étrangement…

Donc quand tu es connu pour être proche d’une personne qui a des troubles psy, on va bien souvent déduire que tu en as aussi. Et donc te faire dégouliner tout plein de psychophobie sur la face, aussi.

– « Toi tu sais ce qu’il faut faire, alors je te laisse gérer »

Ca, c’est royal, aussi.
Alors que la personne malade n’a, à juste titre d’ailleurs, aucune envie que tu entreprennes de « gérer sa vie à sa place », le reste de la société attends de toi que tu le fasse.
Ca va être les amis qui t’appellent à ton boulot pour te dire « Elle ne va pas bien, faut que tu fasses un truc » (euh, j’suis au boulot. Et si toi tu sais que là maintenant elle ne va pas bien, c’est très probablement que tu es avec elle, ou que tu es en train de lui parler. Donc, devine qui est le mieux placé « pour faire quelque chose », là maintenant tout de suite ?).
Ca va être le milieu psychiatrique, qui te nourrit de doubles messages constamment : « Il ne faut pas trop fliquer la personne, c’est néfaste » (ce qui est vrai, mais des fois, tu as beau le savoir, ton inquiétude prend le dessus…), mais en même temps « C’est à vous de gérer » (ses médics, le choix de savoir si elle doit être hospitalisée, et une foule d’autre trucs).
Ca va être les gens dans la rue (ça, je n’y ai pas été confrontée, mais une personne que je connais m’a raconté s’être fait littéralement engueuler parce qu’elle n’arrivait pas à calmer une amie à elle qui était en crise d’angoisse dans la rue. Euh… Ok…).

– « Tu es maso / tu ne peux pas être heureuse dans cette relation »

Ca, c’est le corrolaire négatif de « tu es admirable ». Ca semble totalement défriser les gens qu’on puisse être HEUREUX.SE dans une relation avec une personne qui a des problèmes psy. Breaking news, la personne n’est pas QUE ses problèmes psy, et le fait d’avoir des problèmes psy n’empêche pas, par ailleurs, d’être un.e ami.e / un.e conjoint.e génial.e. Sisi, je vous assure !

– C’est de la co-dépendence.

Ca, c’est un grand refrain des psy.
C’est la version « professionnelle » de « faut être un peu cinglé, quand même ».
Petite question : est-ce qu’un psy aurait l’idée de taxer de co-dépendant l’ami.e / le.a conjoint.e d’une personne qui a, j’sais pas moi, un cancer ?
Non, hein.
Pourtant, j’sais pas, mais je pense pas qu’il n’y ait que des moments super fun, quand on vit avec une personne qui a un cancer. L’inquiétude, elle est là aussi. Le fait que la vie quotidienne se retrouve rythmée par la maladie, par les jours « où ça va à peu près », par les jours « où ca ne va pas du tout », par les traitements, par les effets secondaires des traitements… C’est présent aussi, non, dans le cas d’un cancer ?
Alors pourquoi on fait une telle différence ? Pourquoi on n’a pas la même grille de lecture ? Pourquoi on ne se dit pas simplement que le proche tient à la personne malade, et n’a pas envie de la lâcher, d’abandonner cette personne, et de renoncer à cette relation ?

Toutes ces bouses, ça n’aide VRAIMENT pas le proche. Au contraire, ça le pousse juste à se murer dans le silence, à ne pas pouvoir évacuer et donc relativiser les moments difficiles, à ne pas pouvoir demander un coup de main ou un « relais » aux autres quand c’est nécessaire.

Mais aussi… Ca peut amener des proches à avoir des attitudes carrément contre-productives. Nocives. Pour la personne malade.
Le fait de ne pas pouvoir évacuer les tensions en en parlant simplement, ça fait bien souvent que c’est la personne malade qui va se bouffer le stress, l’inquiétude, l’angoisse de plein fouet.
Les injonctions à gérer la situation, ça fait que soit tu te fous dans une position d’autorité envers la personne malade (ce qui craint !), soit tu passes pour un parfait irresponsable aux yeux des autres (ce qui craint, aussi).
Le « tu es exceptionnel / courageux / tu sais ce qu’il faut faire », si on n’a pas le recul de se dire que ça n’est pas vrai (et je peux comprendre qu’on n’ait pas ce recul, hein, parce que dans le lot, c’est à la limite le seul regard « positif » offert par la société sur les proches, alors je peux comprendre les proches qui s’y raccrochent…), ça peut amener à des attitudes de prise de pouvoir sur la personne malade. A penser que « on sait mieux qu’elle ce qui est bien pour elle ».
C’est assez typiquement l’attitude de certaines associations de proches (typiquement : l’UNAFAM, en France, qui fait un peu l’unanimité contre elle parmi les patients psy, à force de prises de positions qui sont carrément nuisibles pour les patients).
J’ai du mal à blâmer les proches qui se raccrochent à ce type d’association, et qui adoptent ce genre d’attitudes.
Parce que je sais que j’ai eu de la chance, vraiment, d’avoir autour de moi pendant ces dernières années une belle brochette de « cinglés » (et dans ma bouche, c’est un compliment. J’en suis une aussi, après tout !), qui ont pu juste m’écouter dans les moments où c’était super difficile, qui ont pu aussi me recoller les pieds sur terre dans les moments où mon inquiétude me faisait trop « jouer au flic » vis à vis d’elle.
C’est une chance, et de loin pas tout les proches l’ont.
Alors est-ce qu’on peut blâmer, vraiment, des proches qui se regroupent entre eux, qui se soutiennent entre eux… Mais sans avoir le recul que m’a permis le fait d’avoir eu ma dose de merdes psy aussi ?
(Ce qui ne veut pas dire que les patients psy qui gueulent sur l’UNAFAM ont tort. De loin pas. Le fonctionnement de l’UNAFAM est nocif, clairement. Mais derrière ce fonctionnement, c’est le regard de la société en général sur les patients psy qui craint, et qui amène à ce fonctionnement. Je suis assez persuadée que les membres de l’UNAFAM sont très sincères, individuellement, dans leur volonté d’aider. Mais ils le sont sur les bases biaisées d’une société profondément psychophobe…).

Si je devais donner, avec mon double regard, un « conseil » pour soutenir les proches d’une personne qui a des problèmes psy, c’est : « Ecoute et ferme ta gueule ».
C’est un peu agressif dit comme ca, mais ça résume bien, je pense.
Ecoute les moments difficiles (mais écoute aussi quand la personne te raconte les bons moments, histoire de ne pas noircir le tableau).
Ecoute les coups de gueule, de nerfs, de découragement, mais pour autant, n’aie pas un jugement de valeur, pas un regard qui noircit le tableau. N’oublie pas que si la personne te raconte surement un peu plus les mauvais moments que les bons, c’est parce qu’on éprouve plus le besoin de « vider son sac » sur ce qui est difficile que de raconter « Hier on est allées faire une balade en montagne, c’était un moment vraiment trop cool ».
Ecoute, exactement de la même manière que tu écouterais quelqu’un raconter ses moments difficile auprès d’un.e proche qui a un cancer.
Ecoute, mais n’enferme pas ni la personne, ni son proche, dans des idées reçues toutes dégoulinantes de psychophobie.
Là, tu seras vraiment un soutien pour ce proche dans les moments difficile.
Le reste, c’est pas aidant, et pire, c’est plutôt destructeur qu’aidant.