Requiem pour un harceleur

[Ne cherchez pas une vocation militante à cet article. C’est du défoulement, du vidage d’abcès. S’il a une utilité, c’est peut-être d’être un témoignage parmi plein d’autres quant au harcèlement. Fondu dans une masse bien trop massive. Et, aussi, éventuellement, de dire qu’on a le droit de ne pas sacraliser les morts et de garder notre colère contre eux malgré leur mort. La mort n’efface et ne pardonne pas tout.
Je ne pense pas avoir donné dans cet article de détails permettant de le reconnaitre. Si toutefois vous deviez le reconnaitre, je vous demande, par respect pour sa famille, de ne pas rendre public son nom. Ça ne changerait plus rien. Il est mort. Il ne paiera plus rien. Et sa famille n’a pas à payer pour lui. Elle a le droit de faire son deuil, de pleurer sa mort.]

C.

Tu ne seras ici qu’une initiale. Ne crois pas que c’est toi et ta mémoire que j’essaie de protéger, ta réputation je m’en fous, tu n’imagines pas à quel point.
C’est par respect pour ta famille, et uniquement pour elle, que je ne donne pas ton nom. Et aussi par respect pour mes principes. Les dénonciations publiques sont à mon sens une porte beaucoup trop dangereuse pour que j’accepte de la pousser.

Pourtant, je le sais, et tu le sais aussi : je ne mens pas.

Alors tu es mort ?
C’est fini, pfiou, envolé, y a plus.
La nouvelle de la mort d’un mec de mon âge serait supposée me toucher.
Ou la nouvelle de la mort d’un enfoiré est peut-être supposée me faire plaisir.

Mais en fait, non, ça ne me fait pas plaisir.
Ca ne me fait pas plaisir, du tout, de voir les hommages à ton nom, les articles de presse qui vantent ta générosité, ta gentillesse, ta bonté. Qui pleurent la mort d’un homme bien, trop tôt, tellement trop tôt. Bla. Bla. Bla.
Qui parlent du fait qu’il était impossible d’être en conflit avec toi, tellement tu étais merveilleux.
Ouais, les articles de presse. Parce qu’entre temps tu avais « réussi ». Tu avais glâné ta petite respectabilité merdique, ton succès, ta pseudo-célébrité de pacotille de journaliste de bas étage.

Ca ne me fait tellement pas plaisir que ça ré-ouvre, 11 ans après, la plaie des 8 mois d’enfer que tu m’as fait passer.
« Nous a fait passer » serait plus exact, parce que je n’étais pas seule dans cette merde (et c’est d’ailleurs de ça que tu as tiré ton emprise, vu que tu m’utilisais comme arme contre ma meilleure amie, et réciproquement). J’y étais d’ailleurs surement moins qu’elle, vu les liens qu’elle avait avec toi.
Mais je ne vais parler que pour moi. Parce que mes mots ne sont pas les siens, qu’elle dirait surement les choses autrement.

Tu étais le petit ami de ma meilleure amie.
La première fois que je t’ai vu, j’ai été mal à l’aise en face de toi. Pourquoi ? Je n’en sais rien. J’ai cherché à rationaliser ce malaise, cherché à me dire que je n’avais aucune raison d’avoir peur de toi.
Et j’y suis arrivée. J’ai oublié ce signal d’alarme irrationnel, je l’ai laissé dans un coin.
Et je t’ai trouvé « gentil et généreux », moi aussi.
Comme tous ces gens qui pleurent ta mort.
Je t’ai parlé de moi, aussi, un peu. Sans savoir à ce moment là que chaque mot, chaque truc un peu personnel que je t’avais révélé me reviendrait dans la gueule plus tard.

Jusqu’à ce que tu la trompes. Oh, je n’ai pas arrêté de te trouver « gentil et généreux » pour si peu. Je me suis dit, comme elle d’ailleurs, que tu étais paumé, que tu avais fait de la merde.
Tu es venu chialer ton « désespoir » de « l’avoir perdue » en la trompant.
J’ai été triste pour toi, triste que tu ailles mal.

Et puis.

Et puis avec le temps, tu as arrêté de chialer. Tu as commencé à exiger. Exiger que je lui demande de te parler, exiger qu’elle t’écoute, te parle. Alors que TU avais merdé. Exigé. Exigé.
Et à partir de là, tu n’as plus fait que ça. Exiger.
Exiger d’abord poliment, mais exiger quand même.
Et après beaucoup moins poliment. Parce que non. Je ne suis pas la Poste. Je ne fais pas passer des messages. Je n’allais pas tenter de la forcer à aller contre ce dont elle avait besoin.
Et ça, tu n’as pas aimé.

