Et si vous arrêtiez de spéculer sur nos organes génitaux ?

« Eh, t’as vu, là ? C’est une meuf ou un mec ? »

Ce genre de phrase, « murmurées » (pas si murmurées que ça, d’ailleurs, sinon je ne les aurais pas entendues, remarquez) dans la rue ou les transports en commun, je ne compte pas le nombre de fois où j’en ai entendue.

Mon physique atypique (grande taille, épaules carrées, un peu de poil au menton… et des boobs) semble être de nature à alimenter la gazette interne de pas mal de monde.

C’est vrai quoi, c’est absolument CRUCIAL de savoir si la personne assise deux sièges plus loin que toi dans le bus a un vagin ou un pénis. Non mais je comprends, hein, ta vie en dépend, si tu n’arrives pas à répondre à cette question de la plus haute importance, tu vas mourir d’une surchauffe de tes neurones. Ou pire, la Terre va tomber dans une dimension parallèle et des aliens au genre ambigu vont prendre le contrôle sur notre civilisation. MINIMUM !

Si aujourd’hui, mon cheminement et mes réflexions personnelles quant à ma non-binarité m’ont fait gagner en sérénité face à ce genre de réflexions (en clair : je me soucie de ces remarques comme de ma première paire de chaussette), l’attitude qui va avec, les regards insistants, l’impression d’être un singe dans une cage de zoo à qui on ne va pas tarder à lancer des cacahuètes, ça a l’art de m’exaspérer au plus au point.
Je suis assez au clair avec moi-même et mon genre pour ne plus souffrir des remarques sur le sujet (« Tu as l’air d’un mec », « T’es pas une vraie femme », etc), mais par contre, oui, j’vous assure, j’apprécierais de ne pas être un genre de bête de foire, et de pouvoir faire mes trajets en bus peinard sans avoir à faire des battles de regards (parce que j’ai pour principe de ne pas détourner les yeux, face à ce genre de regard, histoire de leur foutre un peu la honte au passage) aussi régulièrement avec des gens (en plus, je suis grosse, merde alors, je cumule !).

Mais bref. Plus vraiment de souffrance, plus du tout de questionnements et de doutes sur ma propre identité. Juste un petit reste de colère.

PAR CONTRE :

Je regarde autour de moi, dans mon entourage, et je réalise à quel point je suis privilégiée d’avoir un caractère, un mode de fonctionnement et un entourage bienveillant qui me permettent de ne plus en souffrir.

Parce que c’est de loin pas le cas de tou.te.s mes potes et ami.es.

Je vois des personnes à qui je tiens (personnes trans, personnes non-binaires, personnes cis avec un physique atypique) se prendre de plein fouet ces remarques, ces regards.
J’en vois ne plus oser sortir. J’en vois rechercher désespérément la validation des autres sur leur physique, sur leur passing, sur leur droit à vivre simplement normalement, sans être constamment remis.es en doute et en question. J’en vois haïr leur corps qui leur attire autant d’emmerdes et de mépris. J’en vois haïr les gens. J’en vois y laisser des morceaux de leur santé mentale.

Et ça, nettement plus encore que mes récurrentes battles de regards dans le bus ou dans la rue, ça me fout dans une colère noire.

Alors, petit rappel à qui voudra bien le lire, en espérant qu’il atteindra aussi des gens qui justement font ce genre de réflexion et ont ce genre de regard :

CE QU’ON A DANS LE SLIP NE REGARDE QUE NOUS.
A moins que vous ne prévoyiez de coucher avec moi (et honnêtement, si c’est le cas, je peux vous annoncer d’emblée que ce genre de regard insistant ont tendance à faire l’effet d’un extincteur à libido, façon neige carbonique sur un incendie !), vous n’avez absolument pas besoin de savoir ce que j’ai dans le slip.
Je vous assure, aucune catastrophe planétaire ne vous guette si vous n’avez pas réussi à déterminer si votre voisin.e de bus était un mec, une nana, ou aucun des deux. Vraiment.

Et aussi :

CE QU’ON A DANS LE SLIP N’EST PAS SUFFISANT POUR DÉTERMINER SI ON EST UNE NANA, UN MEC OU AUTRE.
Le sexe (les organes génitaux, tout ca) ne détermine pas le genre.
Oui, je sais, c’est bizarre pour beaucoup d’entre vous, cette notion.
Je ne peux pas vous en blâmer, il m’a fallu aussi pas mal de lectures, de réflexions, d’échanges avec d’autres personnes, tout ça… Pour me mettre au clair là dessus.
Mais ouais : on peut être une femme avec un pénis. Un homme avec des ovaires. On peut aussi ne se reconnaitre pleinement dans aucun des deux genres « communément admis » (on parle alors de « non-binarité »). On peut aussi avoir des organes génitaux qui sont un mélange des deux (on parle alors de « personnes intersexes »).
Bref… C’est un peu plus compliqué que juste « vagin = femme », « pénis = homme ».
Je ne peux que vous conseiller de vous documenter un peu (google est votre pote pour la vie. Et puisque je suis quelqu’un d’éminemment sympathique, vous pouvez même poser des questions en commentaire à cet article. Si elles sont formulées avec un doigt de respect, j’y répondrai au mieux de mes possibilités).

