Prof en dépression et avalanche… de psychophobie

« Avalanche aux Deux Alpes, une dizaine de personnes emportées par une avalanche, 3 morts, dont deux élèves d’un lycée lyonnais, qui avaient emprunté une piste fermée et non sécurisée sous la responsabilité de leur professeur. »

avalanche

J’ai beau être de tout cœur avec les victimes et leurs proches, le traitement médiatique de cette information ne m’en fout pas moins dans une colère noire.

Un drame de la montagne, comme il y en a chaque hiver : les avalanches tuent, c’est tragique, mais ça n’est pas nouveau.

Qu’est ce que ce fait divers tragique fout sur mon blog, donc ?
Et quel est le fichu rapport avec la psychophobie ?

Et bien…

Il se trouve que par un hasard n’ayant rien à avoir avec l’accident, le professeur responsable du groupe d’élève sortait d’hôpital psychiatrique, et était sous médicaments psychotropes. (lien)

Et, évidemment, cet aspect de sa vie PRIVEE est étalée partout (plusieurs dizaines d’occurrences de cette information quand on recherche sur google…) dans la presse, avec les réactions qu’on peut imaginer :

« Il n’était pas en pleine possession de ses moyens, évidemment ».
« C’est un irresponsable ».
« Peut-être qu’il a voulu se suicider de cette manière là en entrainant d’autres personnes dans la mort ? »…
« Comment quelqu’un qui est en dépression peut se faire respecter assez par ses élèves pour assurer leur sécurité sur les pistes de ski ? »

Pourtant, des avalanches, il y en a chaque hiver, qui tuent chaque hiver des gens qui ont mal évalué le danger, ou qui simplement n’ont pas eu de chance…

Mais, déjà, me direz-vous, comment donc les journaux ont-ils été au courant du dossier médical de cet enseignant ?

Et bien, à l’aise, c’est une information que le procureur chargé de l’enquête a divulgué.
Il semblerait que la santé mentale n’est pas un aspect de la vie privée qu’on considère comme étant digne d’être protégé des rapaces de la presse. Great.
Chers ami.es avec des troubles psys, sachez que la justice n’aura aucun scrupule à informer la presse de votre état de santé.
Ca donne envie, hein, n’est ce pas ?

Et, encore une fois, fonçons dans la stigmatisation des troubles psy :

Parce que, évidemment, ça n’est pas une information donnée de manière innocente.
Le sous-entendu derrière cette information, le voilà :

« Etre en dépression rend inapte à assumer toute forme de responsabilité ».
« Etre en dépression rend dangereux ».
« Etre en dépression rend potentiellement inapte à avoir la responsabilité d’autres personnes. »

Et, après tout… Pourquoi pas « avoir été en dépression », aussi, n’est ce pas ? Parce que sait-on jamais, hein…

Qu’est ce qu’implique un tel traitement psychophobe de cette information ?

– Encore plus de discrimination à l’embauche pour les personnes ayant – ou ayant eu – des troubles psychiques.
– Encore plus de difficulté à aborder, dans le contexte professionnel, le sujet des troubles psychiques. Se retrouver en arrêt de travail, ou avoir besoin d’un aménagement d’horaire, pour une dépression ou autres troubles psychiques est déjà difficile, l’aborder avec ses supérieurs hiérarchique est déjà à risque de discrimination sur le lieu de travail.
J’ai notamment entendu un responsable d’équipe me dire « Quand on a fait une dépression, on reste fragile toute sa vie, et ça n’est pas un travail pour des gens fragiles ». Je n’avais pourtant pas abordé le sujet avec lui, mais il s’en était rendu compte (prenant le droit de poser un diagnostic sur ma situation, au passage…).

Et en conséquence, encore plus de honte, d’isolement.
Et – plus grave encore – encore plus de difficulté à accepter des soins adéquats. Beaucoup de personnes concernées par les troubles psychiques hésitent à accepter un arrêt de travail ou une hospitalisation, alors même qu’elles en ont besoin. Parce que ça implique de devoir l’assumer (comme on assumerait une faute honteuse), sur son lieu de travail.

Mesdames et Messieurs les journalistes…
Est-ce que vous vous rendez compte des conséquences de votre traitement sensationnaliste et psychophobe de l’information ?
Est-ce que vous vous rendez compte des risques (réels) que vous faites courir aux personnes ayant des troubles psychiques, alors que vous vous évoquez les risques IMAGINAIRES représentés par ces mêmes personnes ?

Est-ce que vous vous rendez compte qu’au nom du sensationnalisme qui fait vendre vos torchons, vous mettez la santé, l’intégration sociale et professionnelle, voire la vie, de nombreuses personnes en péril ?

Il serait temps que vous commenciez à avoir honte.
Parce que non, ça n’est pas à nous d’avoir honte de nos troubles psychiques.

Vous êtes dangereux.
Bien plus ne le sont les malades psychiques que vous stigmatisez dans vos articles.

3 réflexions sur “Prof en dépression et avalanche… de psychophobie

  1. On ne considère pas ces maladies comme « valables » ni comme de vraies maladies… Comme m’a répété à plusieurs reprises ma grande soeur, « quand tu es atteint d’un cancer, on n’attend pas que tu prennes sur toi, on ne te culpabilise pas, au contraire, on te soutient et on compatit; toutes ces choses qu’on ne fait pas quand tu es atteint d’une maladie psychique » sachant que ces dites maladies peuvent être tout aussi graves et handicapantes qu’un cancer.

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