Et tu as commencé ton petit jeu. Celui qui a duré 8 mois. D’insultes. De menaces. De tentative pour m’éloigner d’elle, parce que j’étais un obstacle sur ta route. De tentatives pour la forcer – et tu as bien failli y arriver – à planter la vie qu’elle avait construit pour aller te rejoindre. Tout en jouant avec elle.
« On va se remettre ensemble ».
« En fait peut-être pas. »
« Mais si, quand même ».
Pendant 8 mois, mec.

8 mois où je l’ai vue crever à petit feu, où j’ai eu peur pour elle.

8 mois pendant lesquelles je recevais quotidiennement des mails d’insultes odieux, des mails de menaces aussi. Et quand je ne répondais pas aux mails, tu passais aux SMS, jusqu’à ce qu’excédée et lassée je réponde à tes mails.
Et si je ne répondais pas pendant assez longtemps, tu commençais à la harceler elle pour qu’elle me demande de te répondre. Ce que je faisais. Pour éviter qu’elle se ramasse l’orage.
8 mois.

T’as une idée de ce que c’est, 8 mois, C., quand à chaque fois qu’on ouvre sa boite mail, on se demande non pas SI on va avoir reçu de la merde, mais quelle quantité de merde, et de quelle nature cette fois-ci.
Des menaces ? Des insultes ? Les deux ? Ou peut-être quelques invitations à me suicider, en me décrivant précisément les méthodes qu’il te plairait de me voir utiliser. Ou éventuellement dénigrer mes proches, vu que tu savais que je suis capable d’encaisser beaucoup, mais pas qu’on touche aux gens que j’aime.

Il a fallu que j’aille jusqu’à garder consciencieusement tes mails. Oh, pas tous. Juste ceux de la fin. Juste ceux des quelques dernières semaines. Et que je te menace d’envoyer le tout à ton employeur, qui aurait été « ravi » d’apprendre que tu utilisais ta boite mail professionnelle et tes heures de travail à me harceler plutôt qu’à bosser.
A partir de là, étrangement, vu que je menaçais de toucher à ta façade, à ta pseudo-respectabilité de pacotille, à ta réussite professionnelle chérie… Tu as magiquement arrêté ton harcèlement.
J’ai pu le faire parce que mon amie avait trouvé la force de te couper les ponts complètement, et que tu n’avais plus la ressource de la harceler elle pour me me forcer à répondre.

Ces mails, je les ai relus en apprenant ta mort.
Parce qu’à force de lire que tu étais une merveille, j’en venais à douter de mes propres souvenirs.
C’était ta force, ça aussi. Donner une telle apparence de mec gentil qu’on en venait à ne plus rien comprendre à ce qui nous arrivait.

Et il semblerait que tu ne te sois pas arrêté après mon amie et moi.
Que tu aies refait le même genre de plan à la copine suivante. La même manipulation, la même emprise.
Avec elle aussi. Au moins avec elle.
En vrai, tu as fait ça à combien de personnes, Monsieur Respectabilité et Gentillesse incarnées ?

Alors tu vois, les articles dégoulinant de larmes qui annoncent ta mort… Non, ils ne m’ont ni rendue triste, ni fait plaisir. Ils m’ont foutu dans une colère noire. Ton impunité, ton image intacte de fragile, gentil et généreux, ça me fout littéralement la gerbe.

Ma seule satisfaction, ça n’est pas que tu sois mort, parce que les morts sont tellement sacrés et intouchables que jamais personne ne pourra dire ouvertement quel salopard tu étais.
Non. Ce qui me satisfait dans tout ça, c’est que tu es hors d’état de nuire. A plus personne.
Tu n’imagines pas combien je regrette de ne pas avoir porté plainte, et de ne pas t’avoir dénoncé à ton employeur.
Que tu n’aies pas été confronté directement aux conséquences de tes actes.

Contrairement aux articles élogieux sur ta petite personne… Je ne te souhaiterai pas « bon voyage », ni de « reposer en paix ».
Juste de te faire bouffer par les vers.
En espérant que tu sois moins toxique pour eux que pour les humains.

2 réflexions sur “Requiem pour un harceleur

  1. J’imagine, sans en être certaine, de qui il s’agit.
    Tes mots sont justes et on sent bien que tu n’as aucune envie de vengeance (et ça te fait honneur) , juste le besoin que ça sorte.
    J’espère que ton récit aidera des personnes dans le même cas que toi et ton amie, à ouvrir les yeux et à agir, pour ne pas avoir de regret.
    ♡ ♡ ♡

    Aimé par 1 personne

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