Y a quelques temps, j’ai pris l’avion, et j’avais peur. Pas du crash, mais de la ceinture.

Y a à peu près un an, je suis partie à Prague avec des amis.
Une semaine de vacances vachement chouette, donc je me réjouissais depuis vachement longtemps, et que j’ai savourée comme il se doit.

Mais avant de partir, j’avais peur.

J’avais peur de l’avion.

Mais pas de la même manière que beaucoup de monde.
Je n’avais pas peur du décollage, des trous d’air, voire même de l’hypothétique crash.

J’avais peur de devoir accrocher ma ceinture, et de m’apercevoir qu’elle était trop courte pour moi.

J’avais peur qu’on me dise que j’étais trop grosse pour le siège, et qu’il fallait que j’en paie un 2ème.

J’avais peur qu’on me fasse des remarques de merde.

J’avais peur de rester clouée au sol de l’aéroport de Genève pendant que mes amis m’attendaient à Prague.

Alors on me dira peut-être : « Mais Laurence, tu es trop flippée ».

Non. Je ne suis pas trop flippée, je suis réaliste. J’ai lu tous ces témoignages de personnes pas bien plus grosses que moi qui ont vécu ces humiliations là.

La nuit avant le voyage, pendant que j’angoissais et insomniais allègrement, j’ai cherché, fièvreusement googlé le modèle d’avion que j’allais prendre, la compagnie, tout ça, pour tenter de trouver des témoignages qui pourraient me rassurer.
Je n’en ai pas trouvé, je suis partie à l’aéroport la boule au bide.

Tout s’est bien passé, ‘fin la ceinture me serrait comme pas permis, j’ai passé mon vol avec le bide rentré, j’avais une grosse marque rouge à l’arrivée, mais on m’a épargné l’humiliation d’avoir à demander une rallonge pour la ceinture à un personnel de cabine moqueur qu’on vécu certaines personnes que je connais. On m’a épargné l’humiliation du double siège à payer. On m’a même épargné les voisin/es de siège grossophobes et les remarques de merde.
Alors avoir eu la ceinture qui me rentrait dans le bide sans autre problème, je m’estime heureuse.

MAIS WAIT ?

Je suis en train de dire que je suis contente d’avoir au mal au bide pendant tout le vol ? Je suis vraiment en train de dire ça ?

On en est vraiment là, les gens ? Devoir s’estimer heureux ou heureuse d’avoir mal, mais de ne pas être humilié/e ?

Oui, on en est à ça, et y a comme un gros problème, un problème largement plus gros que la taille de mon bide, tiens !

La grossophobie, c’est aussi ça. Devoir s’estimer heureux ou heureuse quand les choses se passent « raisonnablement mal ». Pas catastrophiquement mal, mais juste raisonnablement mal.

Devoir trouver l’inconfort presque agréable, parce que c’est mieux que l’humiliation.

Ça couterait quoi, au juste, d’avoir des ceintures plus longues ? Ca serait vraiment une dépense non envisageable pour les compagnies aériennes, de rajouter des centimètres de tissu, d’office, aux ceintures (qui sont de toutes manières réglables, donc ça ne nuirait en rien ni au confort ni à la sécurité des passagers/passagères plus minces) ?
Ça ne serait vraiment pas envisageable de former le personnel de cabines sur le sujet, pour qu’il puisse proposer d’office des rallonges aux personnes obèses, avec un peu de tact, pour que ça soit juste vu comme un banal service proposé aux passagers/passagères, et pas comme un moment humiliant où on va demander une « faveur » en risquant de tomber sur une personne grossophobe qui va nous rire au nez ?
Si des fois il faut envisager un double siège, ça ne serait pas possible de le faire avec tact, au moins ? Sans toutes les humiliations que j’ai pu lire et qui me font froid dans le dos ?

Je rêve du jour où ce genre de témoignages ne seront plus qu’un mauvais souvenir :
Témoignage d’un homme publiquement humilié dans un avion
Témoignage d’une femme refusée d’embarquement sur un vol, sans remboursement of course

Mais pour ça, ça serait déjà bien que le monde veuille bien admettre que la grossophobie existe, qu’elle fait des dégâts au même titre que d’autres formes de discrimination.

Et ça, c’est pas encore gagné.

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