Un article qui comprendra surement plus de questions que de réponses…
N’étant pas hétéro, je ne peux pas ne pas être touchée, révoltée, en colère, quand je lis que des personnes sont menacées, violentées, torturées, emprisonnées ou mises à mort à cause de leur homosexualité.
Où que ça soit dans le monde.
Ici ou ailleurs.
Ca me touche droit au bide, avec à chaque fois la pensée obsédante : ça pourrait être moi.
Je pourrais être la personne agressée, ici ou ailleurs.
je pourrais être la personne emprisonnée, si tant est que les caprices de la géographie m’aient fait naître ailleurs.
Je pourrais être la personne mise à mort.
Alors quand je lis « 7 hommes emprisonnés au Sénégal pour cause d’homosexualité« , ou autres horreurs dans ce genre là, j’ai envie de hurler l’information, de faire tourner la pétition, tout ça.
Après, j’ai aussi lu les réactions – tout aussi légitimes je pense – de personnes qui craignent que ce genre de partage et de mobilisation n’attisent le racisme. Que ça soit dans une optique néocolonialiste (« Nous qui sommes tellement en avance sur vous, nous allons vous apprendre la vie »).
Et on ne peut pas dire que ces craintes soient infondées, quand on voit le nombre de personnes qui se découvrent une grosse envie de lutter contre l’homophobie, ou contre le sexisme, si ça leur donne l’occasion de casser au passage sur « les Africains », sur « les musulmans » , ou encore de faire valoir la supériorité de nos sociétés occidentales sur… tout le reste du monde en fait.
Pour autant, je n’arrive pas à me dire qu’il ne faut pas, jamais, sous aucun prétexte, dénoncer les actes homophobes qui se passent dans d’autres cultures.
Ca me touche trop, ça m’écorche trop la gueule pour arriver à juste me taire, fermer les yeux très fort pour ne pas voir, et attendre que le changement se passe.
A plus forte raison… On parle souvent de laisser la parole aux concerné.es. Et c’est vrai, c’est important, c’est capital même. Bien sûr que si on étouffe la parole des personnes LGBT+ vivant directement sur place sous notre parole de personnes LGBT+ occidentales, on fait plus de mal que de bien.
Mais par contre… La parole des concerné.es, dans des pays où l’homosexualité est passible de sanction pénales, elle peine souvent à se faire entendre. Parce que les gens ont la trouille, et ma foi c’est plus que largement compréhensible…
Est-ce que j’assumerais aussi « facilement » mon orientation sexuelle publiquement si je risquais de me retrouver en prison, ou éventuellement torturée ou tuée à cause de ça ? Sincèrement, j’aimerais bien dire que oui, que je serais courageuse et brave, mais sincèrement, je n’en suis de loin pas sure. Parce que voyez-vous, je tiens « un peu » à la vie, quand même…
Alors est-ce qu’on peut raisonnablement attendre uniquement la parole des concerné.es, quand elle est étouffée sous la menace ?
Est-ce vraiment complètement inutile et contreproductif de dénoncer ce qui se passe ailleurs ?
Est-ce qu’en faisant gaffe à la manière, en faisant gaffe à recadrer les réactions qui friseraient de trop près le racisme, il n’est pas possible (et utile ?) de dénoncer ce qui se passe « ailleurs », quand ce qui se passe ailleurs nous retourne les tripes comme si on les essorait dans une centrifugeuse ?
Est-ce que « les concerné.es », dans une telle situation, ça n’est pas aussi toutes les personnes LGBT+ qui se sentent immédiatement solidaires et touchées par ce qui arrivent à d’autres personnes LGBT+ quelque part dans le monde ?
Est-ce forcément raciste de dénoncer les crimes transphobes et homophobes à la pelle au Brésil ?
Est-ce forcément raciste de dénoncer l’arrestation de ces 7 homosexuels au Sénégal ?
Est-ce forcément xénophobe de hurler devant la situation des personnes homosexuelles en Russie ?
Où se situe la limite entre le respect (normal et légitime) des autres cultures, et l’indifférence puante envers des gens qui morflent et qui n’ont que peu de possibilité de faire entendre leur voix parce que ça pourrait leur couter la vie ?
8 phrases qui se terminent par des « ? » sur un article de moins de 700 mots… je vous avais dit qu’il y aurait plus de questions que de réponses…