Mais surtout… S’il vous plait : arrêtez de nous scruter comme des bêtes de foire dès que vous avez du mal à déterminer notre genre ou notre sexe. C’est pas grave, que vous ne sachiez pas exactement ce qu’on se trimballe dans le slip, ou si on s’identifie comme un homme, une femme, ou autre. Par contre, c’est vraiment grave que vous soyez aussi humiliant.es et déshumanisant.es.

Et si on est un peu plus, pour vous, qu’une personne dans le bus, et que vous devez savoir nous genrer pour savoir comment vous adresser à nous, ben… Demandez. Avec un peu de tact, si possible.

(By the way, pour les personnes qui se demanderaient, me concernant, comment je préfère qu’on s’adresse à moi : Je m’appelle Lau’, je suis de genre non-binaire, et pour ce qui est de « il, elle ou neutre », je m’en fiche éperdument, parce que les trois font références à des choses qui existent en moi, donc aucun n’est faux. Je parle de moi au féminin par habitude, et par simplification : je suis assignée femme, et vu que ça n’est pas entièrement faux – ni entièrement vrai d’ailleurs – ben, j’ai choisi de continuer à parler de moi au féminin, pour ne pas me prendre la tête. Mais c’est un choix personnel, hein, et vous n’avez aucun droit d’en faire une généralité et de décréter que ça vous donne le droit de continuer de genrer TOUTES les personnes non-binaires par leur genre assigné à la naissance).

are you a girl or a boy

3 réflexions sur “Et si vous arrêtiez de spéculer sur nos organes génitaux ?

  1. Hmmm. Contente de voir un avis clair énoncé, mon entourage va p’t’être piger -mais ça me démange : Je suis cis, mais en même temps, j’accorde trèèèès peu d’importance au sexe ou au genre. Pour moi on est soi avant d’être femme, homme, trans, entre-deux, herma ou non-binaire. Est-ce qu’il vaut mieux que je garde pour moi cet avis ? Parce que du coup je comprend mal le malaise de certains avec leur genre assigné (enfin si je comprend, j’ai deux potes concernés qui m’ont expliqué, mais je pige pas trop pourquoi ils en viennent à ressentir ça dans ma logique) et du coup sur ce sujet, je ne peux pas faire preuve de réelle compassion… Arg.
    Pour ce qui est de mon identité sexuelle perso, par exemple, je me vois comme « fille », mais si on se plante c’est pas bien grave, on peut renier mon genre, ça m’embête parce que c’est fait pour me blesser, mais je trouve pas ça dérangeant en soi, et j’ai tendance à penser que bordel, être un mec, ce serait bien pratique ! Mais pas de là à remettre en question un truc dont je me fous comme qui dirait beaucoup, euh mmh nan. Et quand j’en parle, je me sens mal de pas pouvoir sympathiser et de dire ça alors que mon but c’est de relativiser pour les rassurer.

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    1. Que tu gardes pour toi cet avis… Non, si tu parles te concernant toi-même.
      Je veux dire, c’est ton droit le plus strict d’avoir ce ressenti là par rapport à ton genre, et si toi tu es confortable avec ca, et que ca te parle à toi, ben… Enjoy 🙂

      Par contre, évite de « coller » ce ressenti là sur la réalité d’autres personnes.
      Pour beaucoup de monde, pouvoir mettre un mot sur son genre, pouvoir se sentir en accord avec ce genre, c’est vachement important.
      Donc si tu arrives avec tes grands sabots en disant « Mais non, te prends pas la tête avec ça, c’est pas très important le genre », tu disqualifies complètement le ressenti de l’autre, et mbof, c’est pas très aidant, quoi.

      Imagine la situation inverse, que quelqu’un entreprennes de t’expliquer que ton ressenti est complètement à coté de la plaque, que tu DOIS accorder une grande importance à ton genre, tout ca… Je doute que tu apprécierais des masses, et tu aurais parfaitement raison, vu que bon, c’est ton corps, ton genre, ton ressenti à toi.

      Je ne sais pas si je réponds vraiment à ton interrogation, pour le coup ?

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  2. Y’a pas longtemps un collègue m’a dit que ça serait mieux que ça soit une vraie fille et donc pas moi qui fasse cette présentation orale…
    Je croyais avoir dépassé tout ça mais parfois je me surprends encore à le prendre très mal, à avoir envie d’hurler, à n’en plus pouvoir de toutes ces injonctions sur mon apparence…
    Merci pour les supers articles Lau

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